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"Il n'y a que le silence en face" : trois mois après la mort du père de ses enfants en prison à Perpignan, elle attend toujours des explications

Le parquet de la ville explique que l'enquête sur les causes de la mort est toujours en cours et que le corps ne peut donc être restitué à l'ex-compagne du détenu.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié
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La façade de l'entrée du centre pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 27 septembre 2018. (RAYMOND ROIG / AFP)

Un détenu de la maison d'arrêt de Perpignan (Pyrénées-Orientales) est mort, le 11 juillet dernier, à l'âge de 57 ans. Trois mois jour pour jour après son décès, jeudi 11 octobre, sa compagne, Madeline, n'a toujours pas pu récupérer son corps, ni même connaître les raisons du décès du père de ses deux enfants. Depuis le Luxembourg, où elle vit avec ses deux enfants de 16 et 6 ans, elle tente en vain d'avoir des réponses. "Ce qui me dérange beaucoup, c'est que personne ne me donne d'informations, dénonce-t-elle auprès de franceinfo. Je me trouve comme face à un bloc, un monolithe. Il n'y a qu'un silence. Je ne sais pas quoi faire."

On commence à s'imaginer le pire, que si on ne nous dit rien, c'est parce que quelque chose de vraiment grave s'est passé, qu'on nous cache des choses. Etant donné que c'est le contexte de la prison, j'imagine le pire.

Madeline

à franceinfo

A chaque fois qu'un détenu meurt en prison, une enquête judiciaire est ouverte afin de déterminer les raisons de sa mort. Le cas de l'ex-conjoint de Madeline ne fait pas exception. Mais en trois mois, et malgré des relances par e-mail ou par courrier postal à la direction de la prison ou au procureur de la République de Perpignan, Madeline affirme n'avoir jamais pu avoir la moindre information sur l'avancée de l'enquête.

La thèse d'une "mort naturelle" privilégiée par la prison

Sans explication officielle, Madeline veut croire à "une mort subite". "La directrice de la prison m'a parlé de symptômes d'une embolie pulmonaire. Il est mort subitement. Il avait eu mal. Il avait été hospitalisé aux urgences quelques jours avant sa mort, mais on n'avait rien trouvé, donc on l'avait ramené à la maison d'arrêt. Le jour de sa mort, il avait eu de nouveau mal et on l'avait amené à l'infirmerie, où il s'est effondré et on n'a pas pu le ranimer."

Au sein de l'administration de la prison de Perpignan, contactée par franceinfo, on privilégie également la thèse d'"une mort naturelle" provoquée par "un souci de santé". Le travailleur social qui suivait le détenu rapporte que le prisonnier avait été emmené aux urgences de Perpignan quelques jours avant sa mort pour des douleurs, mais que, l'examen n'ayant rien détecté, il avait été reconduit en prison, où il avait repris ses activités normalement, jusqu'à sa mort brutale. 

Un mirador du centre pénitentiaire de Perpignan, le 27 septembre 2018. (RAYMOND ROIG / AFP)

Ce scénario ne répond toutefois pas à toutes les interrogations de Madeline. "C'était quelqu'un qui était en très bonne santé, c'était un sportif, il travaillait dans le sport et il faisait beaucoup de sport, même en prison", assure-t-elle. "Il n'était vraiment pas suicidaire, ça j'en suis sûre. Ce n'était pas dans sa composition psychologique du tout. Dans ses lettres, il était plutôt positif, il écrivait par exemple à sa fille qu'il allait sortir un jour et qu'ils allaient faire du sport ensemble. (...) Il avait des projets. Il suivait une formation de reconversion professionnelle, des cours de langue aussi, en prison. "

"Cette situation n'est pas isolée"

Comment expliquer que Madeline n'ait toujours pas pu récupérer le corps de son conjoint ? Interrogé par franceinfo, le parquet de Perpignan explique que la dépouille se trouve toujours à l'Institut médico-légal de Montpellier, où il a été transféré pour autopsie, et que le procureur ne peut délivrer d'autorisation d'inhumer, car il faut attendre les résultats de l'enquête sur les causes de la mort, toujours en cours. Le travailleur social trouve cependant "surprenant" et "bizarre" que trois mois après les faits, le corps soit encore à la morgue et l'enquête, toujours pas bouclée. "A la maison d'arrêt, il y a 800 détenus. On a pas mal de morts naturelles, mais en général les obsèques ont lieu rapidement." Un délai sur lequel le parquet n'a pas souhaité s'exprimer.

"Cette situation n'est pas isolée", dénonce l'OIP dans un communiqué publié mardi. "Les personnes dont un proche meurt en détention sont régulièrement confrontées à l'opacité de l'administration sur les causes du décès et à un déficit d'information sur les démarches à entreprendre, autant d'obstacles au processus de deuil."

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