Abus sexuels dans l'Eglise : "Il s'agit de reconnaître et de faire mémoire de la souffrance des victimes", explique Jean-Marc Sauvé
Les témoignages de victimes d'abus sexuels dans l'Église vont être recueillis pendant un an par la CIASE. Son président, Jean-Marc Sauvé, détaille les objectifs de ce recensement.
Un appel pour recueillir les témoignages de victimes d'abus sexuels a été lancé lundi 3 juin par la commission indépendante d'enquête sur les abus sexuels dans l'Eglise (CIASE) en partenariat avec la fédération France Victimes. Toutes les personnes qui auraient été abusées par des prêtres ou des religieux depuis 1950 sont appelées à sortir du silence.
Les victimes pourront, pendant un an, téléphoner au 01 80 52 33 55 ou envoyer un mail à victimes@ciase.fr pour témoigner. "L'objectif, c'est d'écouter des souffrances et à cette occasion de recueillir des informations sur ce qui s'est passé", a détaillé sur franceinfo Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État et président de la CIASE.
franceinfo : Quel est le but de cette démarche ?
Jean-Marc Sauvé : Il s'agit de reconnaître et de faire mémoire de la souffrance des victimes. Leurs paroles doivent être exprimées en priorité, c'est ça le pilier, le fondement de notre travail. C'est d'autant plus important que les abus sexuels ont été recouverts par le silence et que le silence n'a pas aidé à vaincre la souffrance. Il faut donc briser le silence et c'est pour cela que nous lançons cet appel à témoignages. Le deuxième objectif c'est de mesurer l'ampleur des abus et des traumatismes. Il y a à la fois une démarche d'écoute, d'accueil, d'accompagnement des victimes et en même temps une enquête sociale qui est destinée à faire la lumière sur le volume, l'ampleur des abus sexuels qui ont pu exister dans l'église catholique depuis 70 ans.
Que souhaitez-vous recueillir ?
L'objectif c'est d'entendre des personnes, d'écouter des souffrances et à cette occasion de recueillir des informations sur ce qui s'est passé. Ce que sont les traces laissées par ces agressions. Notre objectif après un temps d'écoutes téléphoniques, d'échanges par mail et par courrier, c'est d'adresser à tous les appelants un questionnaire d'une quarantaine de questions qui permettra de caractériser de manière très précise ce qui s'est passé, dans quel contexte les abus se sont produits, comment ils ont été entendus ou pas, ce qu'a fait l'église catholique, comment ont réagi les familles.
Qui répond aux personnes qui vont téléphoner ?
Nous avons noué un partenariat avec la fédération France Victimes qui est la plateforme nationale d'écoutes téléphonique des victimes. Ce sont donc des professionnels aguerris qui sont chargés de ce travail. L'équipe de France Victimes a été renforcée à partir du début du mois de mai pour justement recevoir tous ces appels. Nous avons l'assurance de travailler avec des professionnels qui ont une formation psychologique, juridique, en travail social et qui pourront de manière très sûre recevoir, écouter, laisser la parole se libérer.
Qu'allez-vous faire de ces témoignages ?
Si des faits graves sont portés à la connaissance des écoutants, si aucune procédure judiciaire n'a été engagée, si l'auteur des abus, le prédateur, n'est pas manifestement décédé, il faudra envisager des signalements à la justice. C'est évidemment nécessaire, il ne faut pas que les écoutants soient eux-mêmes en délicatesse avec le code pénal. Il y a des obligations de dénonciation des crimes, des mauvais traitements surtout lorsque ces abus peuvent se poursuivre et être réitérés.
Votre commission est indépendante. Quelle garantie avez-vous de cette indépendance par rapport à l'église catholique française ?
L'indépendance est multiforme. J'ai entrepris de constituer, totalement librement, sans interférence extérieure, la commission. J'ai recruté des personnes qui sont totalement légitimes et reconnues dans leur domaine d'activité. Il n'y a pas de victimes dans cette commission, parce que notre commission est faite pour écouter les victimes et reconnaître leurs souffrances. Il m'est apparu difficile que les victimes soient présentes des deux côtés de la table. Je pense aussi que s'il y avait eu des associations de victimes dans l'association on aurait forcément bridé leur liberté de parole, d'action.
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