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Des premiers échos dans les médias à la démission, l'affaire Julien Bayou en sept actes

Accusé de violences par une ex-compagne, le député écologiste a annoncé lundi qu'il quittait ses fonctions de secrétaire national d'EELV ainsi que la présidence de son groupe à l'Assemblée. 

Article rédigé par franceinfo
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Julien Bayou, chef de file d'Europe Ecologie-Les Verts, le 27 avril 2022, à Paris. (MAXPPP)

La direction d'EELV réaffirme son soutien à sa cellule interne contre les violences sexistes et sexuelles, samedi 1er octobre, au cœur de la polémique sur l'affaire Julien Bayou. Le député vert avait annoncé lundi, dans un communiqué, qu'il renonçait à ses fonctions de secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et de président du groupe écologiste à l'Assemblée nationale. Cette décision fait suite à des accusations de violences psychologiques formulées par l'ex-compagne de Julien Bayou et transmises directement à cette cellule deux mois plus tôt. Franceinfo revient sur l'affaire.

1Un signalement médiatisé en juillet 2022

Il faut remonter au 7 juillet et à cet article du Figaro (réservé aux abonnés) pour retrouver la première mention d'un signalement concernant Julien Bayou à la cellule sur les violences faites aux femmes d'EELV. A cette époque, le quotidien révèle, sans préciser de date, que cette instance a été saisie par l'ex-compagne de l'écologiste. "La commission a été saisie suite à une rupture douloureuse et difficile", répond alors Julien Bayou au Figaro, tout en assurant que cela "ne constitue en rien des violences sexistes ou sexuelles ni des comportements inappropriés envers quiconque".

Toujours selon l'écologiste, son ex-petite amie manifestait "une rancœur" et l'aurait menacé après leur séparation. "(...) Elle m'a clairement écrit, trois jours après avoir saisi la commission interne d'EELV : 'Inquiète-toi. Je vais revenir et en force. (...) La chute va être douloureuse'", assure celui qui vient d'être élu député sous l'étendard Nupes – et qui attend alors d'être auditionné par la commission de son parti.

2La députée verte Sandrine Rousseau rouvre le dossier 

Un peu plus de deux mois après cet article, plusieurs collectifs féministes s'étonnent qu'aucune décision publique n'ait été rendue par EELV. Interpellant directement le parti écologiste sur Twitter, le collectif #NousToutes s'inquiète, le 19 septembre : "Comment s'assurer que les militantes soient en sécurité ? Aucune mesure ne semble avoir été prise, pourquoi ?" Un message reçu par la députée Sandrine Rousseau (EELV), qui réagit le soir-même sur le plateau de l'émission "C à vous" diffusée sur France 5

La députée de la 9e circonscription de Paris raconte alors s'être entretenue à son domicile avec l'ex-compagne de Julien Bayou. "Au moment où j'ai reçu cette femme, elle était dans un état très déprimé, elle était très mal, elle a d'ailleurs fait une tentative de suicide quelques semaines après", révèle la députée, qui estime que les comportements reprochés à son collègue étaient "de nature à briser la santé morale des femmes". Interrogée sur la suite de la procédure, Sandrine Rousseau ne fait aucune annonce et évoque un cheminement "étape par étape". De son côté, EELV déclare dans un communiqué que "la cellule d'enquête et de sanction doit continuer son travail en toute indépendance et sérénité". 

3Julien Bayou se met d'abord en retrait...

Mardi 20 septembre, le député incriminé s'écarte de son groupe parlementaire, dont il laisse les rênes à Cyrielle Chatelain, l'autre coprésidente. Une décision prise lors d'une réunion de groupe à l'Assemblée, en présence des 23 députés écologistes, et décrite comme une pause médiatique par l'un de ses proches à franceinfo. "Cette situation ne vaut pas démission", précise le groupe parlementaire dans un communiqué.

Par ailleurs, plusieurs députés écologistes prennent la parole pour assurer qu'une décision sera prise rapidement. "Nous n'attendons pas de savoir si la justice va ou non condamner, déclare par exemple Aurélien Taché, député du Val-d'Oise et trésorier du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, (...) nous avons des instances internes qui sont en train de travailler sur ce qu'il s'est passé exactement."

