Racisme, antisémitisme : "On peut imaginer un monde débarrassé de ces préjugés", estime la secrétaire générale de la CNCDH
Selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), la tolérance envers les minorité s'améliore en France, même si certains groupes restent "stigmatisés".
"Ce niveau de tolérance est totalement inédit et est à rebours de toutes les idées reçues" a estimé lundi 18 juillet sur franceinfo Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH). Même si certains groupes restent "stigmatisés", les Français se disent de plus en plus tolérants envers les religions ou les minorités : c'est une des conclusions du rapport de la Commission. La secrétaire générale de la commission met en avant notamment "les campagnes de formation, de sensibilisation" pour lutter contre les préjugés qui ont tendance à "se propager en bas" par la "parole banalisée en haut".
franceinfo : Qu'est-ce qui vous semble marquant dans le rapport ?
Magali Lafourcade : La première chose qui m'a marquée et qui me semble être extrêmement prometteuse, c'est ce niveau de tolérance qui est totalement inédit et qui est à rebours de toutes les idées reçues et des thèmes qui se sont invités dans le débat public pendant ces campagnes politiques que nous venons de traverser. On voit bien que les Français sont de plus en plus ouverts.
"Les Français ne sont pas aussi inquiets que ce que l'on peut percevoir en regardant certains médias qui utilisent un effet de loupe."
Magali Lafourcadeà franceinfo
Ils sont très ouverts et la tolérance est en nette progression depuis 2013, de manière très claire. On peut d'autant plus l'affirmer que nous avons une profondeur de champ, puisque nous évaluons la tolérance à base d'outils extrêmement robustes et nous le faisons sur plus de trente ans. Donc nous pouvons dire quels sont les facteurs qui font monter cette tolérance et ceux qui, au contraire, font augmenter le racisme.
Quels sont ces facteurs ?
Les facteurs qui font augmenter les préjugés, ce sont tous ceux qui sont liés à un cadrage politique ou médiatique qui serait favorable à la diffusion des préjugés. Il y a une énorme responsabilité des responsables politiques et des médias quand on présente des situations. On l'a vu notamment en 2005 avec les émeutes des banlieues cadrées comme un sujet ethno raciale identitaire, alors que ce n'était pas du tout ça. Maintenant que l'on a du recul, on sait que ce qui se jouait à ce moment-là, c'était la mort de deux individus qui se sont retrouvés à devoir échapper à un contrôle policier. On voit bien que la façon dont on relate les évènements sous l'angle de la délinquance, sous l'angle identitaire, sous l'angle de violences policières ou de crainte de violences policières, est tout à fait importante pour pouvoir avoir un effet dans la société qui se diffuse. Les préjugés se diffusent.
La parole banalisée en haut permet aussi aux préjugés de se propager en bas. Alors qu'à l'inverse, plus vous avez un renouvellement des générations avec une construction de l'imaginaire au moment de l'enfance et l'adolescence qui permet de penser contre soi, de déconstruire les préjugés, d'analyser les situations avec un esprit critique, et plus vous avez des gens ouverts. Donc on peut percevoir que cet effet générationnel, l'élévation du niveau de diplôme en France, les campagnes de formation, de sensibilisation et aussi cette idée que plus on est tolérant vis-à-vis d'autres types de minorités que les minorités ethniques, permet une ouverture d'esprit.
Est-ce que cette tolérance, cette acceptation, cela s'apprend ?
Tout à fait. Il y a en chacun de soi la peur de l'autre. Et l'ethnocentrisme, qui est le nom savant du racisme, est quelque chose de très ancré dans toutes les populations, à toutes les périodes historiques. Par contre, cette focalisation sur des aspects ethniques est assez récente dans l'histoire du monde. Donc, on peut imaginer aussi une société distincte par rapport à l'époque où l'on désignait des barbares comme des boucs émissaires. Les barbares, c'étaient ceux qui ne parlaient pas grec. On était dans une autre dimension que la couleur de la peau ou la religion. On peut imaginer un monde où l'on pourrait être débarrassé de ses préjugés. Il faut avoir cette ambition-là. On voit que la norme s'intègre progressivement et qu'aujourd'hui, il n'y a que 5,6% des Français qui pensent qu'il y a des races supérieures à d'autres, alors que il y a 70 ou 80 ans, on était à 50% des Français.
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