Deux chiens congelés depuis 12 000 ans livreront-ils les secrets de leur espèce ?
Un scientifique sibérien a extrait le cerveau des dépouilles très bien préservées de chiots préhistoriques. Il espère pouvoir ainsi déterminer s'ils étaient domestiqués ou non.
A quelle époque le chien est-il devenu le meilleur ami de l'Homme ? Découvertes en Iakoutie, à l'extrême nord-est de la Russie, les dépouilles de deux chiots qui attendaient depuis 12 460 ans dans le permafrost, ce sol en permanence gelé, pourraient bientôt livrer leurs secrets. Le 15 mars, des scientifiques sibériens ont révélé qu'ils avaient extrait d'un de ces chiots le premier cerveau bien préservé d'un canidé aussi ancien. Ils espèrent qu'il éclaircira ainsi les origines de l'espèce et de sa domestication.
Un chien découvert par des chasseurs de mammouths
Si on peut considérer la Iakoutie comme la définition même du bout du monde, c'est un eldorado pour les scientifiques à la recherche d'animaux préhistoriques bien conservés. Cette quête est même devenue une activité économique à part entière pour ses habitants. C'est en cherchant des défenses de mammouth dans le sol gelé que des chanceux ont découvert, en 2011, le premier des deux chiots de Toumat, du nom du village le plus proche des lieux.
Dans la glace ne se trouvaient pas seulement les os, mais la carcasse entière de l'animal, comprenant encore son cœur, ses poumons et son estomac. Pas un fossile mais une momie, en somme. Mieux : à l'été 2015, les scientifiques retournent sur le site et trouvrent un second chiot, encore mieux conservé, à deux mètres du premier. Sur les images, on voit que même sa fourrure est quasi intacte.
"Découvrir des mammifères carnivores intacts avec la peau, la fourrure, les organes internes… Ce n'est jamais arrivé dans l'Histoire !", s'enthousiasme Sergueï Fedorov, chercheur à l'université de Iakoutsk et responsable du musée du mammouth. Avec leurs "os fins" et leur "crâne fragile", les carcasses de chiens sont d'autant plus rarement préservées. Les plus vieux restes de chiens connus ont 36 500 ans, "mais ils ne sont pas aussi bien préservés", explique une paléontologue belge au Siberian Times (en anglais).
Comparer son cerveau à celui des chiens actuels
Le contenu de ces carcasses a déjà révélé des détails étonnants. L'estomac du second chiot, notamment, "était rempli de branches et d'herbe", ce qui pousse les chercheurs à s'interroger sur son régime alimentaire. Mais la partie la plus cruciale de l'autopsie de ce chiot, conduite mi-mars et filmée par le Siberian Times, est l'ablation de son cerveau, qui doit permettre de percer le secret de ses origines.
Les scientifiques veulent savoir si ces chiots sont plus proches des loups, animaux sauvages, ou des chiens modernes domestiqués. "Jusqu'ici, la lignée de loups qui a probablement été à l'origine des chiens n'a pas été découverte et il est possible que ces chiots en fassent partie", explique un biologiste impliqué dans les recherches. Comparer leur cerveau avec celui de chiens modernes devrait permettre de clarifier leur place dans l'évolution. Les chercheurs veulent aussi recomposer leur génome, pour comparer leurs gènes avec ceux d'espèces actuelles, ou encore étudier les parasites trouvés sur leur corps et dans leur estomac, qui pourront révéler des indices sur leur mode de vie.
Une espèce ramenée à la vie par le clonage ?
Ils se demandent, notamment, si ces chiens étaient apprivoisés, des traces d'activité humaine ayant été retrouvées sur le site de leur découverte. De nombreuses questions se posent encore sur les origines des chiens tels qu'on les connaît aujourd'hui : se sont-ils rapprochés de l'Homme, ou est-ce l'Homme qui a décidé de les apprivoiser ? Le chien domestique est-il apparu dans plusieurs régions du monde simultanément, ou s'est-il répandu depuis un seul point d'origine, qui pourrait être l'Asie centrale ?
Ces chiens momifiés attirent les convoitises. Le site américain Mic pointe la présence, lors de l'autopsie, du scientifique sud-coréen Hwang Woo-suk, connu pour son projet fou de cloner un mammouth à partir de son ADN. Le Siberian Times affirme qu'il a prélevé des échantillons de la peau, des muscles et du cartilage du canidé. Selon le journal, "ce chien préhistorique fait désormais partie des animaux qu'il veut ramener à la vie".
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