4... puis démissionne de ses fonctions d'encadrement

C'est finalement dans un communiqué publié lundi 26 septembre au petit matin que Julien Bayou annonce démissionner sans délai de ses "fonctions de secrétaire national" du parti écologiste. Il partage aussi son intention de démissionner le jour même de la coprésidence du groupe écologiste à l'Assemblée nationale. Il assure toutefois que "cela ne remet en question ni [son] mandat de député, ni [son] engagement présent et à venir".

Dans une lettre envoyée aux militantes et militants d'EELV, Julien Bayou dénonce par ailleurs une "situation ubuesque" et "intenable""Je suis accusé de faits qui ne me sont pas présentés, dont mes accusateurs-ices disent qu'ils ne sont pas pénalement répréhensibles, et dont je ne peux pour autant pas me défendre puisqu'on refuse de m'entendre, écrit notamment l'écologiste. C'est Kafka à l'heure des réseaux sociaux." Il promet par ailleurs de s'expliquer plus en longueur lors d'une conférence de presse prévue lundi à 16 heures.

5Son avocate dénonce la cellule d'enquête sur les violences sexuelles d'EELV

Lundi 26 septembre, c'est au tour de Marie Dosé, l'avocate de Julien Bayou, de prendre la parole lors d'une conférence de presse à Paris. Elle y dénonce notamment la cellule d'enquête sur les violences sexuelles d'EELV qu'elle juge "disqualifiée à ce stade""A aucun moment n'ont été évoquées des violences sexuelles et physiques", a-t-elle affirmé. "Julien Bayou est présumé coupable d'accusations rendues publiques dont il ne sait rien et dont il ne peut pas se défendre", a-t-elle ajouté, affirmant qu'il s'agit du "moyen idéal de disqualifier un homme dans le mépris le plus profond de l'état de droit".

Marie Dosé a affirmé que Julien Bayou avait été "acculé" dans sa prise de décision de démission, ajoutant que le député EELV s'exprimerait "dans les prochains jours" et qu'elle n'avait "pas été mandaté pour porter plainte pour diffamation".

6Julien Bayou "sous surveillance" depuis trois ans, selon "Libération"

Une enquête de Libération publiée le 30 septembre s'intéresse aux dessous de l'affaire Bayou. Le journal décrit "la pression d'un collectif féministe informel qui lui reprochait sa conduite et enquêtait sur ses relations", depuis 3 ans. Ce petit groupe composé d'ex-compagnes et de militantes féministes échangeait sur un groupe WhatsAapp". Certains de ses membres enquêtaient sur "sa réputation de 'coureur' multipliant les relations avec des femmes plus jeunes, souvent militantes féministes, qu’il finit par quitter et décevoir", relate le quotidien. Si ce groupe de femmes dénonce les comportements de Julien Bayou, d'autres, y compris des ex témoignant dans cet article, ne voient pas de lien avec la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. "Il ne s'agit que d'histoires banales entre adultes consentants", témoigne ainsi une ancienne compagne. 

Dans ce contexte, la cellule interne d'EELV contre les violences sexistes et sexuelles s'est autosaisie fin juin, lorsqu'une ex-compagne de Julien Bayou lui a envoyé un mail, ainsi qu'à plusieurs membres du parti. Elle y déclarait : "Combien sommes-nous de meufs brillantes, douces, douées à avoir complètement vrillé, parfois sous vos yeux, sans que jamais vous vous disiez qu'il y avait peut-être un problème avec Julien ? C'est un manipulateur, un lâche et dénué d'empathie". C'est le témoignage de cette femme que Sandrine Rousseau avait révélé sur le plateau de C à vous, le 19 septembre dernier. Mais Julien Bayou n'a jamais été entendu par cette cellule, qui n'a elle-même jamais pu entendre la femme, qui ne souhaitait pas témoigner. 

7EELV soutient sa cellule contre les violences sexistes et sexuelles

Le lendemain de la publication de l'enquête de Libération, la direction d'EELV a réaffirmé son soutien à cette cellule interne du parti, "qui fait un travail difficile et a pu traiter, et traite encore actuellement, tous les cas qui lui sont signalés. Sans son existence, plusieurs personnes n'auraient pas eu d'autres solutions". Les responsables ont aussi assuré que toutes les personnes qui avaient un lien avec Julien Bayou s'étaient "déportées du dossier". Le texte, publié à la suite d'une réunion de la direction, ajoute que cette cellule "n'a pas estimé qu'il y avait lieu de suspendre de manière conservatoire Julien Bayou et elle poursuit son travail"

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