Témoignage Victime d'abus sexuels de l'Église dans sa jeunesse, il a demandé une messe de pardon

En plus des réparations financières, de nombreuses victimes d'abus sexuels de la part de l'Église font appel à des "démarches restauratives" pour faire face au traumatisme. Franceinfo a rencontré un homme pour qui une messe de pardon a été célébrée.
Article rédigé par Farida Nouar
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Phillippe Wadoux a bénéficié d'une messe de pardon, après des agressions sexuelles subies enfant. (FARIDA NOUAR / FRANCEINFO)

C'était il y a un peu plus de trois mois. Depuis, il se sent "un peu libéré". Depuis cette messe de pardon, célébrée en novembre, Phillippe Wadoux, habitant de Brézé (1 200 habitants) dans le Maine-et-Loire, se sent un peu plus serein aussi, plus de 50 ans après ses séjours au "Coeur Vaillant". Une sorte de centre aéré catholique dans le Nord, dont il garde en mémoire "un prêtre, mais pas son visage", "une pièce sombre avec une odeur" et "une sensation désagréable de toucher."

Selon un rapport publié jeudi 14 mars par l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des victimes d'abus sexuels dans l'Eglise (Inirr), 570 victimes ont obtenu une réparation financière depuis le rapport Sauvé, qui chiffrait à 330 000 le nombre de victimes d'abus sexuels par des membres de l'Église depuis 1950. Ces réparations financières sont comprises entre 20 000 et 39 000 euros. D'autres victimes, comme Phillippe Wadoux, ont aussi demandé des démarches restauratives. Elles étaient 187 en 2023 selon l'Inirr.

"Ce n'est pas du courage, c'était un besoin, c'est viscéral."

"Il y a quelque chose d'essentiel parce que la démarche restaurative, elle est choisie. Elle est décidée par les victimes, à la différence de la contribution financière qui est fixée par le collège, explique Jean-François Badin, référent de situation à l'Inirr. C'est une démarche qui va s'inscrire dans le concret, dans le réel. Il y a vraiment un pouvoir d'agir, d'une certaine manière, qui est retrouvé."

Philippe Wadoux a donc choisi que la messe se tienne à Grand-Fort-Philippe (Nord), "derrière l'église, dans les lieux où j'ai vécu cette maltraitance" et s'y est présenté le 26 novembre 2023. Sur une vidéo qu'il nous montre, on le voit arriver au pupitre, parler du silence dans lequel il est resté pendant cinquante ans et de la souffrance qu'il a subie. "Ce n'est pas du courage, rétorque-t-il, c'était un besoin, c'est viscéral. Je ne pouvais pas faire autrement."

Pas faire autrement, après avoir construit sa vie avec le sentiment qu'il s'est passé quelque chose dans sa jeunesse, sans savoir quoi. Il a entre 7 et 9 ans au moment des violences sexuelles qu'il subit, mais jusqu'à récemment, il ne s'en souvenait pas. Il y a trois ans, il perçoit ses premiers flashs. Il commence alors son enquête en 2022 sur internet, sollicite le diocèse de la région Creuse, les archives, avec l'appui de l'Inirr. En 2023, il obtient finalement une lettre de l'archevêque de Lille qui reconnaît la triste réalité des faits, lui octroie une réparation financière et surtout, cette messe de pardon. Plus importante à ses yeux que l'argent : "J'étais comme paralysé, tétanisé. Mais j'avais besoin intrinsèquement d'être là physiquement."

Les démarches restauratives après des violences sexuelles reconnues par l'Église. Reportage de Farida Nouar

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