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Vive polémique autour du présumé polygame de Nantes

Tout au long du week-end, gauche et droite se sont écharpées au sujet de la femme voilée verbalisée au volant, et de son conjoint soupçonné de polygamie. Le tout sur fond de projet de loi contre le voile intégral, promis par Nicolas Sarkozy. _ Mais au sortir du week-end, la polygamie et la fraude aux aides sociales ne sont plus tout à fait avérées… La machine ne se serait-elle pas, une fois de plus, emballée un peu vite ?
Article rédigé par franceinfo
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Tout commence jeudi.
_ Au lendemain de l’annonce par Nicolas Sarkozy d’une loi sur l’interdiction totale de la burqa en France, l’on apprend qu’une automobiliste nantaise a été verbalisée parce qu’elle portait le niqab au volant. Une amende de 22 euros pour "circulation dans des conditions non aisées". Comprendre : troublée par le champ de vision du voile.

Et très vite, l’affaire s’emballe.
_ Face à la médiatisation de cette contravention inédite en France, le premier à monter au créneau est Brice Hortefeux. Le ministre de l’Intérieur écrit à son collègue de l’Immigration pour lui demander de déchoir le conjoint de sa nationalité française. Du moins, d’étudier le dossier en ce sens. Car, selon Brice Hortefeux, l’homme "appartiendrait à la mouvance radicale du Tabligh et vivrait en situation de polygamie, avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants". Toutes les quatre, ajoute le ministre de l’Intérieur, "bénéficieraient de l’allocation de parent isolé (et) porteraient le voile intégral".

Difficile de prouver la polygamie

Dans la foulée, Jean-François Copé félicite Brice Hortefeux d’oser "mettre les pieds dans le plat (car) dans cette société démocratique, il y a des choses qu’on peut faire, des choses qu’on ne peut pas faire", affirme le patron des députés UMP.
_ Prudent, le ministre de l’Immigration Eric Besson souligne de son côté qu’il serait probablement difficile de prouver la polygamie. Et transmet la "patate chaude" à Michèle Alliot-Marie : "si une condamnation intervient (pour polygamie, ndlr), des sanctions pénales seront prononcées" (déchéance de la nationalité), promet Eric Besson.

Tout le week-end, l’opposition dénonce "l’instrumentalisation" de cette affaire (Jean-Marc Ayrault, PS, sur France Info). Sur la burqa, le gouvernement "est en train de construire un scénario de dramatisation d’une situation, d’emballement médiatique", renchérit Julien Dray. Et sur France Info, Marie-George Buffet (PCF) rappelle qu’"une loi existe qui condamne la polygamie (…) M. Hortefeux et Mme Alliot-Marie n’ont qu’à faire appliquer la loi, point final".

Mariage civil, enregistré en mairie

Mais c’est sans doute là que le bât blesse : un polygame est une personne mariée avec plusieurs femmes. Dans le cadre d’un mariage civil, dûment enregistré en mairie. Or, si un homme est marié à une seule femme, et qu’il a des concubines, des maîtresses, des amies… il n’est pas en situation de polygamie. Et la fraude aux allocations familiales n’est, par conséquent, plus avérée.
_ D’où la "prudence" réclamée par le procureur de Nantes, qui n’a été saisi "à ce jour d’aucune plainte (…) Si un homme est marié civilement mais a cinq maîtresse, l’adultère n’est plus puni par la loi", souligne Xavier Ronsin.

Au-delà même de ces questions, aucun des délits évoqués par Brice Hortefeux ne peut justifier la déchéance de la nationalité française, procédure rare et strictement encadrée par loi.

Ce qui était dans un premier temps apparu comme une aubaine politique pour la droite pourrait bien virer rapidement à la pantalonnade. Et si quasi-terroriste intégriste polygame n’était en fait qu’un paisible boucher halal de la banlieue nantaise, vivant avec une conception de la famille que personne n’est obligé de partager ? Mais peut-être seulement d’accepter, aussi longtemps que la loi n’est pas bafouée.

Gilles Halais, avec agences

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