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Témoignage franceinfo ''Ma vie de femme est une catastrophe'' : agressée sexuellement par une religieuse dans un internat, Agnès raconte son calvaire

Chaque soir, pendant un an, alors qu'elle était enfant, Agnès a subi les agressions d'une bonne sœur dans le pensionnat où elle était scolarisée. Pour franceinfo, elle a accepté se replonger dans son passé, 50 ans plus tôt.

Article rédigé par franceinfo - Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Il a fallu des années avant qu’Agnès n’ose se confier à ses proches. (illustration) (SALESSE FLORIAN / MAXPPP)

La Commission indépendante sur les violences exuelles dans l'Église (Ciase) a révélé mercredi 17 juin avoir reçu plus de 5 000 témoignages sur des faits qui se sont déroulés entre les années 1950 et aujourd’hui, un an après avoir lancé son appel à témoigner auprès des victimes, qui représentent la majorité des coups de fil reçus en quelques mois.

Parmi ces victimes, Agnès, 60 ans aujourd’hui. Pour franceinfo, elle a accepté de se replonger dans son passé, 50 ans en arrière. Agnès est alors une petite fille de 9, 10 ans : elle ne se souvient plus exactement de l’année. Mais elle a gravé dans sa mémoire la couleur de la couverture de son lit et les odeurs dans ce dortoir d’un pensionnat de jeune fille, en Normandie.

''Elle me faisait des choses bizarres''

"C'était un grand dortoir, raconte-t-elle. Le soir, quand la lumière s'éteignait, une bonne sœur montait par l'escalier. Elle s'asseyait auprès de mon lit et elle soulevait les draps. Puis, elle me faisait des choses bizarres et me disait : 'Je t'aime comme t'aime ta maman'''

J'étais incapable de répondre, j'étais complètement anesthésiée, raide. J'étais incapable de sortir un mot.

Agnès

à franceinfo

Les sévices vont durer un an. Chaque soir, la bonne sœur agressera Agnès. La honte ronge la petite fille. Ses résultats scolaires s’effondrent. Son corps la fait souffrir : un mal de ventre permanent, des amnésies. Bref, une enfance tourmentée, avant une adolescence chaotique, puis une vie gâchée. "Dans mon enfance, j'ai eu beaucoup de problèmes psychologiques, indique Agnès. Impossible de s'endormir. J'ai fait une anorexie mentale assez grave. De la dépression. J'ai été en hôpital psychiatrique. Ma vie de femme, c'est une catastrophe. On ne peut rien construire, on a toujours peur que l'autre dérape."

La confiance en l’autre est brisée chez Agnès. Il a fallu des années avant qu’elle n’ose se confier à ses proches. Et puis, il y a trois mois, Agnès contacte la Ciase, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église. Pour la première fois, elle a devant elle des professionnels, habitués à recueillir la parole des victimes. Et cela change tout… "À la Ciase, il y avait deux personnes, dont une femme qui était juge, détaille la sexagénaire. J'ai été écoutée. Et elle m'a expliquée que toutes les victimes exprimaient les mêmes choses. Elle a su me conforter dans le fait qu'on était tous atteints de la même vision de notre problème, et des mêmes symptômes. Là, je me suis sentie, et ça paraît bête de le dire, moins seule.''

Jusqu'à présent, personne ne m'avait incitée à témoigner. Au contraire. Le but, c'était de surtout la fermer ! Mais avec la Ciase, tu peux parler ! Et même, on te demande de le faire.

Agnès

à franceinfo

Alors, Agnès appelle les victimes qui n’auraient pas encore parlé à le faire. "C'est comme une grosse valise que vous venez de porter, longtemps, et que vous déposez à une porte. Vous avez moins mal au dos, après. Il faut absolument parler. C'est beaucoup plus facile à vivre, maintenant. La seule chose, c'est que maintenant, j'ai 60 ans. Et je n'ai pas eu une belle vie à cause de ça." Agnès, c’est l’histoire d’une vie brisée, mais c’est aussi l’histoire d’une femme courageuse, qui ne baisse pas les bras et qui continue aujourd’hui de se battre. Agnès a demandé une indemnisation auprès de l’Église. "L’Église doit payer pour le préjudice que j’ai subi", conclut Agnès.

Les victimes peuvent témoigner encore jusqu'au 31 octobre, par téléphone au 01.80.52.33.55 ou par mail : victimes@ciase.fr.

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