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"Très doué", "un peu coq", "conservateur mais pas raciste"... Qui est Pascal Praud, l’animateur polémique de CNews ?

Article rédigé par Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Pascal Praud, à Paris, le 13 septembre 2017. (JACQUES BENAROCH/SIPA)

Depuis la grève à i-Télé, le présentateur de "20h Foot" est devenu la vedette de la chaîne d'info du groupe Bolloré. Il parle désormais de ballon rond mais aussi d'actualité et cultive une image ambiguë. Portrait.

Vendredi 3 novembre, le plateau de "20h Foot" s'anime. Pascal Praud, l'animateur  de l'émission, et Rost s'emportent à propos de l'affaire Patrice Evra. La veille, le joueur de l'OM a répondu aux insultes des supporters de l'OM par un coup de pied balancé à l'un d'eux. L'ancien rappeur met en avant la question du racisme. Un argument qui met hors de lui le présentateur. Une séquence spectaculaire comme peut les apprécier l’animateur.

De "Téléfoot" au FC Nantes

Il n'en est pas à son coup d'essai. En 2013, au lendemain du barrage aller pour la Coupe du monde 2014 perdu par la France en Ukraine, il avait vertement critiqué les Bleus. Avant de défrayer la chronique, Pascal Praud a été l'un des visages de l'émission "Téléfoot". Pendant vingt ans, il a travaillé avec Thierry Rolland, Christian Jeanpierre, Frédéric Jaillant, Vincent Hardy ou encore Hervé Mathoux. En février 1988, il débarque à 23 ans, sans avoir terminé son cursus à l’ESJ Paris, dans le service des sports de TF1. 

Frédéric Jaillant, Thierry Rolland et Pascal Praud sur le plateau de "Téléfoot", le 21 août 1997^. (BEDEAU/TF1/SIPA)

Pascal Praud vit, mange et dort foot. "On était dans de beaux hôtels, on voyageait dans le monde entier, on accompagnait l’équipe de France", se souvient-il dans un portrait que lui a consacré L’Equipe (article payant). "On a fait des trucs complètement infaisables aujourd’hui, commente son ex-collègue Christian Jeanpierre. On partait en voiture de Paris pour voir les matchs du championnat le samedi soir. On assistait aux rencontres et on rentrait dans la nuit pour monter les sujets pour l’émission du lendemain matin. On ne dormait pas beaucoup." 

Frédéric Jaillant, lui, se souvient de "quelqu’un de très doué". "Il savait tout faire en télévision : commenter, interviewer, présenter", explique celui qui co-présentait l’émission, avant de devenir directeur des sports de TF1. Ses interviews, par exemple avec Jean-Claude Suaudeau, alors entraîneur du FC Nantes, marquent les esprits de ses anciens collaborateurs.

"Il ne se dégonflait pas", "il posait les vraies questions", assurent-ils. Une de ses interventions dans l'émission, à propos de l'OM, lui vaudra une explication musclée avec Bernard Tapie. Mais après vingt ans, une certaine lassitude se fait sentir. Pascal Praud "s’ennuie", de son propre aveu. "J’étais en bout de piste à TF1 et j’ai eu une opportunité", raconte-t-il, contacté par franceinfo. Une opportunité qui ne se refuse pas pour ce Nantais d'origine.

Pascal Praud, lorsqu'il dirigeait la communication du FC Nantes, le 19 février 2010. (MARC ROGER / MAXPPP TEAMSHOOT)

En janvier 2008, Waldemar Kita, alors président du FC Nantes, l'appelle pour devenir son conseiller. Pascal Praud revient dans son club de cœur, où il a joué quand il était jeune. En charge de la communication, Pascal Praud multiplie les erreurs. "Je n'étais pas fait pour ça, je n'étais pas bon. Si tu n'as pas joué au foot, tu n'as pas les codes du vestiaire, les joueurs ne te calculent pas", regrette-t-il aujourd'hui. Avec la presse locale et les supporteurs, les relations se tendent. "Il a sous-estimé le poids de l'histoire" d'un club qui fête ses 75 ans cette année, analyse le journaliste David Phelippeau pour franceinfo.

