Démission du cardinal Barbarin : "C'est au pape de prendre cette décision et pas à Pierre Vignon de prendre les risques qu'il prend"
Le pĂšre Pierre Vignon, prĂȘtre de Valence dans la DrĂŽme, a lancĂ© une pĂ©tition pour demander la dĂ©mission du cardinal Barbarin, poursuivi pour non-dĂ©nonciation d'agressions sexuelles.
"Si l'Ăglise ne rĂ©agit pas face au tsunami qu'elle est en train de vivre, ceux qui porteront la responsabilitĂ© de l'effondrement de l'institution sont ceux qui aujourd'hui ne prennent pas position et n'agissent pas", a dĂ©clarĂ© mercredi 22 aoĂ»t sur franceinfo François Devaux, prĂ©sident de l'association "La parole libĂ©rĂ©e" (association d'aide aux scouts victimes d'actes de pĂ©dophilie). Il rĂ©agit Ă la pĂ©tition lancĂ©e par le pĂšre Pierre Vignon, un prĂȘtre de Valence (DrĂŽme), pour demander la dĂ©mission du cardinal Barbarin, poursuivi pour non-dĂ©nonciation d'agressions sexuelles.
"C'est au pape de prendre cette dĂ©cision et aucunement Ă Pierre Vignon de prendre les risques qu'il prend aujourd'hui", a poursuivi François Devaux avant d'ajouter : "On ne parle pas de malversations financiĂšres mais d'enfants violĂ©s [...] Le pape François est parfaitement au courant de la situation." Et le prĂ©sident de l'association de dĂ©plorer : "Comme Ă chaque fois, l'Ăglise reste dans son autocratie et n'Ă©coute pas ce qu'on lui dit."
franceinfo : Lundi, en plein scandale de pĂ©dophilie en Pennsylvanie (Ătats-Unis) oĂč une enquĂȘte du procureur a mis au jour des abus sexuels perpĂ©trĂ©s par plus de 300 prĂȘtres sur au moins mille enfants, le pape a adressĂ© une lettre inĂ©dite aux catholiques. Est-ce que vous considĂ©rez qu'aprĂšs cette lettre, il serait logique qu'il suggĂšre la dĂ©mission du cardinal Barbarin ?
François Devaux : Oui, c'est attendu de longue date. C'est une institution hiĂ©rarchique par dĂ©finition et Ă chaque fois qu'on pose une question on nous dit que c'est le pape seul qui peut prendre une dĂ©cision. Quand on Ă©crit au pape et au Vatican, on n'a pas de rĂ©ponse. C'est Ă lui aujourd'hui de prendre cette dĂ©cision et aucunement Ă Pierre Vignon de prendre les risques qu'il prend aujourd'hui. Il se fait attaquer depuis cette pĂ©tition, y compris en interne par ses responsables directs. Ce n'est Ă©galement aucunement Ă nous de prendre ces risques pour nos situations personnelles pour une prise de conscience sociĂ©tale sur la gravitĂ© d'un flĂ©au. On parle de viols de mineurs et tout ça au sein d'une institution. Ă chaque fois qu'il y a eu une enquĂȘte nationale qui a Ă©tĂ© faite, on a rĂ©vĂ©lĂ© des faits d'une ampleur massive.
Est-ce que vous avez l'impression qu'avec cette lettre trĂšs solennelle, les choses vont changer ?
C'est toujours des paroles. Ă chaque fois que le pape est pris Ă son propre jeu, il a l'habitude de ne pas agir. Au Chili, c'est bien son attitude qui a impliquĂ© une rĂ©action et il s'est trouvĂ© pris dans un engrenage oĂč il a Ă©tĂ© contraint de recevoir les victimes, puis les Ă©vĂȘques. Ensuite, il y a une succession d'Ă©vĂ©nements sur lesquels il a Ă©tĂ© contraint d'agir face Ă la rĂ©action de l'opinion publique. LĂ , en 2018, on ne parle pas de malversations financiĂšres mais d'enfants violĂ©s. En Pennsylvanie, on parle de gamins de 18 mois qui ont subi des agressions sexuelles et tout ça dans une ampleur massive : tous les pays oĂč l'Ăglise est implantĂ©e sont concernĂ©s par des faits d'agressions sexuelles.
Le pape François est parfaitement au courant de la situation, c'est lui-mĂȘme qui a nommĂ© la commission vaticane de protection des mineurs, c'est dire si cet homme est au courant. Avant d'ĂȘtre pape, cet homme Ă©tait Ă©vĂȘque et avant d'ĂȘtre Ă©vĂȘque il Ă©tait prĂȘtre. Tout le monde est au courant des problĂšmes de pĂ©dophilie au sein de l'Eglise. Aujourd'hui on lui demande d'agir et on n'a rien. Toutes les victimes ont claquĂ© la porte de la commission vaticane de la protection des mineurs. Tous sont partis. Il ont travaillĂ© pendant trois ans, ils ont remis un rapport, le pape n'a mĂȘme pas commentĂ© le rapport et les propositions, notamment la levĂ©e du secret pontifical etc. Donc il n'y a aucun voyant au vert en matiĂšre de protection des mineurs, tout le monde le dit. Si l'Ăglise ne rĂ©agit pas face au tsunami qu'elle est en train de vivre, ceux qui porteront la responsabilitĂ© de l'effondrement de l'institution sont ceux qui aujourd'hui ne prennent pas position et n'agissent pas.
Pour en revenir Ă la situation en France, l'Ăglise catholique dit que dĂ©sormais les victimes sont mieux entendues et qu'une cellule d'Ă©coute a Ă©tĂ© mise en place, ça ne vous satisfait pas ?
On a fait un testing. On a remis un rapport, et Dieu sait si on a eu du mal Ă le remettre et Ă se faire entendre. On a Ă©tĂ© reçus, c'Ă©tait en janvier et depuis rien ne s'est passĂ© sur les propositions qui ont Ă©tĂ© faites. Pourtant, ils ont acquiescĂ© Ă toutes ces propositions : sur l'indemnisation des victimes, sur la nĂ©cessitĂ© de les informer au niveau du droit canon etc. Ce testing qu'on a fait, je ne dis pas qu'il est parfait mais en tout cas il met en Ă©vidence des vĂ©ritĂ©s qui refusent d'ĂȘtre vues et entendues. Comme Ă chaque fois, l'Ăglise reste dans son autocratie et n'Ă©coute pas ce qu'on lui dit.
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