Téléphone au volant : "Nous sommes dans une société qui ne supporte plus la frustration"
Dans une étude dévoilée par l'Association des sociétés d'autoroutes, 75% des jeunes conducteurs interogés reconnaissent utiliser leur téléphone portable au volant, même sur l'autoroute.
"Comme pour apprendre à bien boire, il faut apprendre à bien utiliser le téléphone", explique sur franceinfo Dan Véléa, psychiatre-addictologue à Paris. Les trois quarts des jeunes conducteurs reconnaissent utiliser leur téléphone portable au volant, même sur l'autoroute, selon une étude Harris Interactive pour l'Association des sociétés d'autoroutes (ASFA) dévoilée vendredi 26 juillet.
L'étude révèle également que 76% des Français estiment qu'un durcissement des sanctions serait la solution la plus dissuasive pour les empêcher d'utiliser leur téléphone au volant.
franceinfo : Peut-on être véritablement accroc au téléphone portable ?
Dr Dan Véléa : L'addiction aux nouvelles technologies, aux écrans et téléphones portables, est une véritable addiction. L'exemple est assez glaçant quand on parle de sécurité routière. On voit énormément de gens qui, même en conduisant, sont en train de taper [un message]. Il faut une responsabilisation de ces personnes-là. On peut bousiller sa vie et celle des autres en deux secondes.
Est-ce que l'addiction au téléphone portable agit comme une drogue dure ?
Nous sommes dans une société qui ne supporte plus la frustration. Nous sommes complètement intolérants à ce qui est frustrant. Ne pas répondre à un coup de fil, même banal, du genre "Tu es où ? Qu'est-ce que tu fais ?", cela engendre des souffrances chez certaines personnes.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a énormément de gens qui sont en manque de communication, qui ressentent en permanence une solitude. Et c'est rassurant d'avoir quelqu'un à côté, c’est quelque chose de jouissif.
Comment cet appareil s'est-il rendu autant indispensable ?
Ce n’est pas le produit qui crée une addiction, c'est le rapport que l'on a avec le produit. La capacité de communiquer, de jouer, de consulter en même temps la météo et les infos trafic... C'est tout cela qui le rend complètement indispensable. Comme pour apprendre à bien boire, il faut apprendre à bien utiliser le téléphone.
À partir de quand peut-on se dire que l'on a un problème d'addiction avec le téléphone portable ?
C'est à partir du moment où l'on se rend compte qu'on ne peut plus rien faire sans portable. Il y avait eu l'idée de créer la journée sans portable. Je trouve cela génial, mais énormément de ceux qui se sont proposés n'ont pas tenu jusqu’à la fin de la journée.
Sur les téléphones, on trouve tout ce qu'on veut, et cela nous empêche de nous laisser un temps de réflexion ou d'apprendre à s'ennuyer pour penser à des choses sympathiques. Nous avons besoin, tout le temps, d'un remplissage du vide.
Étude réalisée en ligne du 12 au 19 octobre 2018 par l'Association française des sociétés d'autoroutes, auprès de 1 500 conducteurs.
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