"Tous à poil" : une polémique sur un livre pour enfants en quatre actes
Cet ouvrage, qui aborde le thème de la nudité, a été dénoncé par Jean-François Copé. Mais les auteurs et le gouvernement dénoncent les exagérations du patron de l'UMP.
Le livre compte peu de mots, mais il fait couler beaucoup d'encre. Tous à poil, un livre pour enfants publié par les éditions du Rouergue, est au centre des critiques de l'UMP contre la politique du gouvernement en matière d'éducation, comme l'a dénoncé Jean-François Copé, dimanche 9 janvier. Cet ouvrage, destiné selon son éditeur "à apporter un regard décomplexé sur la nudité", est une suite de dessins où l'on voit des adultes et des enfants en train de se déshabiller. Pour l'opposition, il représente un danger pour les écoliers. En réaction, l'éditeur dément et le gouvernement dénonce un "retour à l'ordre moral" voulu par l'UMP. Retour en quatre actes sur cette polémique.
Acte 1 : Jean-François Copé très remonté
Invité dimanche 9 février du "Grand Jury" (RTL-LCI-Le Figaro), Jean-François Copé est interrogé sur les vifs débats entourant la prétendue "théorie du genre". En réponse, il brandit Tous à poil et feuillette le livre avec ironie: "Quand j'ai vu ça, mon sang n'a fait qu'un tour."
Le président de l'UMP est alors formel sur le fait que le livre est recommandé aux enseignants pour les classes de primaire : "Ça vient du centre de documentation pédagogique, ça fait partie de la liste des livres recommandés aux enseignants pour faire la classe aux enfants de primaire."
Acte 2 : les auteurs se défendent
Le Rouergue, une maison d'édition réputée dans le monde des livres pour enfants, ainsi que les auteurs, Marc Daniau et Claire Franek, s'étonnent de la polémique. Comme ils l'expliquent au Figaro, leur objectif est d'aborder la nudité autrement que comme un tabou : "Les enfants sont environnés d'images de corps plus ou moins dévêtus, dans la publicité, sur les abribus, sur les couvertures de journaux people, explique Marc Daniau. Nous avons voulu leur proposer un regard plus juste sur le corps. Et surtout, nous le faisons avec humour."
Acte 3 : l'exagération de Jean-François Copé pointée du doigt
Les déclarations de Jean-François Copé concernant la recommandation du livre par l'Education nationale sont ensuite pointées du doigt. Comme l'explique Le Monde, l'ouvrage n'a jamais figuré sur une liste des livres officiellement suggérés aux enseignants. Il se trouve en revanche sur une bibliographie d'une centaine de livres établie par l'Atelier des Merveilles, une association de parents d'élèves qui organise des "goûters lectures" en Ardèche. Cette bibliographie a ensuite été relayée par le réseau des missions pour l'égalité hommes-femmes, avant d'être reprise par le Centre régional de documentation pédagogique de l'académie de Grenoble.
Si l'ouvrage n'est pas officiellement recommandé, il figure en revanche sur un site institutionnel, celui des fameux ABCD de l'égalité, qui propose des ressources pour encadrer cette expérience visant à transmettre aux élèves la culture de l’égalité entre filles et garçons. Comme l'explique Le Lab, la bibliographie ardéchoise y figure "au milieu de six autres listes tout aussi fournies". Le site d'info explique ainsi que l'information donnée par Jean-François Copé [sur la recommandation officielle de l'ouvrage] est donc "amplifiée mais pas inexacte".
Acte 4 : le gouvernement s'en prend à Jean-François Copé
Utilisatrice fréquente de Twitter, Cécile Duflot, la ministre du Logement, est la première à réagir dès dimanche soir, rappelant au passage que la politique de lutte contre les stéréotypes sexués est antérieure au quinquennat de François Hollande.
Et JF Copé a un avis sur "De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête" ? #comprendrelalitteraturejeunesse #oupas
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 9 Février 2014
On luttait déjà contre les stéréotypes de genre à l'école du temps où N. Sarkozy était Président http://t.co/bcsF0IuMUe #etcestbien
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 9 Février 2014
Quelques heures plus tard, Marisol Touraine, ministre de la Santé, prend le relais, en affirmant qu'on "n'a pas besoin d'un retour à l'ordre moral" sur France Info. "Quel est l'objectif de M. Copé ? D'agiter et de diviser ? (...) Ce n'est pas par le retour à l'ordre moral, ce n'est pas en surfant sur les inquiétudes et les tensions qui peuvent exister que la droite clarifiera sa position."
Vincent Peillon enfonce le clou : "Je veux que les uns et les autres reviennent à la raison, à la responsabilité et surtout laissent les enfants tranquilles dans ce temps électoral, et je le demande directement à M. Copé", déclare le ministre de l'Education nationale. Il dénonce alors l'attitude de "quelques-uns" qui "cherchent en permanence à attiser la violence, l'incompréhension, la rumeur, le mépris". Ajoutant que "c'est quand même, au bout du bout, les enfants qui sont victimes."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.