"Il nous a pourri la vie"

Sur les bords de l'Erdre, il veut en finir avec "Les Choristes, Amélie Poulain et Radio Nostalgie". Pour les nostalgiques des années Jean-Claude Suaudeau et Reynald Denoueix, entraîneurs ayant marqué l'histoire du club, cette volonté de faire table rase ne passe pas. "Lors d'un match à Brest, il veut offrir un maillot aux supporters du kop qui ont fait le déplacement. Il s'est fait recevoir par une bordée d'insultes", se rappelle le journaliste sportif.

Pour les reporters qui suivent le club à l'époque, le passage de Pascal Praud n'est pas synonyme de bons souvenirs. La Jonelière, centre d'entraînement où les journalistes peuvent aller et venir librement, devient plus difficile d'accès. Le dirigeant, qui se pose en bouclier pour protéger l'institution, va jusqu'à mettre son nez dans les articles publiés. "Il nous a pourri la vie. Il m'appelait tous les jours vers 9h15, 9h30 pour parler de mon papier. Il disait souvent 'ce n'est pas concevable d'écrire ça'", raconte David Phelippeau.

Il lui arrivait d'appeler la direction de certains journaux pour tenter d'édulcorer les contenus de papiers.

David Phelippeau

à franceinfo

Ainsi, Pascal Praud goûte peu l'article moqueur que ce dernier publie sur 20 Minutes après son départ du club en mars 2010. "Monsieur Phelippeau, je ne vous demande de ne plus m’appeler, de ne plus me regarder sur i-Télé et de ne plus m’écouter sur RTL", lui lance Pascal Praud au téléphone, quelques semaines plus tard. "C’est la dernière conversation qu’on a eue", lâche le journaliste.

Il rebondit à RTL et i-Télé

"J'ai fini éreinté et j'en ai pris plein la gueule", confesse Pascal Praud. Pour les mauvaises langues, il l'a bien cherché. "Il n'était pas à sa place", juge un ancien salarié du club, interrogé par franceinfo. "Les gens ne l'aimaient pas pour tout ce qu'il représentait, ce côté parisien 'm'as-tu-vu'." 

C'est dans les médias que Pascal Praud retrouve son aise. A la rentrée 2010, il rejoint RTL pour parler de foot. "Je voulais quelqu'un qui maîtrise l'analyse, mais qui puisse également parler à un public plus large", résume à franceinfo Christian Ollivier, le chef des sports de RTL. Parallèlement, il intègre i-Télé pour suivre la Coupe du monde et devient le présentateur de "20h Foot". "Il a un vrai talent pour animer, c'est quelqu'un curieux de tout, qui met de la bonne humeur", admet Simon Dutin, ancien chef d'édition de l'émission.

De fait, Raphaël Badache, alors journaliste à la chaîne, se souvient de quelqu'un d'"un peu coq, mais sympa". Un autre ancien salarié, désireux de conserver l'anonymat, parle d'une personne "qui faisait le show en étant provocant, mais pas méchant, c'était un clown". Ses envolées, ses imitations ou les débats qu'il aime lancer amusent la galerie. Ses spécialités ? Bernard Tapie, Patrick Poivre d'Arvor, Thierry Rolland, Jean-Paul Belmondo, ou encore Jean Gabin dans La Traversée de Paris.

"Il était contre la grève, c'est son droit"

Tout change le 17 octobre 2016, lundi où est voté le premier jour de grève pour contester l'arrivée de Jean-Marc Morandini sur i-Télé. Le week-end qui précède, une scène alerte certains journalistes, raconte un salarié présent ce jour-là, sous couvert d'anonymat. "A propos de l'arrivée de Jean-Marc Morandini, il a dit à un journaliste : ''Vous savez l’entreprise, c’est comme une monarchie. Il y a un roi qui décide et les autres obéissent. Le roi, c’est le directeur, les employés obéissent. S’ils ont décidé de mettre Morandini, pas de discussion. Les patrons, ce sont les rois, on ne discute pas'." Mais pour ses interlocuteurs, la discussion se solde dans le bureau de Serge Nedjar, le nouveau patron de la rédaction, installé par Vincent Bolloré. C'est Pascal Praud qui les y a emmenés. La rédaction commence à se méfier de lui. Il va devenir une "taupe" aux yeux des grévistes. 

Présent régulièrement aux assemblées générales, il a le courage de faire entendre sa voix, opposée à la grève. "Le fait qu'il soit contre la grève n'était pas un problème, c'est son droit", rapporte un ex-gréviste. Mais ses allers-retours entre la salle où étaient les grévistes et le bureau de Serge Nedjar ne passent pas inaperçus.

