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Accusations de violences sexuelles contre Nicolas Hulot : "Témoigner dans la presse n'est jamais un choix de confort", selon une journaliste de Mediapart

L'émission "Envoyé spécial" a dévoilé jeudi sur France 2 plusieurs témoignages de femmes qui accusent l'ancien ministre Nicolas Hulot d'agression sexuelle et de viol.

Article rédigé par franceinfo
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Nicolas Hulot au siège de sa fondation. (LP/ GUILLAUME GEORGES / MAXPPP)

Pour ce qui est des violences sexuelles, "témoigner dans la presse n'est jamais un choix de confort", réagit Marine Turchi, journaliste à Mediapart et autrice de Faute de preuves : Enquête sur la justice face aux révélations #MeToo (éditions du Seuil), invitée de franceinfo vendredi 26 novembre. L'émission "Envoyé Spécial" a dévoilé jeudi 25 novembre soir sur France 2 une enquête dans laquelle plusieurs femmes accusent Nicolas Hulot d'agression sexuelle et de viol. L'ancien ministre avait annoncé, à la veille de la diffusion de l'émission, qu'il quittait définitivement la vie publique.

franceinfo : L'un des aspects qui ressort de l'enquête d'"Envoyé Spécial", c'est que l'on comprend qu'il faut parfois beaucoup de temps aux victimes pour s'exprimer.

Marine Turchi : On le sait maintenant, avec ces affaires qui se documentent dans la presse, cela prend un temps fou pour les victimes de pouvoir parler. Le plus souvent, elles ont parlé à certains confidents, mais la société a du mal encore à écouter ces témoignages, surtout face à quelqu'un de pouvoir. La question qui traverse évidemment toutes ces affaires médiatiques, PPDA [Patrick Poivre d'Arvor], Nicolas Hulot ou bien d'autres, c'est la question de l'éventuel abus de pouvoir. Il faut prendre en compte cet élément. Certaines disent "il était un ami de Chirac" ou certaines disent "il m'a proposé un boulot à TF1 tout en mettant la main sur ma cuisse". Il faut se demander qui a le pouvoir, quels leviers a cette personne en main et quel usage elle en fait par rapport à ces femmes. Il y a aussi la question de l'âge qui était celui de ces femmes. Ce qui bouge aujourd'hui, c'est qu'on commence à les entendre et certaines acceptent de témoigner de manière non anonyme. Il faut savoir que témoigner dans la presse n'est jamais un choix de confort. En général, c'est pour débloquer une situation, permettre de témoigner en solidarité avec d'autres victimes, faire en sorte parfois que ça s'arrête aussi. Ce n'est jamais un choix de confort, contrairement au cliché qui est souvent véhiculé.

La décision de parler, est-ce aussi de se dire "je ne parle pas que pour moi, je parle aussi pour les autres victimes" ?

Oui, c'est quelque chose que nous, journalistes qui enquêtons sur ces affaires de violences sexuelles, on constate beaucoup. À rebours du cliché de la victime qui arriverait vengeresse, la bave aux lèvres, avec le témoignage clé en main et l'idée de se venger. On constate qu'en fait, le moteur, souvent, c'est de vouloir que ça s'arrête, que ça n'arrive pas à d'autres ou vouloir témoigner par solidarité envers d'autres victimes. Je crois que c'est important de rappeler que, à rebours des clichés, c'est souvent par solidarité.

Sur le plan juridique, il y a parfois prescription, est-ce que cela veut dire pour autant que la justice ne peut rien faire ?

La pratique depuis quelques années dans les différents parquets de France est d'enquêter tout de même quand les faits sont à priori prescrits. D'une part, parce qu'il faut vérifier déjà si les faits sont bien prescrits, ce n'est pas toujours évident, on l'a vu dans l'affaire Denis Baupin. Par ailleurs, cela permet aussi de ne pas fermer la porte aux plaignantes, de dire "on va vous entendre, on va entendre le mis en cause." Parfois, il va y avoir une confrontation qui va être organisée entre les deux. Mais on ne va pas dire "circulez, il n'y a rien à voir", on va quand même les entendre. Un certain nombre d'avocats et de magistrats disent qu'il faut envisager des alternatives à des réponses pénales, des formes parfois de rencontres judiciaires qui peuvent donner lieu à un dialogue et à une reconnaissance des faits. Il faut demander aux principales concernées ce qu'elles attendent par rapport à ces violences sexuelles et par rapport à la justice. Certaines veulent une peine de prison, mais d'autres veulent simplement une reconnaissance des faits, qui n'est pas seulement une reconnaissance des faits de l'agresseur, mais aussi de l'entourage, de l'entreprise, de la famille.

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