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Vidéo "Islamo-gauchisme" : le gouvernement "drague l'opinion dans des endroits assez nauséabonds", accuse le président de la Sorbonne

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Article rédigé par franceinfo
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"On est en train, avec ces interventions gouvernementales successives, de se retrouver dans le camp de la Hongrie et de la Pologne en Europe, c'est assez grave", affirme sur franceinfo Jean Chambaz, président de Sorbonne Université.

"Il y a une orientation de ce gouvernement qui va draguer des secteurs de l'opinion publique dans des endroits assez nauséabonds" a dénoncé Jean Chambaz, le président de Sorbonne Université, jeudi 18 février sur franceinfo, après les déclarations de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Frédérique Vidal. Dimanche, sur CNews, la ministre avait déclaré que l'"islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et l'université n'est pas imperméable". "Toute cette séquence est assez préoccupante, le gouvernement devrait se consacrer à la gestion de la crise plutôt qu'à préparer la présidentielle", a réagi Jean Chambaz.

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"Connaissant Frédérique Vidal", Jean Chambaz explique avoir d'abord cru à "une phrase sortie de son contexte", avant de réécouter l'interview. "L'islamo-gauchisme est un terme absolument peu précis, issu des milieux de la droite extrême, repris par certains députés LR qui voudraient interdire l'enseignement de certaines disciplines à l'université. On se croirait dans l'ancienne Union soviétique. Ça me fait davantage penser aux slogans du 20e siècle dénonçant le judéo-bolchévisme."

Selon le président de Sorbonne Université, le mal qui "gangrène" la société n'est pas cet "islamo-gauchisme" mal défini et qui est agité, selon lui, comme un chiffon rouge. "On accole deux mots qui font peur pour ne pas définir une réalité. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? martèle-t-il. Qu'est-ce qui gangrène la société ? C'est la discrimination, c'est la ghettoïsation, c'est l'inégalité sociale dans l'accès au travail, dans l'accès à l'éducation, à la culture, et l'échec des politiques publiques dans ce domaine depuis cinquante ans." 

"Le camp de la Hongrie et de la Pologne"

Pour autant, Jean Chambaz se refuse à demander la démission de Frédérique Vidal. "On essaie de faire de Frédérique Vidal un bouc-émissaire, affirme-t-il, on demande sa démission, mais ça ne réglera rien."

Moi, je ne demande évidemment pas la démission de la ministre, je demande un changement d'orientation et de ton dans le comportement du gouvernement vis-à-vis des universités.

Jean Chambaz, le président de Sorbonne Université

à franceinfo

Jean Chambaz déplore une "confusion des catégories". "Il n'y a pas de sujet tabou pour la recherche et pour la science, il n'y a pas de sujet interdit. On a le droit de travailler, de chercher à comprendre des mécanismes complexes, de revisiter l'histoire de notre pays, le colonialisme, la non-intégration des enfants d'émigrés à la troisième génération", plaide-t-il.

Pour Jean Chambaz, cette polémique est une nouvelle menace pour "la liberté académique" digne de certains régimes autoritaires. "On est en train, avec ces interventions gouvernementales successives, de se retrouver dans le camp de la Hongrie et de la Pologne en Europe, c'est assez grave ! Les gouvernements hongrois et polonais commencent à intervenir dans la vie interne des universités pour limiter la liberté académique." Viktor Orban et Jean-Michel Blanquer, même combat ? "Pas encore... Mais il faut être vigilants et dénoncer ce genre de positions."

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