La justice a-t-elle interdit l'installation d'une crèche de Noël au Conseil départemental de Vendée ?
Une lettre adressée au tribunal administratif de Nantes est régulièrement partagée sur les réseaux sociaux à la veille de Noël. Pourtant, elle n'est plus d'actualité.
C’est un long message partagé plusieurs milliers de fois sur Facebook qui revient tous les ans, à la période de Noël. Il commence ainsi : "Cher Monsieur le Tribunal, j’ai pris connaissance, il y a quelques jours, de votre décision d’interdire la crèche de Noël traditionnellement installée dans le hall du Conseil général de la Vendée."
Cette lettre qui circule régulièrement sur les réseaux sociaux est pourtant sans fondement aujourd’hui, la Cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi.
Ce long message signé ironiquement "Jean Santon" dénonce, à l’origine, un jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes le 14 novembre 2014 qui ordonnait au Conseil général de la Vendée de retirer sa crèche au nom du principe de laïcité contenu dans la loi de 1905 de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le post a été publié pour la première fois le 7 décembre 2014 par le créateur de la page Facebook "Touche pas à ma crèche", indigné par cette décision de justice. Son auteur s’adresse de manière fictive à un "âne" du tribunal, pour lui rappeler à travers plusieurs arguments que la crèche est pour lui "une tradition". La publication, partagée plus de 11 000 fois sur Facebook, devient rapidement virale.
Une crèche au caractère "culturel"
Mais cette lettre, encore largement relayée le 2 décembre 2019 par des internautes en colère, n’est plus d'actualité, car le jugement auquel se réfère l’auteur de la lettre a été annulé en 2015 par le Conseil d’Etat.
En effet, l’installation d’une crèche dans un lieu public n’est possible que lorsque celle-ci comporte un "caractère culturel, artistique ou festif". Or, la crèche vendéenne est installée chaque année depuis 1987, ce qui a amené le Conseil d’Etat à la conclusion qu’elle revêt bien "un caractère culturel" qui répond à un "usage local". Le rapporteur public a également souligné que la crèche vendéenne "n’est pas accompagnée d’inscription quelconque, ni croix, ni crucifix, ni couronne" , ce qui limite sa dimension religieuse.
En 2017, un arrêt pris par la cour administrative d'appel de Nantes a de nouveau confirmé cette décision, les juges nantais estimant que la crèche résulte "d'une tradition festive de plus de 20 ans constituant des circonstances particulières". Cette année encore, le Conseil départemental a donc installé sa crèche dans le hall d'entrée du bâtiment.
Qu’en est-il ailleurs?
Si le Conseil départemental de la Vendée a donc bien été autorisé par la justice à installer sa crèche de Noël, ce n’est pas le cas de toutes les collectivités territoriales. En 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de Laurent Wauquiez, président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une crèche dans les locaux de l'Hôtel de région l'année précédente. Le Conseil d’Etat s’est appuyé sur la même notion d'"usage local" retenue pour la Vendée mais qui ne pouvait pas s’appliquer, selon la justice, au cas auvergnat. Le tribunal a en effet souligné dans un communiqué que l’installation d’une crèche "par une personne publique dans un emplacement public (...) méconnaît le principe de neutralité en l'absence de caractère culturel, artistique ou festif". Laurent Wauquiez a bien retenu la leçon pour 2017 en n'installant... que des santons. De nouveau saisi par la Ligue des Droits de l’Homme, le tribunal a cette fois considéré que l’installation n’était pas contraire à la loi, car elle mettait plus en avant le "travail du santonnier" que l’aspect religieux dans ses scènes de natalité.
Le 2 décembre dernier, c'est Robert Ménard, maire de Béziers, qui a installé une crèche dans l'Hôtel de Ville, malgré deux interdictions prononcées par le tribunal administratif de Montpellier en 2017 et en 2018. La tentative du maire de monter la crèche sur des roulettes pour la déplacer dans la cour d'honneur de l'Hôtel de Ville en 2018 n'avait pas convaincu les juges, qui avaient exigé qu'elle soit quand même retirée de la cour dans un délai de 48 heures sous peine, pour la Ville, de payer 2 000€ par jour de retard.
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