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Sextapes, chantage et rançons : le footballeur, une cible idéale

L'affaire impliquant Mathieu Valbuena et Karim Benzema met en lumière les personnages troubles gravitant autour des joueurs de football.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Mathieu Valbuena saute au cou de Karim Benzema, après un but marqué lors de France-Honduras en Coupe du monde, le 15 juin 2014 à Porto Alegre (Brésil). (JUAN BARRETO / AFP)

C'est un modèle du genre. La tentative de chantage présumée à la sextape aux dépens de Mathieu Valbuena, qui a valu à Karim Benzema une mise en examen jeudi 5 novembre, réunit tous les protagonistes de ce genre d'affaire. Un footballeur de renom, des maîtres-chanteurs et, au milieu, des proches soupçonnés d'avoir fait le lien entre les malfaiteurs et leur victime. 

Ces scandales sont légion dans le monde du football, où les salaires mirobolants des stars du ballon rond font d'elles des cibles toutes désignées pour les criminels et profiteurs en tous genres. Explications.

Les jolies femmes et la combine du "kiss and tell"

Faire commerce de la vie sexuelle des joueurs est devenu monnaie courante. Outre-Manche, on appelle cela le "kiss and tell" ("embrasse et raconte"). Les tabloïds britanniques raffolent des confidences payées à prix d'or des ex-compagnes ou anciennes amantes des joueurs de Premier League. David Beckham et son ex-assistante à Madrid, Rebecca Loos, Wayne Rooney et une femme bien plus âgée que lui, le volage international anglais Ashley Cole ou le Français Olivier Giroud font alors la une.

Et quand cela ne suffit pas, on tend un piège au sportif. Une call-girl, actrice ou artiste sert d'appât. Une fois que sa proie a mordu à l'hameçon, elle s'empresse de raconter son histoire à un journal contre rémunération. Des photos volées viennent illustrer ses propos. 

Parfois, la femme vénale se fait même maître-chanteur. En mars, un défenseur âgé d'une vingtaine d'années, appartenant au top 10 de la Premier League, mais resté anonyme, s'est vu réclamer 100 000 livres par la femme avec laquelle il avait couché lors d'une fête de Noël de son club. Elle exigeait cette somme pour ne pas vendre son histoire à la presse. La police britannique s'en est mêlée.

En 2008, après avoir assisté à un match au Maracana de Rio, Ronaldo dépose sa petite amie chez elle, et se rend dans un hôtel en compagnie de trois prostituées. Dans la chambre, les trois femmes se révèlent être des hommes. Contre leur silence, les travestis réclament 25 000 euros. La star brésilienne refuse et porte plainte pour extorsion de fonds. Le scandale éclate, à la grande "honte" du "Fenomeno", écrit Metronews.

Un homme regarde les unes de la presse brésilienne relatant le scandale impliquant Ronaldo et des travestis, le 29 avril 2008 à Rio de Janeiro. (VANDERLEI ALMEIDA / AFP)

Les anciennes fréquentations mal intentionnées

Quelques années avant d'être mis en examen pour complicité dans l'affaire de chantage présumé à la sextape à l'encontre de Mathieu Valbuena, Karim Benzema a été la cible de maîtres-chanteurs, révèle Le JDD.

En 2010, des hommes le menacent de vendre à la presse des photos de lui avec l'une de ses anciennes conquêtes. Ils exigent 900 000 euros. En échange, ils s'engagent à ne pas diffuser les clichés intimes compromettants. Benzema s'en remet à son avocat, qui porte plainte. Les gendarmes tendent un piège aux maîtres-chanteurs. Rendez-vous est donné dans un hôtel. L'avocat s'y rend avec deux sacs censés contenir les billets de banque. Deux hommes sont arrêtés. L'un d'eux n'est autre que le beau-père de l'ex-petite amie.

Les profiteurs du foot-business

"Il y a aussi une espèce d'engeance qui tourne autour des footballeurs, attirée par l'argent et espérant récupérer sa part du gâteau", assure à francetv info Jérôme Jessel, journaliste et écrivain, auteur du livre Sexus Footballisticus. 

