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Vrai ou faux Crise énergétique : toutes les entreprises ont-elles droit à des aides, comme l'affirme Elisabeth Borne ?

Les différentes aides mises en place par le gouvernement sont conditionnées à la taille et à la situation des entreprises. Toutes bénéficient cependant de la baisse de la taxe sur la consommation finale d'électricité.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 10min
La Première ministre Elisabeth Borne le 3 janvier 2023 sur franceinfo. (FRANCEINFO)

Multipliées par deux, quatre, voire dix ou plus... Les factures énergétiques des entreprises ont explosé. Lors du renouvellement de leur contrat d'électricité, les artisans ou commerçants sont nombreux à se retrouver confrontés à des montants mirobolants. Beaucoup craignent de devoir déposer le bilan, comme ces boulangers de la Vienne, qui ont vu leur contrat d'électricité passer de 1 600 à 9 800 euros.

Afin de les aider à faire face au coût du gaz et de l'électricité, la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé la mise en place et le prolongement de plusieurs mesures, mardi 3 janvier, sur franceinfo. Ce faisant, la cheffe du gouvernement a assuré que "toutes les entreprises peuvent avoir accès à des aides pour payer leur facture d'énergie". Mais dit-elle vrai ou "fake" ?

"La plupart des très petites entreprises (...) ont accès au bouclier tarifaire. Pour les TPE-PME, il y a l'amortisseur électricité qui est une baisse directe sur la facture. Et pour ces entreprises, si ça ne suffit pas, et les plus grosses entreprises, il y a un guichet (...) au service des impôts qui accompagne les entreprises", a détaillé la Première ministre.

Des TPE exclues du bouclier tarifaire

Depuis le début de l'année, le bouclier tarifaire, dispositif déjà mis en place pour les particuliers en 2021, a commencé à être élargi aux petites entreprises de moins de dix salariés dont le compteur électrique ne dépasse pas les 36 kilovoltampères (kVA) de puissance, explique le site Service-public. Depuis le 1er janvier, cette aide limite la hausse des factures de gaz et d'électricité à 15%. Pour l'électricité, la disposition entrera en vigueur en février.

Problème : les très petites entreprises dont l'activité nécessite plus d'énergie, boulangeries en tête, en sont exclues. Ainsi, comme l'a évalué Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, sur BFMTV dès octobre 2022, "80% des boulangeries qui ont moins de dix salariés et qui font moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires ne sont pas couvertes par le bouclier tarifaire".

Les boulangeries ne sont pas les seules TPE concernées. "En dehors des boulangers, ce sont les pressings, blanchisseries et les professions de l'esthétique avec spa et hammam qui sont les plus impactés", énumère la Confédération nationale de l'artisanat, des métiers et des services (Cnams), contactée par franceinfo.

Un amortisseur électricité moins avantageux

Le gouvernement propose à ces TPE d'avoir recours à un autre dispositif : l'amortisseur électricité. La protection conférée reste cependant inférieure à celle du bouclier tarifaire. Cet amortisseur ramène le prix annuel moyen d'un contrat d'électricité à 180 euros par mégawattheure (MWh), sur la moitié des volumes d'électricité consommée. Une réduction toutefois plafonnée à 160 euros par MWh sur la totalité de la consommation. Cet outil a là encore été activé très récemment, au 1er janvier. 

Une entreprise avec un renouvellement de contrat à 400 euros le MWh bénéficiera ainsi d'une réduction de 220 euros par MWh sur 50% de sa consommation d'électricité, soit une baisse de 110 euros par MWh sur la totalité de sa consommation, d'après le calcul du ministère de la Transition écologique. Cette aide s'adresse également aux petites et moyennes entreprises (PME), c'est-à-dire à celles employant de 10 à 249 salariés. 

Une aide au paiement des factures soumise à divers critères

Les TPE et PME peuvent cumuler cet amortisseur avec une autre aide, délivrée depuis juillet 2022 et prolongée jusqu'au 31 décembre 2023 : le guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité. Ses critères d'éligibilité ont été élargis à partir de septembre-octobre 2022. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE), qui n'ont pas droit à l'amortisseur, peuvent tout de même solliciter cette aide au guichet. 

