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Privatisation d'ADP : de multiples bugs sur le site du gouvernement pour le référendum d'initiative partagée

Depuis jeudi, les Français peuvent se prononcer sur le site du ministère de l'Intérieur pour soutenir l'organisation d'un RIP autour de la privatisation du groupe aéroportuaire. Mais ils se heurtent à de nombreuses difficultés techniques. 

Article rédigé par franceinfo, Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un voyageur à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, à Paris, le 6 août 2018.  (JOEL SAGET / AFP)

Un objectif : 4,7 millions de signatures. C'est le chiffre que doit atteindre le compteur en mars 2020 pour que la procédure vers un référendum d'initiative partagée (RIP) puisse être lancée sur la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP). Depuis jeudi 13 juin, les Français peuvent se prononcer sur le site du ministère de l'Intérieur à ce sujet mais, selon de nombreux utilisateurs, les bugs se sont rapidement multipliés. 

Une page inaccessible, des messages d'erreur à répétition, des électeurs introuvables sur les listes, des prénoms avec accents invalidés... Les citoyens désireux de soutenir, dès les premières heures, l'organisation de ce RIP contre la privatisation du groupe ont dû slalomer entre les embûches. 

Problèmes d'accent 

Célestin Matte a essayé dès jeudi matin. "Un bug m'a redirigé vers la même page sans afficher de message d'erreur alors que j'avais rentré toutes mes informations", explique à franceinfo ce chercheur post-doctorat dans le domaine de la vie privée et de la sécurité, à l'INRIA Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes).

Après avoir pris connaissance de messages sur les réseaux sociaux alertant de premiers bugs, Célestin Matte était sur ses gardes : "Je n'avais pas mis les accents dans mes prénoms car c'est ce que les gens conseillent" mais la procédure a tout de même échoué. Un aller-retour sur un autre navigateur lui a finalement permis de venir à bout du formulaire, "en cinq à dix minutes", précise-t-il. 

Parmi les conseils partagés par les internautes, figure celui de se munir de sa carte d'électeur et de sa carte d'identité avant de se lancer. Des utilisateurs expliquent également avoir abandonné leur démarche car le numéro qui s'affichait à côté du nom de leur commune ne correspondait pas au code postal de celle-ci. Même si cela peut prêter à confusion, ce n'est pas une erreur : le code qui s'affiche est en réalité le code Insee de la ville.

Pour ceux qui sont venus à bout de ces démarches, la dernière étape est parfois venue annuler toute la procédure. 

L'accumulation de ces problèmes complique la tâche pour venir à bout du formulaire. Un compte Twitter dédié a été créé pour épauler les citoyens interéssés, pour éviter tous les bugs. 

Un prestataire de service américain 

D'autres internautes signalent l'absence de compteur indiquant l'évolution du nombre de signataires, ainsi qu'une liste qui les répertorie qui reste, pour l'heure, vide mais librement consultable

Célestin Matte s'est intéressé à l'échaffaudage du site adossé à cette consultation. "Je voulais regarder si le site incluait du contenu tiers, qui est chargé depuis d'autres sites, notamment étrangers", développe-t-il. "En premier lieu, j'ai vu que ce n'était pas le cas mais j'ai constaté que le site utilise un prestataire de service américain pour des raisons de sécurité, pour éviter de se faire attaquer. Donc ce service redirige tout le trafic aux Etats-Unis", explique-t-il à franceinfo. 

Une pratique "assez courante", selon lui, mais qu'il juge, en tant qu'expert, "assez inquiétante sur un site gouvernemental" et adossé à un vote. "Le service américain est en position intermédiaire, il peut donc voir tout le trafic et éventuellement le modifier", analyse-t-il. 

L'opposition dénonce un "déni de démocratie"

Plus de 250 députés et sénateurs sont à l'origine de cette consultation inédite en France, de La France insoumise aux Républicains, en passant par le Parti socialiste. Ils s'opposent à la privatisation du groupe aéroportuaire, inscrite dans la loi Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), adoptée définitivement par le Parlement le 11 avril.

Les figures de l'opposition ont rapidement réagi à ces bugs auxquels ont dû faire face les citoyens, dénonçant un frein à l'aboutissement de leur procédure. Certains ont choisi d'en rire. "On ne peut pas dire que la Start Up Nation aide beaucoup à la réussite de cette initiative démocratique...", a ironisé sur Twitter le porte-parole du PS, Boris Vallaud, en faisant allusion aux propos tenus par Emmanuel Macron en avril 2017. 

Le député LFI de Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel, a quant à lui signalé sur le réseau social que "tous les responsables des différents groupes ont signé la pétition" et qu'il souhaite demander au ministre de l'Intérieur des précisions pour s'assurer de la transparence et du "bon suivi technique" de la procédure.

"Il faut dire que depuis ce matin, ce qui vient comme bugs ne nous rassure pas, que ce soit sur le fait par exemple de devoir rentrer absolument [manuellement] le nom de la ville et cela marche pas", a-t-il déploré. La députée LFI Clémentine Autain a elle aussi regretté "de tels freins bureaucratiques à l'expression démocratique". De son côté, le député Les Républicains François Cornut-Gentille a fustigé "un déni de démocratie"

"Mesure de vérification de la qualité d'électeur"

Sollicité par franceinfo, le ministère de l'Intérieur assure que "des difficultés de rafraîchissement des pages sur le site de recueil des soutiens ont été constatées ce matin" et qu'elles ont été réglées "avant 21 heures".

"Sur les difficultés à s'identifier comme électeur, (...) il convient de renseigner dans le formulaire ses nom et prénoms tels qu'indiqués sur la carte électorale" répond la place Beauvau, qui précise appliquer une "mesure de vérification de la qualité d'électeur, nécessaire et prévue par la loi."

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