Sexisme : 8 femmes sur 10 estiment que les attitudes et décisions sexistes sont "régulières" au travail
Huit femmes sur 10 estiment que les attitudes et décisions sexistes sont "régulières au travail", d'après le baromètre #StOpE 2023, consulté ce jeudi par France Inter. Un "constat inchangé depuis deux ans et aujourd'hui partagé par toutes les générations", ajoute le baromètre qui note toutefois quelques évolutions positives.
L'initiative #StOpE - stop au sexisme ordinaire en entreprise - réunit près de 200 entreprises engagées contre le sexisme ordinaire au travail. Après un premier baromètre en 2021, le collectif dévoile ce jeudi les résultats de sa deuxième édition.
Plus des 3/4 des femmes exposées à des blagues sexistes
Dans le détail, ce nouveau baromètre précise que pour 79% des femmes interrogées, "les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes dans le monde du travail". Un constat partagé par "57% des hommes" et qui "stagne par rapport à 2021". Le baromètre souligne que les femmes sont confrontées à ce sexisme ordinaire de différentes façons : par le biais de blagues notamment, avec "plus des 3/4 des femmes exposées et 2/3 des hommes".
L'étude ajoute que "6 femmes sur 10 ont déjà entendu des propos dégradants s'appuyant sur des représentations stéréotypées de la féminité" mais note toutefois un point positif : "Cette situation a reculé de 8 points par rapport à 2021". La maternité continue également d'être perçue comme un "problème" pour l'entreprise et un "handicap" pour la carrière des femmes. Sur ce point, "près de 7 femmes sur 10 font état de ce type de propos, comme en 2021".
Concernant l'évolution professionnelle : "50% des femmes jugent avoir déjà été confrontées à certains obstacles au cours de leur carrière en raison de leur sexe (augmentation ou primes non reçues : 36%, promotions non accordées : 31%)". Le baromètre explique que le sexisme ordinaire au travail n'est pas sans conséquences pour les femmes : "1 femme sur 2 s'avère très affectée [...] 4 femmes sur 10 ont déjà fait l'expérience de compliments sur leur physique ou leur tenue vestimentaire qui les ont mis mal à l'aise".
"Un sexisme quotidien qui parfois ne se voit pas"
Interrogée par France Inter, Brigitte Grésy, spécialiste des questions de sexisme au travail définit ce jeudi sur France Inter le sexisme ordinaire comme l'ensemble de "ces gestes, ces mots et ces comportements qui l'air de rien, de façon insidieuse et sournoise délégitiment et disqualifient les femmes dans le monde du travail". Elle évoque notamment "les blagues sexistes comme 't'es blonde ou quoi ?'", les réflexions sur le management comme "tu n'as pas les épaules pour ça" ou celles sur la maternité telles que "tu vas encore te prendre trois mois de vacances". "C'est un sexisme quotidien qui parfois ne se voit pas", déplore l'ancienne présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes. Brigitte Grésy dénombre "quatre foyers où le sexisme est totalement enkysté" à savoir "l'attitude au management des femmes avec ce mythe du leadership au féminin où on essaie d'essentialiser des compétences des femmes qui seraient douces et empathiques ; la maternité ; les inégalités professionnelles ; et les incivilités quotidiennes comme les blagues, les injonctions paradoxales, les incivilités en réunion quand on coupe la parole".
Elle explique également qu'il existe un "sexisme à l'égard des hommes" mais dont "les conséquences sur leur travail et leur bien-être n'ont strictement rien à voir". Brigitte Grésy dénonce ainsi "le sexisme de l'humiliation avec des phrases comme 't'es une femmelette' et le sexisme de l'injonction avec 'fais ceci, sois un homme, ne pleure pas'".
La spécialiste, qui accompagne les entreprises signataires, s'attendait "à ce qu'il y ait vraiment des progrès notables [en 2023], d'une part parce que #MeToo est passé par là, le droit est passé par là, on a des nouvelles incriminations sexistes, notamment dans le code pénal". Elle fait ainsi par ce jeudi de son "'étonnement" et de sa "déception" face à ce "sexisme qui ne faiblit pas".
Pour expliquer la situation, Brigitte Grésy déclare : "On ne sait jamais si ce sexisme ne faiblit pas parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ne savaient pas que c'était du sexisme et qui déclarent maintenant que c'en est". Mais pour la spécialiste, cela ne change rien aux conclusions : "Il n'empêche que nous avons 90 % des femmes qui estiment avoir été impactées par le sexisme et que cela a agi sur leur comportement au travail, 80% qui estiment que les inégalités professionnelles pour les femmes sont plus grandes, et 80 % qui estiment avoir été victimes de sexisme". Des chiffres qu'elle qualifie d'"énormes".
Des enseignements plus positifs
Le baromètre tire toutefois quelques enseignements plus positifs : le fait par exemple que "la moitié des salarié.es se déclare plus attentive aux propos et comportements sexistes. C'est deux fois plus que la moyenne nationale". Autre point, "en deux ans, la part des salarié.es ayant bénéficié d'une formation sur le sexisme au travail a plus que doublé dans les entreprises membres du collectif #StOpE. La moitié des salarié.es ont été sensibilisé.es au sujet, contre moins d'un quart en moyenne nationale". Mais Brigitte Grésy regrette la persistance "de barrières ou de peur" qui poussent les femmes à ne pas forcément dénoncer les agissements sexistes dont elles sont victimes ou témoins. Elle observe ainsi que "pour beaucoup de femmes, le coût de la dénonciation est plus fort que le coût de l'acceptation".
Le baromètre précise que près de 90 000 personnes réparties dans 15 organisations ont répondu à l'enquête. Le sondage a été mené par internet du 6 mars au 15 avril 2023. Il a par ailleurs été doublé d'un sondage national mené sur la même période auprès de 1 000 salariés d'entreprises publiques et privées (hors salariés de la fonction publique) de 200 salariés et plus.
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