Le "footballeur masqué", ancien de la Ligue 1 qui a anonymement dévoilé dans un livre les coulisses du championnat de France, confie une anecdote révélatrice à France Football. Au début de sa carrière professionnelle, un homme se présente à lui. Il se dit gestionnaire de patrimoine. Cela tombe bien, le jeune joueur est un peu dépassé par la paperasse dont il doit désormais s'occuper. L'homme lui propose de lui simplifier la vie, de placer son argent, et lui promet des économies sur ses impôts.

Le joueur est à deux doigts d'accepter. Mais il tique : "Juste pour remplir les papiers [sa feuille d'imposition], il m’a demandé 10 000 euros. (...) Il voulait aussi me faire investir dans l’immobilier, mais en prenant des commissions énormissimes." Conclusion du "footballeur masqué" : "Les footballeurs sont des proies faciles et beaucoup de gens en profitent. Ils se servent tant qu’ils peuvent. Si tu ne connais pas quelqu’un en qui tu peux avoir c+onfiance, tu peux très vite te retrouver dans la merde."

Ces intermédiaires officieux et peu scrupuleux apparaissent souvent lors des juteux transferts de joueurs : "70 % des transferts sont effectués par des personnes qui ne possèdent pas de licence d'agent", assure Philippe Piat, président du syndicat international des footballeurs professionnels, cité par Ouest France"Il suffit de mettre le nez dans un transfert, que ce soit en France, en Angleterre ou en Italie, pour voir des combines plus ou moins grandes."

Les réseaux mafieux

"Les joueurs sont devenus une cible pour les mafias ou les gangs", affirme Jérôme Jessel. Dans l'affaire des transferts suspects à l'OM, les juges soupçonnent ainsi les mafieux corses et marseillais de s'être immiscés entre les joueurs et leurs agents d'une part, et le club d'autre part. Grâce à des intermédiaires présumés, plus ou moins consentants, ils auraient touché des rétrocommissions.

Les magistrats s'intéressent en particulier au rôle supposé de Christophe D'Amico dans le transfert d'André-Pierre Gignac de Toulouse à Marseille, en 2010, pour 20 millions d'euros. D'autant que cet agent de joueurs officieux est aussi une figure des nuits aixoises, condamnée à quatre ans de prison dans une affaire de racket dans les discothèques de la région, où plane l'ombre de la bande corse des "bergers braqueurs", écrit L'Express.

Les enquêteurs s'interrogent aussi, indique Le Monde, sur le cas de l'agent de joueurs Jean-Luc Barresi. Il est intervenu dans le transfert de Souleymane Diawara en 2009 de Bordeaux à Marseille, pour lequel il a été rémunéré. La prolongation du contrat aurait donné lieu à des rétrocommissions. L'homme a lui aussi écopé de prison – trois ans, dont un ferme – dans une affaire de racket, sur le port de Marseille, cette fois. Il a en outre deux frères fichés au grand banditisme.

L'implication de la mafia est certaines fois encore plus directe. En 2009, l'ancien attaquant de Monaco Dimitar Berbatov revient chez lui, en Bulgarie. Des malfrats le menacent d'enlever sa femme et son bébé s'il ne verse pas 500 000 livres. Berbatov finit par fuir le pays à bord d'un jet privé affrété par son entraîneur d'alors, Alex Ferguson, narre France Football.

L'attaquant bulgare Dimitar Berbatov, lors d'une conférence de presse à l'AS Monaco, le 25 novembre 2014. (NORBERT SCHMIDT / AFP)

En 2011, Dominique Taboga, défenseur de Grödig, un club de première division autrichienne, se présente à la police. Il se dit victime d'une tentative de chantage. Des mafieux voudraient se servir de lui pour manipuler des matchs et organiser des paris truqués. Le joueur assure avoir refusé, malgré les menaces de représailles sur lui et sa famille. Mais il dit avoir tout de même versé près de 30 000 euros. L'enquête révèle que les maîtres-chanteurs se sont servis des dettes contractées par Taboga pour faire pression sur lui, écrit 20 Minutes. Le club a fini par se séparer de son encombrant joueur, en l'accusant au passage d'avoir tenté d'impliquer ses coéquipiers dans la combine supposée.

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