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Sécurité routière : faut-il baisser les limitations de vitesse ?

Un rapport préconise de réduire la vitesse de 90 à 80 km/h sur le réseau secondaire. Les associations d'automobilistes jugent cette mesure "inutile". Les auteurs du rapport, eux, estiment que c'est la plus efficace. Francetv info récapitule.

 

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le Conseil national de la sécurité routière préconise d'abaisser à 80 km/h la vitesse autorisée sur le réseau secondaire. (ALAIN LE BOT / AFP)

La piste avait été évoquée par Manuel Valls en juillet. L'idée de baisser la vitesse autorisée sur les routes secondaires se précise dans un rapport révélé samedi 5 octobre par l'AFP. Dans ce document confidentiel, les experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) préconisent de réduire la vitesse autorisée de 90 à 80 km/h sur les routes communales, départementales et nationales, afin de passer sous la barre des 2 000 tués en 2020. Le ministre de l'Intérieur ne statuera qu'après le 29 novembre, date de la prochaine réunion du CNSR.

Devant cette éventualité, l'association 40 millions d'automobilistes a adressé dimanche une lettre ouverte à Manuel Valls, assurant que les vitesses actuelles ne représentent pas un danger mortel. Elle a également lancé une pétition en ligne, qui enregistre déjà 52 000 signatures. Un succès sans surprise : selon un sondage Ifop publié début août, 76% des Français s'opposent à une éventuelle baisse des limitations de vitesse. Francetv info récapitule les arguments des opposants et des partisans de cette mesure.

Pour les automobilistes, la vitesse n'est pas le problème

Pour Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d'automobilistes, contacté par francetv info, ce projet est inutile. "Passer de 90 à 80 km/h ne change rien. Si vous jetez une voiture dans un arbre à plus de 50 km/h, vous êtes mort." A la place, il préconise une amélioration des infrastructures : "glissières de sécurité adaptées aux deux-roues et installées aux endroits dangereux", "bandes rugueuses contre la somnolence, un vrai problème, contrairement à la vitesse".

Pierre Chasseray n'en démord pas : la vitesse n'est pas la première cause de mortalité en France et vient derrière l'alcoolémie et la somnolence. "En Grande-Bretagne, les conducteurs peuvent rouler sur les réseaux secondaires jusqu’à 97 km/h et le taux de mortalité est plus faible que le nôtre." Les routes britanniques n'ont fait "que" 1 752 morts en 2012 pour une population équivalente à la nôtre. Mais la mortalité routière y a toujours été deux fois moins élevée qu'en France.

Pour le responsable associatif, cette "sanction" serait incompréhensible pour les Français alors que le nombre de morts sur les routes ne cesse de baisser. "Nous sommes passés en 2011 sous la barre des 4 000 morts, puis à 3 645 en 2012, et pour l'année 2013, le bilan devrait se situer entre 3 200 et 3 300. Il y a une baisse inexorable de la mortalité, principalement due aux améliorations techniques des véhicules."

Les experts dénoncent un "lobby" pro-vitesse 

Pour le CNSR, pourtant, c'est bien cette mesure qui est "la plus efficace" pour réduire le nombre de morts. Les auteurs du rapport rappellent que les deux tiers des tués sur la route le sont sur les axes secondaires. Baisser la vitesse sur l'ensemble de ce réseau épargnerait 450 vies par an. Et même si cette mesure n'était mise en place que dans les zones les plus dangereuses, 200 personnes seraient sauvées.

Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière et membre du CNSR, interrogée par francetv info, dénonce un lobby pro-vitesse qui tente de créer une révolte populaire autour du sujet. "Il est normal que 76% des sondés soient contre, car on ne leur explique pas pourquoi. Mais les preuves sont là, et il faut convaincre les Français de l'utilité de cette mesure par une campagne de sensibilisation."

Elle explique qu'"en 1982, un chercheur suédois a montré qu'une diminution de 1% de la vitesse moyenne entraîne une baisse de 4% du nombre des accidents mortels". "Cela a pu être vérifié en France dès 2002 avec les mesures prises sous Jacques Chirac, poursuit-elle. Depuis, la vitesse des Français a baissé de 11 km/h en moyenne et la mortalité de 44%. C'est une mécanique que l'on peut voir dans tous les pays."

Pour Chantal Perrichon, l'aménagement des infrastructures est nécessaire, mais la baisse de la vitesse est "LA mesure" à prendre. "La première cause de mortalité chez les jeunes et dans le monde du travail, c'est la route ! Nous attendons beaucoup de Manuel Valls, qui ne doit pas plier face aux lobbys. Si les mesures sont mauvaises, la sanction sera immédiate."

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