On n'a jamais su ce qu'il se disait dans ce bureau, mais ce comportement m'a dégoûté.

Un ancien gréviste d'i-Télé

à franceinfo

La grève prend fin le 16 novembre. Ce jour-là, l'animateur affiche "un sourire satisfait", se souvient Raphaël Badache. "Il avait gagné." Depuis, il est l'un des animateurs vedettes de la chaîne, devenue CNews, et présente, en plus de "20h Foot", une deuxième émission, "L'Heure des Pros".

Pascal Praud lors de la conférence de rentrée de RTL, le 4 septembre 2014, à Paris. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"J'aime chambrer, j'ai l'esprit de contradiction"

Aujourd'hui, Pascal Praud "s'éclate", selon Christian Jeanpierre. L'intéressé confirme : "Je m'amuse dix fois plus que lorsque j'étais à TF1 !" Il s'est diversifié et donne raison à ses anciens collègues de "Téléfoot", qui le savaient capable de parler d'autres choses. "Pascal n'est pas un journaliste qui n'a que du gazon dans les oreilles", soutient Christian Jeanpierre. Littérature, cinéma, théâtre... Pascal Praud sait parler de tout et essaye d'ouvrir l'esprit de ses collaborateurs. "Il nous parlait de livres qu'il avait lus et s'offusquait en découvrant qu'on ne les connaissait pas", se souvient Jean-Louis Tourre, journaliste qui l'a côtoyé à RTL.

Cette culture générale et son aisance à l'oral sont autant d'atouts pour l'animation de débats. Où il excelle aux dires de tous, détracteurs comme supporteurs. "C'est un mélange entre Thierry Ardisson pour le côté provoc' et de Frédéric Taddeï pour la culture et le côté naturel et branché", décrypte Frédéric Jaillant. "Il y a parfois de l'excès, ça crie un peu, mais j'aime chambrer, j'ai l'esprit de contradiction", affirme l'animateur.

Pascal Praud n'en est pas à une près. L'animateur se montre capable de faire pleurer une attachée de presse au FC Nantes et d'être très "attachant", selon un ancien du club. Il est aussi capable d'animer quatre émissions ("20h Foot", "L'Heure des Pros" sur CNews ; "On refait le match avec Pascal Praud", le "Multiplex Ligue 1" sur RTL) et d'écrire deux chroniques (Yahoo et Le Point) sur le football, mais d'être critiqué pour ses connaissances en la matière. D'anciens collaborateurs lui reprochent parfois de ne pas regarder les matchs dont il est censé parler. "C'est un faux procès, analyse Christian Ollivier qui le pratique tous les week-ends. Il connaît le foot et il sait le vulgariser."

Raccourcis et vulgarisation

Mais il n'y a pas que sur le foot où Pascal Praud est accusé d'être un peu "léger". Le 3 novembre, l'universitaire Clément Viktorovitch a recadré l'animateur ainsi que la journaliste Eugénie Bastié, en critiquant leurs raccourcis sur l'affaire Merah.  

Sa dernière sortie face à Rost lui a aussi valu un procès en racisme. "C'est un conservateur, mais il n'est pas raciste", précise l'ancien rappeur devenu chroniqueur. Accusé d'avoir "excité la fachosphère", l'intéressé se défend : "L'argument du racisme m'agace, je ne suis pas d'accord avec Rost. Mais quand je vois les réactions, les bras m'en tombent... Je ne nie pas qu'il y ait du racisme en France." N'empêche que l'animateur ne se prive pas d'inviter des personnalités controversées, comme Charlotte d'Ornellas, la "journaliste préférée de la fachosphère", dixit Streetpress, pour un débat sur la rafle du Vel' d'Hiv.

De quoi nourrir les critiques, que Pascal Praud balaie d'un revers : "J'ai l'habitude d'égratigner des footballeurs, j'aurai mauvaise grâce d'empêcher les gens de m'égratigner." La lumière ne semble, en tout cas, pas lui déplaire. "Il m'a dit un jour : 'il n'y a qu'une chose qui importe : qu'on parle de toi. En bien ou en mal, mais il faut qu'on parle de toi'", résume un ancien salarié du FC Nantes. C'est réussi.

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