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Contrat d'emploi pénitentiaire : "Il faut modifier l'image de la prison" pour inciter les entreprises, selon l'Observatoire international des prisons

Le ministre de la Justice appelle les chefs d’entreprises à davantage participer à la réinsertion des détenus en leur proposant des emplois.

Article rédigé par franceinfo
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Des détenus travaillent dans un atelier lors d'une visite des ministres de la Justice et du Travail à la prison de Muret (Haute-Garonne), le 2 décembre 2021. (LIONEL BONAVENTURE / POOL / AFP)

"Il faut modifier l'image de la prison" pour inciter les entreprises à embaucher des prisonniers pendant la durée de leur détention, estime l'avocat Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), jeudi 31 août sur franceinfo.

Le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, a reçu les représentants d'une vingtaine d'entreprises, comme Hermès, L'Oréal, Décathlon ou encore Auchan jeudi matin pour les convaincre de recourir au travail en prison. Il veut promouvoir le contrat d'emploi pénitentiaire, un dispositif entré en vigueur en mai dernier pour faciliter la réinsertion.

franceinfo : Pourquoi ce contrat d'emploi pénitentiaire peine-t-il à exister ?

Matthieu Quinquis : C'est très compliqué pour les personnes détenues d'accéder à un emploi en prison. C'est notamment lié à l'insuffisance d'offres de travail. Au début des années 2000, la moitié des personnes détenues avaient accès à une activité professionnelle en prison. Aujourd'hui, on est autour de 30%. On a constaté une baisse préoccupante qui entraîne nécessairement des conséquences ensuite sur les possibilités favorables de réinsertion.

Comment cette baisse de l'emploi en prison s'explique-t-elle ?

Elle est liée à des conditions de travail qui ne satisfont pas toujours les entreprises lorsqu'elles embauchent des détenus. Pourtant, elles restent largement dérogatoires par rapport au droit commun auquel tous les salariés en France sont soumis et dont ils bénéficient. Les travailleurs détenus sont exclus du droit du travail tel qu'on le connaît. Ils ont une rémunération qui est largement inférieure au SMIC. Ils ont des modalités de contrat et de licenciement qui sont aussi facilitées. Les difficultés qu'on connaît aujourd'hui, je crois qu'elles ne viennent pas d'un manque de volonté des personnes détenues de travailler.

Qu'est-ce qui freine encore les entreprises alors ?

Je ne sais pas trop. En réalité, c'est vrai que le ministère de la Justice, en refusant un certain nombre de droits aux personnes détenues, crée les conditions pour que les entreprises suivent et s'implantent en prison. Je ne comprends pas aujourd'hui pourquoi ça ne peut pas fonctionner. Il y a sans doute le poids de l'image de la prison, qui reste difficilement valorisable pour les entreprises. Pourtant, beaucoup d'entreprises en France, des grandes marques, y compris dans des groupes de luxe, font travailler des personnes détenues. Mais elles ne l'affichent pas, ne le revendiquent pas. C'est aussi l'image de la prison, l'image des personnes détenues qu'il faut travailler et qu'il faut modifier.

Le contrat d'emploi pénitentiaire améliore-t-il les conditions de travail ?

C'est une avancée parce qu'il vient effectivement cadrer et fixer des procédures de recrutement et de licenciement, ce qu'on appelle le "déclassement" en détention qui n'existait pas auparavant. Il reste malheureusement fragile sur beaucoup d'aspects. J'ai évoqué la question de la rémunération. On peut également évoquer l'absence de prise en compte des maladies professionnelles, l'absence de congés payés, l'absence d'indemnisation face à un chômage technique. Il y a encore un certain nombre de droits, dont les détenus ne bénéficient pas sans qu'on ne comprenne et qu'on ne parvienne réellement à saisir la justification du ministère de la Justice. Le travail y reste, en réalité, pensé comme un instrument infra-disciplinaire.

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