Féminicide d'Hayange : "Bien évidemment qu'il y a des dysfonctionnements", déplore l'avocate Michelle Dayan
La présidente de l’association Lawyers For Women rappelle que toute main courante, en cas de violence conjugale, doit être automatiquement remontée au parquet. Ce qui n'a pas été le cas pour la femme de 22 ans tuée lundi en Moselle.
Le procureur de la République de Metz a réfuté mardi 25 mai tout "dysfonctionnement des services judiciaires" au lendemain de la mort d'une femme de 22 ans à Hayange (Moselle), tuée à coups de couteau. Son conjoint, principal suspect, a été arrêté. Le procureur a déclaré que, "dans un monde idéal", des plaintes déposées par la victime à l'encontre de son conjoint violent auraient dû être signalées au parquet. "Bien évidemment qu'il y a des dysfonctionnements", a estimé, mercredi sur franceinfo, Maître Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association L4W, Lawyers For Women.
franceinfo : La procédure a-t-elle été respectée à la lettre ?
Michelle Dayan : Evidemment non. Six mois auparavant une plainte, une main courante, une intervention de la police, un aménagement de peine au domicile d'une victime, aucune garde à vue, aucune confrontation, aucun contrôle judiciaire sur le compagnon et un féminicide quelques mois après. Bien évidemment qu'il y a des dysfonctionnements.
Quels sont-ils ?
D'abord la main courante, elle doit depuis 2014, en cas de violence conjugale, être automatiquement remontée au parquet, même si la victime ne veut pas porter plainte. Manifestement cela n'a pas été fait. Evidemment, les victimes de violences conjugales, c'est dans le cercle de la famille, il y a emprise, il y a une situation très particulière quand il faut porter plainte contre celui avec lequel on vit, donc parfois on dépose juste une main courante.
"La plainte, une fois qu'elle est déposée, il doit y avoir en principe une garde à vue, éventuellement une confrontation et si les faits sont avérés un renvoi devant le tribunal correctionnel avec un contrôle judiciaire."
Michelle Dayan, avocateà franceinfo
Là, six mois avant, pas de garde à vue, pas de confrontation, rien ne se passe. C'est le cas régulièrement.
Des mains courantes qui ne remontent pas au parquet, c'est la règle ?
C'est dans trois dossiers sur cinq que je vois à mon cabinet. Il y a une plainte et trois jours, trois semaines, trois mois, six mois après, il n'y a toujours pas eu de garde à vue, pas d'audition de l'auteur, je ne sais pas si cela a été remonté au parquet ou pas parce que l'officier de police judiciaire peut décider de mettre en garde à vue sous le contrôle du parquet ou sans. Il y a des dysfonctionnements dans la plupart des dossiers.
D'où viennent les dysfonctionnements ?
Le féminicide c'est une photographie à un instant T, ce qui est intéressant c'est ce qui s'est passé avant. C'est un maillon, c'est une chaîne avec des maillons qui sont le parquet, les services sociaux, les policiers. S'il y a une défaillance dans un seul des maillons alors on peut arriver à ce drame-là. C'est aux autorités publiques de ne pas la solliciter pour un aménagement de peine à son domicile.
Faut-il créer un fichier qui recenserait toutes les violences conjugales, comme l'a évoqué Gérald Darmanin ?
En France, quand une loi n'est pas appliquée, on refait une autre loi. On a déjà un dispositif législatif qui est presque parfait. Il est remarquablement appliqué au civil. En six jours vous pouvez avoir l'expulsion du conjoint violent, une autorité parentale exclusive et protéger la victime et ses enfants. Au pénal, une des pistes serait l'application et pourquoi pas mettre en place un délai d'une semaine maximum entre le dépôt de plainte et la réponse pénale.
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