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C'est quoi le problème avec l'article 2 du projet de loi sur les violences sexuelles ?

Le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes est débattu, à partir de lundi, à l'Assemblée nationale. Son article 2 concentre toute l'attention des associations.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, lors d'une conférence de presse à Paris, le 21 mars 2018. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Les associations de victimes de violences sexuelles s'inquiètent. Le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles est débattu, à partir du lundi 14 mai, à l'Assemblée nationale. Porté par la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa et la garde des Sceaux Nicole Belloubet, le texte a "pour ambition d'améliorer la répression de ces violences, dont les femmes et les enfants sont encore aujourd'hui trop massivement victimes". Mais son article 2 cristallise les critiques : 250 personnalités ont signé une lettre ouverte pour réclamer son retrait et une pétition a déjà récolté, lundi matin, plus de 7 000 signatures.

Que prévoit l'article 2 ?

L'ambition affichée par le gouvernement est de "renforcer l'arsenal juridique permettant de punir les viols et agressions sexuelles commis à l'encontre des mineurs de moins de 15 ans, pour mieux protéger les enfants". L'article 2 prévoit "trois nouvelles mesures" :

• Il précise le Code pénal concernant les faits commis sur les mineurs de moins de 15 ans.  Dans sa première version, le projet de loi prévoyait que l'acte commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans, constituait de fait une agression sexuelle ou un viol lorsque l'auteur "connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime". Mais le Conseil d'Etat a retoqué cette version du texte, y voyant une atteinte au respect de la présomption d'innocence. Finalement, le texte précise que la "contrainte morale" ou la "surprise" (qui distinguent le viol de l'atteinte sexuelle) peuvent être "caractérisées par l'abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes".

• Il alourdit la peine pour le délit d'atteinte sexuelle. L'infraction d'atteinte sexuelle (un rapport sexuel entre une personne majeure et une personne mineure sans que la contrainte soit caractérisée), définie par l'article 227-25 du Code pénal,  pourra, selon le projet de loi, être punie de "10 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende lorsque le majeur commet un acte de pénétration sexuelle sur la personne du mineur de 15 ans". C'est un doublement de la peine maximum prévue jusqu'à présent.

• Il prévoit une question subsidiaire pour les cours d'assises. L'article 2 oblige la justice à se prononcer sur l'existence d'un délit d'atteinte sexuelle, si les faits reprochés à un majeur ne peuvent pas être qualifiés de viol, c'est-à-dire si l'existence de violences, contrainte, menace ou surprise, est contestée. Devant la commission des lois, Marlène Schiappa a expliqué que, de cette manière, il y aurait soit "une condamnation pour viol, y compris lorsque l'on soutient que l'enfant ne s'est pas débattu, car avoir moins de 15 ans, c'est constitutif de la définition du viol" soit "lorsque le juge ne peut pas aller dans ce sens", la qualification "d'atteinte sexuelle pour éviter un acquittement"

Qu'est-ce qu'on lui reproche ?

• La présomption d'absence de consentement a totalement disparu. Pour éviter de voir le texte retoqué pour inconstitutionnalité, le gouvernement a supprimé l'idée d'un âge minimum en dessous duquel un ou une mineure ne peut donner son consentement. "Sans présomption de non-consentement, ce sera toujours à la victime d'établir les preuves. Une simple précision de la définition de viol n'aidera en rien la victime", regrette Carine Diebolt, dans Libération. Avocate, elle a défendu la victime dans "l'affaire de Pontoise", un viol requalifié en atteinte sexuelle, à l'origine du débat sur l'âge du consentement.

• Un risque accru de "correctionnalisation des viols de mineurs". Les auteurs de la pétition intitulée "#LeViolEstUnCrime : retirez l'article 2" redoutent que le texte revienne à "correctionnaliser le viol sur mineur", c'est-à-dire à traiter le viol, qui est un crime, de la même façon qu'un délit. Pour les signataires, les magistrats, qui auront toujours des difficultés à montrer la "contrainte morale" ou la "surprise" dans les affaires de viol sur mineur, seront tentés de renvoyer l'affaire en correctionnelle pour éviter le classement sans suite. Ce passage en correctionnelle entraîne, selon les auteurs de la pétition, le risque de "minimiser la gravité du viol" et de "mettre en danger les enfants".

Que répond le gouvernement ?

• "Respecter les principes constitutionnels". "La philosophie est là", assure Marlène Schiappa, mais en "des termes qui respectent l'architecture de notre droit pénal et les principes constitutionnels". Devant la commission des lois, la secrétaire d'Etat a d'ailleurs estimé que le projet de loi permettait au gouvernement de "s'arrêter sur la solution la plus consensuelle et la plus acceptable, qui ne présente aucun risque d'inconstitutionnalité". Argument auquel le député LR Stéphane Viry a rétorqué : "Il faut savoir prendre parfois le risque de l'inconstitutionnalité, sinon les législateurs que nous sommes n'avanceraient plus."

• "Aucune volonté de correctionnaliser les crimes". Pour Youssef Badr, porte-parole du ministère de la Justice, les craintes des associations proviennent d'une "mauvaise compréhension du texte""Un viol et une atteinte sexuelle sont deux choses bien distinctes, il n'y a aucune volonté de correctionnaliser des crimes", défend-il. "Le fait d'augmenter la peine en cas d'atteinte sexuelle avec pénétration vise à sanctionner plus durement ces délits, pour rappeler l'interdit de relation sexuelle" entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur.

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