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"Masturbation", "théorie du genre" à l'école... Décryptage de cinq folles rumeurs

Des parents d'élèves ont reçu des SMS les incitant à ne pas envoyer leurs enfants à l'école, un jour par mois, pour lutter notamment contre "l'enseignement obligatoire de la 'théorie du genre'".

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Des enfants participent à des activités artistiques, après la classe, le 11 octobre 2013, dans une école de Nantes (Loire-Atlantique). (FRANK PERRY / AFP)

La rumeur court à la vitesse des SMS envoyés massivement aux parents d'élèves. "Le choix est simple. Soit on accepte la 'théorie du genre', soit on défend l'avenir de nos enfants", résume le texto reçu par une internaute, qui le partage sur Twitter, mardi 28 janvier. Certains des messages reçus, cités par Ouest France et L'Est républicain, dénoncent aussi des "cours de masturbation", des modules d'éducation sexuelle "avec démonstration", et des "peluches en forme de pénis et de vagin", destinés aux écoles maternelles.

A l'origine de cette campagne massive : un collectif nommé Journée de retrait de l'école (JRE), qui entend protéger "la pudeur et l'intégrité de nos enfants" en les retirant de l'école une journée par mois, sans prévenir l'établissement. Dans son viseur : le programme ABCD de l'égalité des ministères des Droits des femmes et de l'Education nationale, en test dans 10 académies et qui vise les jeunes de 3 à 15 ans.

La consigne est détaillée sur le site de JRE : "Vous justifierez l'absence de votre enfant le lendemain, par le motif suivant : journée de retrait de l'école pour l'interdiction de la théorie du genre dans tous les établissements scolaires." Le message semble avoir été entendu, après sa diffusion via différentes antennes locales de l'organisation. Dans l'Oise par exemple, certaines écoles ont enregistré un taux d'absentéisme de 10 à 60%, lundi, selon les établissements, rapporte Le Parisien.

Rumeur n°1 : l'école va enseigner la "théorie du genre"

Ce que dit la rumeur. Le ministre de l'Education nationale, Vincent Peillon, "sur les traces de son prédécesseur Luc Chatel", voudrait "généraliser et officialiser l'enseignement de la 'théorie du genre' dans les écoles publiques et privées sous contrat à partir de la rentrée 2014".

Son origine. Le vocabulaire "théorie du genre" était déjà employé par les opposants les plus radicaux au mariage pour tous, Alliance Vita et Manif pour tous en tête. Ces collectifs ont transformé les "études sur le genre" (recherches interdisciplinaires qui tendent à démontrer que le sexe biologique ne suffit pas à faire un homme ou une femme et que les normes sociales y contribuent) en "théorie du genre", une idéologie qui viserait à nier toute différenciation sexuelle. Idéologie qu'il faudrait par conséquent combattre.

Sur la même ligne, l'Observatoire de la théorie du genre affirme que le programme ABCD de l’égalité est une "porte ouverte sur la théorie du genre à l’école", et estime que "les activités prévues par le programme ABCD tendent donc à empiéter sur le renforcement des savoirs fondamentaux".

Ceux qui relaient la rumeur. Le JRE, à l'origine de la campagne de "retrait de l'école" martèle son opposition à la "théorie du genre". A sa tête, Farida Belghoul, qui fut une figure de la "deuxième génération" de l’immigration, dans les années 1980. Son visage est devenu public après la deuxième marche pour l'égalité, en 1984. Ecrivaine et cinéaste, elle a rejoint en 2013 le mouvement Egalité et réconciliation d'Alain Soral, essayiste et polémiste proche de Dieudonné. Elle marchait à Paris, dimanche, lors du "jour de colère". La militante a décidé de ne plus s'habiller que "selon sa nature première", c'est-à-dire de ne plus porter que des robes, rapporte Rue89.

Dans l'ABCD de l'égalité. Le programme, destiné à lutter contre les inégalités entre filles et garçons, de la maternelle au collège, met à la disposition des enseignants des outils pédagogiques, afin qu'eux-mêmes évitent de faire appel à des stéréotypes de genre dans leur enseignement. Ils sont incités, par exemple, à "expliquer que Juliette peut devenir pompier et Arnaud infirmier", résume Europe1. Ils ne sont pas pour autant censés interdire à Antoine de vouloir devenir pompier.

Rumeur n°2 : "éducation sexuelle" et "masturbation" dès la maternelle

Ce que dit la rumeur. Selon des SMS reçus par des parents d'élèves et rapportés par Ouest France"dans les écoles, des cours d’éducation sexuelle et de masturbation" sont dispensés dès la maternelle.

