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Prix des carburants : pourquoi le gouvernement hésite-t-il entre un chèque pour les plus modestes et une baisse des taxes ?

Face à la hausse des prix à la pompe, le Premier ministre Jean Castex doit faire des annonces cette semaine.

Article rédigé par franceinfo
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Une station-service à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), le 14 octobre 2021. (ADRIEN FILLON / HANS LUCAS / AFP)

Baisse des taxes ou chèque carburant ? Le gouvernement a fait savoir, mardi 19 octobre, qu'il annoncerait "d'ici la fin de la semaine" un dispositif "juste et efficace" pour aider les consommateurs confrontés à l'envolée des prix à la pompe. Selon les informations de franceinfo, le Premier ministre, Jean Castex, devrait même faire des annonces "ce soir [mercredi] ou demain", après avoir déjeuné mercredi en tête-à-tête avec le chef de l'Etat. "Il ne s'agit pas d'inventer une usine à gaz, il faut que ce soit simple", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, à l'issue du Conseil des ministres, mercredi. L'exécutif paraît néanmoins avoir du mal à trancher entre une réduction des taxes sur les carburants et un chèque sous conditions de ressources. Explications.

Le chèque carburant : mieux ciblé, mais complexe à mettre en œuvre

C'est la solution privilégiée par le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, sur le modèle du chèque énergie qui a été distribué aux près de 6 millions de ménages les plus modestes. Si cette réponse a l'avantage de ne concerner que ceux qui en ont le plus besoin, elle est toutefois complexe à appliquer. Car il faut non seulement définir un plafond de ressources, mais aussi identifier les personnes qui sont obligées de prendre leur voiture pour travailler.

Une aide de ce type existe déjà dans les Hauts-de-France, région présidée par Xavier Bertrand. Près de 50 000 personnes utilisant leur véhicule pour raisons professionnelles ont ainsi bénéficié en 2020 d'une "aide au transport" de 20 euros mensuels. Ces bénéficiaires doivent habiter à au moins "20 km de leur lieu de travail", "gagner au maximum deux fois le smic" et "ne pas habiter dans une zone déjà desservie" par les transports en commun, explique à l'AFP Antoine Sillani, conseiller régional (LR) chargé de la jeunesse et de la vie associative. Ils doivent aussi remplir une demande sur internet et envoyer plusieurs pièces justificatives.

Mais l'exécutif a des difficultés à flécher un tel dispositif puisqu'il ne dispose pas d'"une base de données des gens qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler", a expliqué la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Et le gouvernement ne veut pas d'un dispositif "usine à gaz" car il souhaite que les automobilistes puissent rapidement bénéficier d'une aide contre la cherté des carburants.

Enfin, dernière préoccupation, à quelques mois de l'élection présidentielle d'avril 2022 : éviter "que certains, pour des questions de seuil, se sentent exclus", comme "les classes moyennes supérieures". "On ne veut pas, après les 'gilets jaunes', avoir une manif des cols blancs", justifie à franceinfo une source gouvernementale. D'autant que cet électorat s'abstient moins que les classes populaires.

La baisse des taxes : très coûteuse et peu écologique

L'autre option tourne autour d'une baisse des taxes qui pèsent sur le prix des carburants. Comme le montre le graphique ci-dessous élaboré à partir des données de l'Union française des industries pétrolières, ces taxes s'élèvent à près de 60% de la facture payée par l'automobiliste.  La plus importante est la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représente la quatrième recette fiscale de l'Etat derrière la TVA, l'impôt sur le revenu et celui sur les sociétés (soit 33,2 milliards d'euros de recettes en 2019, d'après le ministère de la Transition écologique). Mais l'automobiliste paie également une TVA de 20% qui s'applique à la fois sur le carburant et sur la TICPE.

Si la baisse des taxes sur le carburant passe pour populaire dans l'opinion, elle a le défaut d'être "très chère", selon le ministère des Finances. Une baisse d'un centime par litre représente un demi-milliard d'euros de manque à gagner pour l'Etat, alors qu'elle n'est guère perceptible à la pompe pour le client. "Passer la TVA de 20% à 5,5% sur le gaz, l'électricité et les carburants, comme le proposent certains candidats, coûterait 13 milliards d'euros en année pleine, dont 10 milliards uniquement sur l'essence", selon Bercy, cité par L'Opinion. "L'exécutif est-il prêt à amputer ses recettes de TICPE, attendues à 17,4 milliards d'euros cette année et 18,3 milliards l'an prochain ?" s'interroge de son côté le quotidien économique Les Echos en pointant "un déficit public de plus de 8% du PIB cette année".

Inconvénient supplémentaire : elle "ne permet pas de cibler spécifiquement les publics les plus modestes", insiste une source gouvernementale. Et elle concernerait tous les automobilistes, y compris les propriétaires de grosses voitures et de SUV très gourmands en carburant. Soit un message très négatif en termes d'écologie.

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