Vrai ou faux La chaîne américaine Starbucks a-t-elle vraiment ouvert un café en Algérie ?

Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des gobelets de la chaîne de café Starbucks, à Cracovie (Pologne), le 19 août 2023. (BEATA ZAWRZEL / NURPHOTO / AFP)
Même si le coffee shop ouvert à Oran ressemble en tout point à un vrai Starbucks, il s'agit bien d'une contrefaçon.

"Enfin Starbucks à Oran !" s'enthousiasme un internaute algérien dans une vidéo TikTok ayant fait un million et demi de vues. Dans cette séquence, le tiktokeur Oumnia-Online emmène ses quelque 48 000 abonnés pour une visite guidée virtuelle dans ce nouvel établissement installé à Oran (Algérie). "On est rentré à l'intérieur, c'est la vraie franchise Starbucks", affirme-t-il. Le logo avec la sirène à double queue, les tabliers verts, les prénoms des clients sur les boissons, tout est fait pour laisser penser qu'il s'agit bien d'un magasin de l'enseigne américaine. "La décoration est simple, dans les normes internationales de Starbucks", note le vidéaste.

"J'ai pris un Frapuccino double chocolat, un cake, et sincèrement le goût est comme celui qu'on trouve à l'étranger", poursuit l'internaute algérien, habitué des critiques culinaires dans les fast-foods oranais. "Du point de vue des prix, c'est bien sûr cher comme tous les Starbucks du monde. On leur souhaite la réussite, incha'Allah que la chaîne s'étende en Algérie", espère le vidéaste.

La chaîne américaine dément

L'adresse est bien référencée sous le nom de "STARBUCKS ORAN" par Google Maps, dans le quartier de Hai Seddikia à Oran, ville portuaire du nord-ouest de l'Algérie. Pourtant, tout est faux. Contactée par la BBC, la multinationale américaine a démenti avoir ouvert une franchise en Algérie. "Starbucks n'a pas ouvert d'établissement à cet endroit", a confirmé la chaîne en réponse à un internaute sur la plateforme X (anciennement Twitter). Le rapport fiscal 2022 (PDF) de l'entreprise mentionne bien l'existence de 35 711 succursales, réparties dans 86 pays, dont le Maroc. Cependant, le moteur de recherche du site officiel de Starbucks ne donne aucun résultat pour l'Algérie. La boutique oranaise située avenue Seghier Benali est donc une contrefaçon.

Sur X, le compte très suivi Algeria Project avait publié une vidéo montrant l'affluence des clients dans le nouveau coffee shop oranais. L'établissement aurait même fermé trois heures avant l'heure de fermeture prévue pour faire face à l'affluence, pendant deux jours d'affilée. Sur cette vidéo, franceinfo a constaté un détail troublant : l'établissement affiche sur sa façade un ancien logo de la marque, avec la mention "1971-1987", au lieu du logo moderne, utilisé depuis 2011. Après avoir pris connaissance du démenti de la multinationale, Algeria Project s'est excusé "d'avoir publié quelque chose sur ce qui s'est révélé être une fausse marque".

Selim Haffar, un jeune homme se présentant comme le responsable de l'établissement oranais, a affirmé samedi 23 septembre sur TikTok avoir obtenu l'aval du directeur de Starbucks, lors d'un voyage aux Etats-Unis, afin d'ouvrir une succursale en Algérie. Selon ses dires, celui-ci lui a communiqué les recettes des produits Starbucks, avant de convenir que le gérant algérien paierait la licence, une fois que l'établissement rapporterait de l'argent. Le coût moyen d'une licence pour ouvrir une franchise s'élève à 315 000 dollars (environ 295 000 euros), selon Yahoo Finance. Contacté par franceinfo, Selim Haffar n'a pas souhaité apporter plus de précisions : "On m’a conseillé de ne répondre à aucune question. Je préfère donc éviter toute interview pour le moment, par crainte de poursuites judiciaires." 

Vers des poursuites pour contrefaçon ?

Que risque l'enseigne algérienne, qui a usurpé la marque Starbucks ? Elle pourrait "payer beaucoup de dommages et intérêts" à la plus grande chaîne de cafés au monde, estime Joséphine Weil, avocate en droit de la propriété intellectuelle, auprès de franceinfo. Le coffee shop oranais pourrait être attaquable pour "contrefaçon de marque, mais aussi pour d'autres délits connexes comme le parasitisme et la concurrence déloyale", analyse-t-elle.

"Parasitisme, car l'usurpateur profite de la valeur économique et de la notoriété de Starbucks, et concurrence déloyale, car le consommateur peut penser qu'il va dans un établissement validé par la maison-mère", détaille l'avocate. Ces délits sont présents dans le droit français comme dans le droit américain. La multinationale n'a pas précisé si elle entendait poursuivre, sur le territoire algérien, le faux Starbucks oranais.

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