Son origine. Un texte publié en 2010, intitulé Standards pour l’éducation sexuelle. Le rapport est cosigné par le Centre fédéral allemand pour l’éducation à la santé (BZgA), le bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et un collège d'experts internationaux. Son objectif est de "donner aux enfants et aux jeunes une éducation adéquate en matière de sexualité" pour lutter contre les MST, IST, violences sexuelles et grossesses non désirées, souligne Libération, qui y consacre un article.

Ceux qui la relaient. On retrouve ce rapport cité sur le site d'Alain Soral, ainsi que sur Boulevard Voltaire, de Robert Ménard, et sur d'autres sites proches de l'extrême droite. 

Dans l'ABCD de l'égalité. Le ministère de l'Education n'a jamais fait référence à ce rapport, qui n'a aucune valeur dans l'Hexagone. Aucune mention n'est d'ailleurs faite de la sexualité dans les modules du programme ABCD, élaboré par les ministères des Droits des femmes et de l'Education nationale et consultable en ligne.

Rumeur n°3 : l'homosexualité abordée à la maternelle

Ce que dit la rumeur. "L'homosexualité abordée dans les programmes scolaires dès la maternelle", titre le média communautaire Islam & info. Des parents s'interrogent aussi à ce sujet sur la page Facebook de francetv info.

Son origine. Des esprits échauffés et l'imprécision du terme "école". Car l'homosexualité apparaît bien dans un programme : celui de sciences de la vie et de la terre (SVT), en classe de première L et ES. A la rentrée 2011, les lycéens ont découvert la question du genre et de l'orientation sexuelle dans un chapitre intitulé "Devenir homme ou femme". A l'époque, des députés UMP ont d'ailleurs demandé au ministre de l'Education de Nicolas Sarkozy, Luc Chatel, de retirer ces manuels scolaires.

Avant cela, Le Baiser de la Lune, de Sébastien Watel, court-métrage mettant en scène des poissons mâles amoureux, destiné aux classes de CM1 et CM2, avait choqué le Collectif pour l'enfant, qui milite contre l'homoparentalité, racontait L'Express en 2010. Plus récemment, c'est le film Tomboy, de Céline Sciamma, montré à certaines classes de cycle 3 (CE2, CM1, CM2), dont celle de notre instituteur blogueur, qui a irrité les intégristes.

Dans l'ABCD de l'égalité. Pas un mot de plus sur l'homosexualité que sur la sexualité. Dans les dix académies qui testent déjà le projet éducatif, "on fait des colonnes 'métiers de filles' et 'métiers de garçons'", raconte Le Parisien, plutôt que de se demander "c'est quoi être homosexuel".

Rumeur n°4 : pénis et vagins en peluche à l'école

Ce que dit la rumeur. "Les parents parlent de peluches en forme de pénis et de vagin qui seraient présentées aux enfants pour distinguer les genres", écrit L'Est républicain.

Son origine (probable). Une boîte pédagogique surnommée Sex-Box, qui a choqué les conservateurs suisses, en 2011. Elle contient un pénis en bois et en peluche et un vagin, en peluche aussi, destinés à intégrer les programmes d'éducation sexuelle de la ville de Bâle. Mais là encore, pas à l'école maternelle, ni primaire. "Cette boîte contient du matériel d’enseignement pour le secondaire. Mais elle a été présentée [par un journal] comme étant prévue pour l’école enfantine et ça a choqué", explique Gabriela Fuchs, responsable de communication de la Conférence des directeurs de l’instruction publique, au Matin.ch.

Dans l'ABCD de l'égalité. Aucune peluche à connotation sexuelle n'est mentionnée. D'ailleurs, il n'est pas prévu d'aborder la sexualité dans l'ABCD de l'égalité.

Rumeur n°5 : le gouvernement veut interdire l'enseignement à domicile

Ce que dit la rumeur. "La théorie du 'gender' sera imposée à tous, quitte à interdire l'école à la maison", écrit prorussia.tv.

Ceux qui la relaient. La rumeur est reprise sur Le Salon beige, blog proche de l'extrême droite et de la frange "ultra" des catholiques.

Son origine. Une proposition de loi signée par des sénateurs UMP, selon LeMonde.fr. Leur volonté est de "limiter les possibilités d'enseignement à domicile", précise le site du quotidien, pour éviter "une désocialisation volontaire, destinée à soumettre l'enfant, particulièrement vulnérable, à un conditionnement psychique, idéologique ou religieux".

Dans l'ABCD de l'égalité. L'idée n'étant qu'à l'état de proposition, elle n'apparaît bien entendu nulle part dans les projets de l'Education nationale.

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