Angoulême : cinq questions sur l'affaire de la femme poignardée par son ex-mari libéré d'un centre de rétention
Houria, 34 ans, est entre la vie et la mort après avoir reçu plusieurs coups de couteau de la part du père de ses enfants, sous le coup d'une procédure d'expulsion et tout juste libéré d'un centre de rétention en raison d'un vice de procédure.
Elle est toujours entre la vie et la mort. Une femme de 34 ans a été poignardée à plusieurs reprises par son ex-mari, qui la battait régulièrement, samedi 23 juin, à Angoulême (Charente). La secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes s'est rendue, lundi, au chevet de cette femme battue, hébergée depuis près d'un an dans un centre adapté. L'auteur de la tentative d'assassinat, un Algérien de 41 ans, était sous le coup d'une procédure d'expulsion mais avait été libéré mi-juin d'un centre de rétention en raison d'un vice de procédure.
Franceinfo fait le tour des questions qui se posent autour de cette nouvelle affaire de violences conjugales.
Que s'est-il passé le 23 juin ?
Samedi, vers 21 heures, la victime, Houria, monte dans sa voiture, à quelques pas de chez elle, dans le centre d'Angoulême, rapporte France Bleu La Rochelle. A l'intérieur du véhicule se trouvent sa fille de 12 ans et une amie de celle-ci. Son ex-mari, Fayçal B., surgit, casse la vitre et lui porte plusieurs coups de couteau, notamment au thorax.
Cet Algérien de 41 ans est arrêté quelques heures plus tard, en dehors de la ville. Présenté à un juge, il est mis en examen et écroué dans la soirée pour "tentative d’assassinat".
Son ex-femme, hospitalisée, a été opérée et se trouvait toujours en réanimation mardi. Elle est dans un état critique mais stabilisé. Les médecins ne peuvent se prononcer sur ses chances de survie ou d'éventuelles séquelles neurologiques.
Que sait-on de la victime ?
Cette mère de trois enfants était accompagnée depuis août 2017 par le centre communal d'action sociale (CCAS) et par sa structure Parenthèse, qui héberge des femmes battues. Elle est décrite comme une "personne lumineuse". Comme l'indique France Bleu La Rochelle, c'est un travailleur social qui avait donné l'alerte il y a un an. Venu pour monter un dossier avec le couple, il avait remarqué que la femme avait des bleus sur le corps.
Sur Twitter, Marlène Schiappa a indiqué l'avoir rencontrée pendant le tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes, en novembre dernier. "Elle m'a confié longuement les violences conjugales insoutenables vécues des années et comment elle s'en est sortie grâce aux travailleurs sociaux. J'ai alors demandé personnellement au préfet d'accélérer toutes ses démarches", témoigne la secrétaire d'Etat sur le réseau social. Marlène Schiappa lui avait obtenu en urgence un titre de séjour.
La secrétaire d'Etat s'est rendue au chevet de Houria mardi. "Elle avait subi des violences physiques, sexuelles, psychologiques, économiques avec des actes vraiment inhumains et répétés, y compris devant ses enfants", a-t-elle martelé après sa visite au CHU, selon des propos rapportés par France 3 Nouvelle-Aquitaine.
Quel est le profil de son ex-mari ?
Ce quadragénaire a un lourd casier judiciaire. Selon France Bleu La Rochelle, il compte une dizaine de condamnations dans des affaires de stupéfiants, d'alcool et de séjours irréguliers. Comme le détaille Charente libre, Fayçal B. avait été expulsé en 2004 avant de revenir en France en 2014 avec un visa de court séjour. Il avait fait une demande de titre de séjour, motivée par la présence de sa famille, et rejetée par le préfet de l’époque. Sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qu'il avait contestée en vain, il n’est jamais parti.
Visé par une procédure en cours pour violences conjugales, il avait par ailleurs été interpellé début juin pour une affaire de vol, à Angoulême, indique Sud-Ouest. Le préfet de Charente, Pierre N’Gahane, lui avait alors remis une nouvelle OQTF sans délai et Fayçal B. avait été placé le 10 juin en centre de rétention administrative, à Bordeaux, en vue de son expulsion.
Comment a-t-il pu entrer en contact avec son ex-épouse ?
Tout placement en centre de rétention doit être notifié immédiatement au parquet. Dans le cas de Fayçal B., "le juge des libertés et de la détention a considéré que la procédure avait été signalée au parquet trop tardivement, explique le préfet Pierre N’Gahane à Charente libre. L’arrestation de monsieur B. a été compliquée, il s’est bagarré au commissariat, il a fallu le maîtriser et le dossier a été transmis 1h30 après. Le juge a considéré que le délai normal n’était pas respecté", précise-t-il.
Fayçal B. a donc été libéré le 15 juin. Huit jours plus tard, il a poignardé son ex-femme.
Y a-t-il eu un dysfonctionnement ?
"Il ne semble pas qu'il y ait eu de dysfonctionnement mais ça nous mène à une situation dramatique, et incompréhensible", estime Marlène Schiappa. La secrétaire d'Etat souhaite toutefois une meilleure transmission des informations entre les services de la justice et les services sociaux dans ce type de dossiers. Car, si Houria avait été informée de la procédure d'expulsion visant son ex-mari, personne ne l'a prévenue qu'il avait été libéré du centre de rétention.
"J'ai organisé hier [mardi] au CHU une réunion avec toutes les parties prenantes dans le suivi du dossier de Houria, avec la préfète [de la Vienne] et le député [LREM de Charente] Thomas Mesnier afin de faire la lumière sur ce qui a permis que son ex-conjoint connu de la justice la retrouve et la poignarde", a indiqué Marlène Schiappa sur Twitter.
Le juge des libertés et de la détention avait-il été informé du passif de Faycal B. en matière de violences conjugales ? C'est l'une des questions auxquelles Thomas Mesnier va tenter de répondre. "Le manque de communication a été délétère dans cette affaire", regrette le député auprès de franceinfo. Angoulême est pourtant "exemplaire dans la prise en charge des violences conjugales, avec la mise en place d'un protocole local", rappelle l'élu, évoquant un "territoire d'excellence sur le sujet". "Nous sommes d'autant plus meurtris par ce qui est arrivé à Houria."
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