Reportage Conduite à 17 ans : "Ceux qui pondent ce genre de lois ne sont pas sur le terrain", dénoncent des gérants d'auto-écoles

Alors que la conduite dès 17 ans est possible à partir de 2024, des responsables d'auto-écoles, déjà en manque de moyens, appréhendent la réforme.
Article rédigé par franceinfo - Xavier Ponroy
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une voiture auto-école devant le centre d'examen du permis de conduire (illustration). (Marcellin Robine/Radio France)

Il est désormais possible de passer son permis de conduire et de rouler dès 17 ans. C’est l’un des changements majeurs de cette année 2024. Jusqu’ici, il était possible de passer son permis avant 18 ans mais il était interdit de conduire une voiture. Un gros bouleversement pour les auto-écoles. Elles ne sont pas encore submergées de candidats mais appréhendent la réforme. 

À Aubagne, près de Marseille, dans l’auto-école ECF de Béatrice Tabuto, les demandes de permis à 17 ans n’affluent pas encore. Mais déjà, la professionnelle redoute les réponses qu’elle va devoir donner à certains : "Le souci c'est que je vais être obligée de leur répondre 'Non je ne peux pas vous faire passer le permis.' Parce qu'au niveau de la préfecture ça ne suit pas et on n'a pas le nombre de places nécessaire. C'est un problème récurrent dans toutes les grandes villes, particulièrement dans les Bouches-du-Rhône : ça bouchonne."

Recrutement de nouveaux moniteurs

Cela risque de bouchonner encore plus avec l’abaissement à 17 ans. Dans les Bouches-du-Rhône, il y a seulement une quarantaine d’inspecteurs du permis de conduire. Et rien que dans l’auto-école de Béatrice Tabuto, il y a un peu plus d’une centaine d’élèves : "Aujourd'hui on est à quasiment un an d'attente parce que je n'ai que 12 places par mois. Ceux qui pondent ce genre de lois ne sont pas sur le terrain et dans la réalité des faits ! Ce n'est pas 12 places qu'il me faudrait par mois mais 35 ou 40 pour éponger en plus tout le Covid, tous les échecs et tous les nouveaux arrivants !"

Pour tenter d’absorber le nombre de candidats déjà nombreux, Béatrice Tabuto va également recruter un moniteur supplémentaire. Il faut s’adapter à la demande reconnaît également Gérard Khennouf, patron d’une école de conduite dans le centre-ville de Marseille : "Ça change un petit peu structurellement notre recrutement au niveau des moniteurs. Depuis quelques années on a du mal à recruter des moniteurs."

Questions de sécurité

Au-delà des questionnements logistiques, les professionnels se posent aussi des questions plus morales sur le fait de mettre un adolescent de 17 ans sur la route : "C'est excellent pour le chiffre d'affaires parce qu'on a un peu plus d'élèves qui s'inscrivent mais déontologiquement ce n'est pas génial. Dans le sens ou la maturité de la jeunesse n'est pas encore adaptée à 17 ans. À 17 ans on est encore adolescent, il y aura beaucoup plus de problèmes sur la route."

Raison pour laquelle toutes les auto-écoles continuent d’inciter leurs jeunes candidats à se tourner d’abord vers la conduite accompagnée. En 2024, 860 677 jeunes Français auront 17 ans, selon l'Insee. 

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