Les entreprises sont éligibles à condition de répondre à une liste de critères. Leurs dépenses d'énergie pour 2021 doivent représenter plus de 3% de leur chiffre d'affaires. Le prix de l'énergie qu'elles consomment doit avoir augmenté d'au moins 50% pendant la période de demande d'aide par rapport au prix moyen payé en 2021. En outre, elles doivent avoir au moins un an d'ancienneté, ne doivent pas se trouver dans une procédure de sauvegarde ou de redressement, et ne doivent pas non plus avoir de dette fiscale ou sociale impayée.

Les entreprises qui répondent à tous les critères peuvent alors bénéficier d'une aide d'un montant adapté à leur situation. Les plafonds varient entre 4, 50 et 150 millions d'euros. Mais le Cnams craint que peu d'entreprises ait recours à ce guichet : "Même si on informe les entreprises, très peu vont faire la demande, car il y a un manque de lisibilité sur la facture ainsi que sur les démarches."

Un geste fiscal global du gouvernement

"La Première ministre dit qu'en cumulant l'amortisseur et le guichet, on peut arriver à 40% d'aides sur la hausse des factures. Mais avec des montants sur les factures qui sont parfois multipliés par dix, on est loin du bouclier tarifaire à 15%", regrette Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), partisan d'un bouclier tarifaire pour toutes les TPE et PME.

Toutes les entreprises ne rentrent donc pas dans les critères donnant accès à une aide pour payer leur facture d'énergie. En revanche, toutes bénéficient d'un geste fiscal du gouvernement : la réduction de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Le gouvernement a abaissé cette taxe à 50 centimes par mégawattheure, le minimum légal européen. Le mécanisme d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) a également été prolongé jusqu'à fin 2023, afin de permettre aux fournisseurs d'électricité de bénéficier auprès d'EDF d'un prix fixe de 42 euros par mégawattheure dans la limite de 100 térawattheures par an. Le gouvernement espère ainsi éviter aux fournisseurs alternatifs d'avoir recours au prix du marché et ainsi freiner la hausse des factures pour les entreprises.

Une mesure exceptionnelle pour les boulangers

"La vraie bonne nouvelle, c'est la possibilité de résilier leur contrat d'énergie sans frais pour les boulangers", estime la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française auprès de franceinfo. Dans la foulée des annonces de la Première ministre, mardi, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a fait savoir, après une rencontre avec les énergéticiens, que les boulangers seraient exceptionnellement autorisés à résilier leur contrat sans frais en cas de hausse "insupportable" de leurs factures. Le ministre a aussi menacé de nommer publiquement les fournisseurs d'énergie qui ne respectent pas leurs engagements à limiter la hausse des factures.

"Cette mesure concerne uniquement les boulangers, on est contents pour eux, mais on souhaite qu'elle soit généralisée à tout le monde, réagit Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. La difficulté principale qu'on a, côté PME, c'est qu'on est incapables de négocier le montant du contrat que les fournisseurs nous proposent. Une fois qu'on a signé un contrat, même si le prix de l'énergie baisse, on est coincés, souvent pour deux, trois ans, avec le tarif fixé au moment de la signature."

Les énergéticiens invités à renégocier les contrats des TPE

Lors de la traditionnelle cérémonie de la galette des rois de l'Elysée, jeudi, Emmanuel Macron a fait à son tour une annonce sur le sort des TPE confrontées à ce problème de factures. "Pour l'ensemble de nos très petites entreprises, tous ceux qui ont négocié des contrats excessifs", "ce qu'on va demander, dès maintenant, aux fournisseurs d'énergie, c'est de revenir vers chacun et de les renégocier", a déclaré le chef de l'Etat. "Tous ces contrats qui sont au-dessus des prix de référence donnés en fin d'année dernière par la Commission de régulation de l'énergie", c'est-à-dire autour de 280 euros le mégawattheure, "seront renégociés en janvier", a-t-il insisté. 

Si ce sont les fournisseurs d'énergie qui sont priés d'aller à la rencontre de leurs clients, et non l'inverse, le président a assuré que les TPE allaient être accompagnées, grâce à un "petit dispositif d'alerte" dans les préfectures, qui vont recevoir du "renfort" pour répondre aux "angoisses". Un numéro de téléphone par département sera joignable à partir de lundi. Emmanuel Macron a au passage fait sourire les boulangers présents dans la salle des fêtes du palais présidentiel, lorsqu'il a pesté contre les numéros verts qui selon lui "ne marchent pas" mais qui accompagnent pourtant fréquemment les dispositifs d'aide mis en place par l'exécutif.

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