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Abus sexuels dans l'Eglise : la sortie du film "Grâce à Dieu" sera-t-elle reportée ?

La défense du père Preynat, poursuivi pour actes de pédophilie, assigne vendredi en référé le film de François Ozon, qui retrace l'histoire de victimes dans l'affaire Barbarin, pour obtenir un report de sa sortie, le procès du curé n'ayant pas encore eu lieu.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'affiche du film "Grâce à Dieu", de François Ozon. (MANDARIN PRODUCTION)

Le film Grâce à Dieu, du réalisateur François Ozon, sur le scandale de pédophilie dans l'Eglise en France, doit sortir en salles mercredi prochain. Mais le voilà menacé en justice. Le père Preynat assigne vendredi 15 février en référé ce film pour obtenir son report au nom de la présomption d'innoncence. L'audience aura lieu à 11 heures au tribunal de Paris.

Le film évoque l'affaire de ce prêtre lyonnais, accusé d'actes de pédophilie dans les années 80 et 90. Affaire sur laquelle plusieurs hauts responsables de l'Eglise, notamment le cardinal Barbarin, sont soupçonnés d'avoir fermé les yeux. Le titre du film est d'ailleurs une citation de Mgr Barbarin. Au sujet de cette affaire de pédophilie, le cardinal, archevêque de Lyon, avait en effet prononcé cette phrase jugée inconvenante en conférence de presse à Lourdes : "Grâce à Dieu, la majorité des faits sont prescrits." C'était le 15 mars 2016.

Cette fiction intimiste relate la complexité de ce dossier. Très documentée, elle plonge le spectateur dans la sphère familiale de trois victimes du père Preynat, qui 25 ans après les abus sexuels vécus quand ils étaient jeunes scouts dans la paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon, sortent de leur silence, dénoncent le curé, le mutisme de l'Eglise et créent l'association La Parole libérée.

Présomption d'innocence et liberté d'expression au coeur des plaidoiries

La bande annonce du film est visible sur internet. Des avant-premières de Grâce à Dieu ont même eu lieu à Lyon et ailleurs. Mais le prêtre accusé de pédophilie souhaite le report de la sortie officielle du film, programmée le 20 février. Ses avocats vont valoir la présomption d'innocence de leur client. Un mis en examen, même quand il est passé aux aveux comme le père Preynat, est présumé innocent tant que la justice n'a pas statué sur son sort. Or, le procès aux assises du prêtre n'est pas prévu avant fin 2019 ou début 2020.

Au cours de l'audience vendredi matin, Mandarin Productions, Mars Films et France 3, producteurs et distributeurs du film opposeront à ces arguments d'autres arguments de poids : la liberté de création, la liberté d'expression et l'intérêt public de relater des faits déjà exposés par ailleurs, notamment le mois dernier à Lyon, où  Mgr Barbarin et d'autres responsables de l'archevêché comparaissaient devant le tribunal correctionnel dans ce dossier pour non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineur. La décision a été mise en délibéré au 7 mars.

Les avocats des producteurs et distributeurs insistent sur le fait que le prêtre lui-même a reconnu les dizaines d'abus sexuels dont il est accusé, et qu'à la fin du long métrage il est bien précisé sur l'écran - séquence immanquable par le spectateur - que le curé reste présumé innocent tant qu'il n'a pas été jugé. Pour François Ozon, le report de la sortie du film serait "un désastre pour l'image de l'Eglise", le silence ayant "déjà assez duré". Au contraire selon lui, "ce film est une chance pour l'Eglise".

Le dernier film relatant une affaire judiciaire à avoir ainsi vu sa sortie reportée, c'était Noces rouges, de Claude Chabrol, en 1973. Un report de 15 jours sur décision administrative et non judiciaire, car sa sortie devait là tomber au beau milieu du procès aux assises.  

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