Prostitution : haro sur les faux salons de massage
Dans le 9ème arrondissement de Paris, les salons de massage fleurissent un peu partout, avec des promesses plutôt honnêtes de prime abord : massages thaï, traditionnel, chinois, relaxation… mais sur une vitrine, au milieu des bougies et des bouddhas, un curieux message : "Ici, pas de sexe".
"Il y a beaucoup de demandes, d'autres choses… une finition ", raconte une employée de ce salon. Une finition, ça veut dire une fellation, de la masturbation, bref de la prostitution. Sur les voitures, dans la rue, des tracts proposent des massages naturistes. On peut les voir aussi discrètement affichés sur certaines enseignes. Le massage naturiste, ça s'appelle aussi le "body-body", et cela signifie que le client et la masseuse sont nus, et plus si affinités. Les salons qui pratiquent ce genre de prestations sont très fermés. Les enseignes lumineuses contrastent avec les vitrines, obstruées par des rideaux noirs. Pour entrer, il faut sonner. Après plusieurs tentatives, une porte finit par s'ouvrir. La masseuse explique que, chez elle, il n'y a pas de prostitution. Ailleurs oui, mais pas ici. Elle finit par dire que les clients ne viennent plus pour une raison simple : les autres commerçants de la rue se sont mobilisés pour les dissuader.
Ras-le bol des commerçants
Effectivement, il suffit d'aller frapper à la porte d'à côté. Dominique a une boutique de passementerie, une simple cloison la sépare du salon. Elle arbore un grand calicot "No massage". "Comme la porte d'entrée est juste à côté de ma porte d'entrée, je peux voir que la clientèle est à 100% masculine. Ce ne sont pas des clients qui s'assument beaucoup. Si toutefois je suis sur le pas de la porte, ils s'enfuient. Donc on s'est dit que les calicots allaient d'abord afficher l'hostilité et faire fuir les clients. Donc plus de clients, plus d'argent, plus de salon. C'est peut être réducteur, mais ça me semble très pratique ".
Sur 150 mètres de la rue, il y a 6 salons de massage
En face, Dimitri, le barbier, fume une cigarette dans la rue devant sa boutique. Lui en assez de la multiplication de ces salons : "En l'espace de deux mois, il y en a deux autres qui ont ouvert. Sur 150 mètres de la rue, il y a six salons de massage. C'est dommage parce que dès qu'un fonds de commerce ferme, c'est un salon de massage qui ouvre. On voudrait éviter que trop de salons s'ouvrent, pour diversifier les clients ".
Les kinésithérapeutes aussi se mobilisent
Ras-le-bol des riverains, des commerçants, mais aussi des instituts de beauté et des kinésithérapeutes, qui sont légalement les seuls à pouvoir utiliser le terme de massage. Frédéric Srour est le président parisien de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes : "Bien évidemment, ça porte préjudice à l'ensemble des masseurs kinésithérapeutes. Sur l'activité, mais encore plus sur l'image. Notre titre c'est 'masseur-kinésithérapeute'. Donc si on associe le terme de masseur à ce qui se passe dans ce type de boutiques, ça porte énormément à notre profession ".
Une charte de qualité
Du coup, Frédéric Srour a commencé à travailler sur une charte de qualité, une sorte de label pour les salons de massage, à l'invitation de la maire du 9e arrondissement de Paris, Delphine Bürkli. Rien que sur les 600 établissements que compte la capitale, la moitié fait l'objet de signalements à la police, avec des jeunes filles souvent contraintes de s'adonner à la prostitution. Seulement une vingtaine a été fermée.
"Ce que je souhaite vraiment, c'est qu'on puisse marquer un stop sur la prolifération de ces établissements. Aujourd'hui, il n'y a pas plus facile que d'ouvrir un salon de relaxation de massage asiatique. Il ne s'agit pas de montrer du doigt tel ou tel. Beaucoup de salons de relaxation tenus par des Thaï, des Chinois, ont des activités totalement licites, et eux aussi souffrent de ceux qui ont des activités illicites. Donc je souhaite que l'ouverture de ce type d'activités soit assujettie à une charte de qualité avec un certain nombre de valeurs et d'engagements. Les propriétaires qui accepteraient de louer leur bien à ce type d'activité, sans la charte de qualité, seraient l'objet de poursuites pour proxénétisme. Il faut que chacun prenne ces responsabilités ".
Pour l'instant, ce n'est qu'un premier pas symbolique, Delphine Bürkli en est consciente. Mais elle espère bien que cette démarche donnera des idées à d'autres villes en France.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.