Vrai ou faux Est-il vrai que "25% du temps, les éoliennes tournent à vide, l'énergie ne se stocke pas", comme l'affirme Jordan Bardella ?

L'énergie produite par les éoliennes est en réalité utilisée, stockée ou vendue sur les marchés. Les prix de vente dépendent de la consommation et de la production, mais il est très rare qu'ils soient négatifs.
Article rédigé par Léa Deseille
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Jordan Bardella présente le programme du Rassemblement national, lors de sa conférence de presse à Paris, le 24 juin 2024. (QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS / AFP)

En pleine campagne des élections législatives, Jordan Bardella a présenté, lundi 24 juin, le programme du Rassemblement national (RN). Pendant plus d'une heure et demie, le président du parti a détaillé les principales mesures que son mouvement veut mettre en place s'il remporte les scrutins des 30 juin et 7 juillet.

Il a d'abord listé ses priorités : "la relance du pouvoir d'achat", "le rétablissement de la sécurité sur tout le territoire" et "la reprise en main de notre politique d'immigration". Puis a enchaîné sur le chantier de l'énergie, en réitérant l'idée de "refaire du nucléaire un élément majeur". Avant de s'attaquer à l'énergie éolienne, en affirmant que "25% du temps, les éoliennes tournent à vide, l'énergie ne se stocke pas et nous sommes obligés et contraints de brader l'énergie produite à l'étranger à des coûts extrêmement faibles". Qu'en est-il ? Franceinfo fait le point avec deux spécialistes.

"Les éoliennes ne tournent pas à vide"

"Je ne vois pas comment cela peut être vrai, ça ne veut rien dire", juge d'emblée Nicolas Goldberg, expert en énergie et membre du think tank de centre gauche Terra Nova. Selon lui, "les éoliennes ne tournent pas à vide", et affirmer le contraire est "un abus de langage". Contacté à ce propos, le Rassemblement national n'a pas répondu à nos sollicitations. D'après Cédric Philibert, spécialiste indépendant des énergies renouvelables et ancien analyste à l'Agence internationale de l'énergie, l'énergie éolienne est forcément stockée. "L'énergie produite par les éoliennes peut être stockée, dans des batteries par exemple", précise-t-il. Selon le média GreenUnivers, en 2023, la France disposait de près de 750 mégawattheures de stockage par batterie. Selon le ministère de la Transition écologique en 2022, la France a consommé 2 482 térawattheures. La part de l'énergie éolienne stockée dans des batteries est donc assez faible. 

En plus des batteries, d'après Nicolas Goldberg, le mode le plus développé de stockage aujourd'hui est le barrage avec réservoir. L'électricité produite par les éoliennes est utilisée en priorité, ce qui permet de stocker de l'énergie dans les barrages. Il prévient néanmoins que des pertes d'électricité existent malgré tout. "Des pertes dans l'électricité, il y en a toujours, même sans stockage", juge-t-il. 

Certaines pratiques sont également mises en place pour utiliser au mieux l'électricité produite. "Des usines décalent leurs horaires de production afin d'utiliser cette énergie", décrit notamment Nicolas Goldberg. Pour les particuliers, les heures creuses ont le même objectif. Contrairement à ce qu'a allégué Jordan Bardella, les éoliennes ne tournent donc pas dans le vide.

Des prix de gros équivalents à ceux de nos voisins

Concernant l'exportation de l'énergie à l'étranger, la France vend effectivement de l'électricité à ses voisins. "Traditionnellement, la France est un pays exportateur d'énergie", rappelle Cédric Philibert. Mais l'énergie éolienne est, avant tout, utilisée sur le sol français. Selon l'organisme public IFP Energies renouvelables, l'éolien est la deuxième source d'électricité renouvelable en France. En 2022, il représentait 8,3% de la consommation nationale d'électricité.

Mais lorsque la production est supérieure à la consommation française, l'énergie est vendue sur les marchés de gros. "Selon le moment de la journée, la France a besoin de plus ou moins d'électricité, le reste est stocké ou vendu", explique le spécialiste. Mais l'énergie est-elle réellement "bradée", comme l'a affirmé Jordan Bardella ?

"Vendre ne veut pas forcément dire brader."

Cédric Philibert, expert en énergie

à franceinfo

Lorsque la production est largement supérieure à la consommation, les prix s'alignent vers le bas, mais restent loin d'être à zéro. Selon l'institut Statista, en moyenne, le mégawattheure coûtait 81 euros en France en janvier 2024. D'après RTE France, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, le 26 juin à 10 heures, il était de 90,98 euros par mégawattheure en France, comme en Espagne et au Portugal. A quelques centimes près, ce prix était équivalent en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas. La plus nette différence est avec l'Italie du Nord, dont le cours du mégawattheure était de 109,54 euros à la même heure. Néanmoins, il arrive que des prix négatifs soient pratiqués sur le marché, comme le 15 juin dernier. Les prix sont descendus à moins 80 euros du mégawattheure à 14 heures. "Cela reste une situation très rare, précise Nicolas Goldberg. Selon lui, les prix négatifs ont représenté 120 heures en 2023. Depuis le 1er juin 2024, les prix ont été négatifs quatre fois.

Selon ces experts, il est donc très rare que la France "brade" de l'énergie à l'étranger, et les éoliennes ne tournent pas à vide. D'après Nicolas Goldberg, cette affirmation est révélatrice d'une "méconnaissance du sujet par le Rassemblement national".

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