"Le sexisme commence à la maison, continue à l'école et explose en ligne", dénonce le Haut Conseil à l’égalité dans son rapport annuel

D'après le 6e rapport du Haut Conseil à l'égalité, les idées machistes sont en augmentation chez les jeunes hommes.
Article rédigé par franceinfo
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Illustration égalité femmes-hommes. (CARBONERO STOCK / MOMENT RF)

Le sexisme est toujours aussi ancré dans la société française. C'est l'une des conclusions du 6e rapport sur l'état du sexisme en France, publié lundi 22 janvier, par le Haut Conseil à l'égalité. La famille, l'école et le numérique sont "des incubateurs de sexisme", selon le HCE. L'étude, réalisée auprès d'un échantillon de 3 500 personnes, pointe aussi, et c'est une nouveauté cette année, une augmentation des idées machistes chez les jeunes hommes.

Un retour aux valeurs traditionnelles chez les 25-35 ans

C'est une régression après des années de lutte féministe, s'insurge le HCE, qui constate dans son étude une résurgence des idées conservatrice ou réactionnaire. Les hommes - et particulièrement les jeunes - sont de plus en plus nombreux à penser que le féminisme menace leur place dans la société.

Cette tendance touche toutes les tranches d’âge, y compris les jeunes hommes entre 25 et 34 ans : ils sont 52 % à estimer "que l’on s’acharne sur les hommes" et 59 % pensent qu’il "n’est plus possible de séduire une femme sans être vu comme sexiste".

D'après 40% des 15-25 ans, il est même de plus en plus difficile d'être un homme aujourd'hui. Une progression de 14 points par rapport à l'an dernier. Les hommes de moins de 35 ans ont, également, le sentiment d’être "moins bien traités dans la société actuelle en raison de leur sexe."

Par ailleurs, un homme sur cinq de cette classe d’âge "considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal". Les 25-35 ans sont un sur trois à estimer qu'il est normal qu'une femme s'arrête de travailler pour s'occuper des enfants. Ils n'étaient qu'un sur 4 à le penser auparavant.

Enfin, le rapport décrit les "plateformes numériques" comme de "véritables caisses de résonance des stéréotypes de genre". Le HCE a analysé "les 100 contenus les plus vus des principales plateformes" (Youtube, Instagram et TikTok) et constaté que 68% de ces contenus d’Instagram "diffusent des stéréotypes de genre", sur Youtube, cela grimpe à 88%. 

Une tendance également observée chez les jeunes femmes

Enfin, le retour des idées conservatrices s'observe également chez les jeunes femmes. D'après le HCE, près de 60% d'entre elles pensent qu'une femme doit privilégier sa vie de famille à sa carrière. C'est nettement au-dessus de la moyenne des autres tranches d'âge. "Le sexisme commence à la maison, continue à l'école et explose en ligne" résume le HCE.

Au sein de leur famille, d’abord, les enfants ne sont pas éduqués de la même façon selon leur sexe, détaille l’étude : 70% des femmes "considèrent ne pas être traitées de la même manière" que les hommes de leur famille. Une différenciation qui se fait à "l’insu des parents", puisque "41% pensent avoir éduqué leurs enfants de façon identique à tous les niveaux."

L’école "fabrique du sexisme" et "cristallise" les inégalités. Une personne sur deux considère que les hommes et les femmes n’y "connaissent pas le même traitement". Cela commence en primaire et va "se manifester également au moment des choix d’orientation professionnelle" où 74% des femmes déclarent "n’avoir jamais envisagé des études supérieures ou un métier dans le domaine technique ou scientifique" contre 41% d’hommes, un écart de 33 points.

"Le numérique, c'est l'école du sexisme"

Invitée sur France Inter lundi 22 janvier, la présidente du HCE Sylvie Pierre-Brossolette affirme avoir reçu l'assurance du Premier ministre que "les cours, prévus par la loi il y a vingt ans, vont enfin être mis en place à la rentrée 2024" pour les niveaux "primaires et secondaires". Pour le Haut Conseil à l'égalité, la persistance des idées sexistes dans la société peut être à l'origine de violences plus graves envers les femmes. Il formule trois recommandations : éduquer, réguler et sanctionner et propose un plan d'action qui repose sur trois piliers.

Pour la présidente du HCE, "le numérique, c'est l'école du sexisme". Le porno est particulièrement néfaste dans la propagation du sexisme : "la moitié des garçons de 12 ans, disent que c'est normal de pratiquer la violence pendant l'acte sexuel, et que les filles s'y attendent et aiment ça". Elle demande donc des mesures spécifiques sur le porno, notamment de "retirer les scènes de tortures et de barbarie"

Faire évoluer la loi sur le viol

Sur les "stéréotypes ordinaires véhiculés par les autres plate-formes" (Youtube, Instagram et Tiktok), elle dit avoir "reçu les grands patrons" et qu'ils sont "d'accord pour faire comme les chaînes de télévision :  auto-évaluer pour évaluer le degré de sexisme sur les contenus les plus vus". Elle veut donc le "graver dans la loi" et le mettre "sous l'égide de l'Arcom", pour "faire des progrès".

À l'école d'abord, avec la désignation d'un professeur référent et la création d'un manuel dédié, ainsi qu'une formation initiale continue pour les professeurs. Sur internet ensuite : la représentation des femmes dans les contenus des plateformes devrait être évaluée annuellement, sous le contrôle de l'Arcom, le gendarme du numérique. Dernière recommandation : il faut réellement sanctionner les propos sexistes qui ne sont pas assez repérés et donc punis, d'après le Haut Conseil à l'égalité.

Enfin, le rapport recommande de faire "du délit de sexisme un véritable outil juridique de condamnation", en formant mieux les professionnels de la justice, en simplifiant ce délit et en faisant évoluer la loi sur le viol et la prise en charge des victimes. Sylvie Pierre-Brossolette a "un mot d'ordre pour les femmes victimes de violence : allez-y, plaignez-vous, il faut que ça se termine".

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