Ce que l'on sait de l'attaque d'un fourgon pénitentiaire dans l'Eure qui a fait au moins deux morts

Deux agents pénitentiaires ont été tués et trois autres blessés mardi matin. Le détenu transporté, condamné à de multiples reprises, pour des vols aggravés et une extorsion, a réussi à s'évader. Il est activement recherché, tout comme ses complices.
Article rédigé par franceinfo
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Le péage d'Incarville (Eure), où deux agents pénitentiaires sont morts lors de l'attaque de leur fourgon, dans lequel ils transportaient un détenu, le 14 mai 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

Une évasion qui vire au drame. Au moins deux agents pénitentiaires sont morts, mardi 14 mai, dans l'attaque de leur fourgon dans l'Eure, au péage d'Incarville. Trois autres agents ont été gravement blessés.

Le véhicule transportait un détenu, condamné quatre jours plus tôt pour un vol avec effraction, et qui était de retour d'extraction du tribunal judiciaire de Rouen (Seine-Maritime), vers la maison d’arrêt d'Evreux, après avoir été interrogé par un juge d'instruction. Il a réussi à prendre la fuite avec des complices. Franceinfo résume ce que l'on sait des circonstances de cette attaque.

Une attaque à la voiture bélier

Mardi, vers 11 heures, un commando attaque le fourgon pénitentiaire au niveau du péage d'Incarville. Sur des images amateur, filmées depuis un autocar, on voit à travers le pare-brise deux hommes vêtus de noir, capuches sur la tête et masqués, qui braquent le personnel du fourgon avec des armes, sous les yeux des passagers.

"Le fourgon pénitentiaire a été percuté de face par un véhicule Peugeot volé. Ce véhicule avait franchi ce même péage quelques minutes auparavant et était resté en attente sur le bas-côté", précise le parquet de Paris dans un nouveau communiqué publié mardi soir. Au même moment, plusieurs personnes descendent d'une autre voiture, en portant "des armes longues". "Les malfaiteurs ont fait usage de celles-ci, à plusieurs reprises, en direction des deux véhicules de l’administration pénitentiaire", poursuit le parquet.

Fourgon attaqué dans l’Eure : le détenu évadé est toujours en fuite

Sandrine et Audrey, salariées d'une agence d'intérim située juste à côté de la barrière de péage, ont entendu "une vingtaine, une trentaine d'échanges de tirs". "On a entendu des pétards, et très vite, on s'est rendu compte que c'était une fusillade, que c'étaient de vrais coups de feu", témoigne Audrey auprès de France Bleu Normandie. "Une dizaine de minutes après", elles ont entendu "les gyrophares, les sirènes", précise-t-elle.

La juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée du parquet de Paris s'est saisie de l'enquête et ses magistrats se rendent sur place. Les investigations sont confiées à l'office central de lutte contre la criminalité organisée et à la police judiciaire de Rouen. Elles portent sur les infractions de meurtre et tentative de meurtre en bande organisée, d'évasion en bande organisée, d'acquisition et de détention d'armes de guerre, et d'association de malfaiteurs en vue de la commission d'un crime.

Deux agents pénitentiaires tués, trois blessés

Deux agents pénitentiaires sont morts "lors de cette attaque à l'arme longue", a confirmé le parquet de Paris en début d'après-midi. L'un des deux agents morts "laisse une femme et deux enfants qui devaient fêter leur 21e anniversaire dans deux jours, l'autre laisse une femme enceinte de cinq mois, des parents et bien sûr des amis", a précisé le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, vers 14 heures, lors d'un rapide point presse depuis une cellule de crise du ministère.

VIDEO. Le ministre Eric Dupond-Moretti prend la parole après l'attaque d'un fourgon pénitentiaire

Trois autres agents sont grièvement blessés et le pronostic vital de l'un d'eux est engagé. "Tout sera mis en œuvre pour retrouver les auteurs de ce crime ignoble, a insisté Eric Dupond-Moretti. Ils seront interpellés, jugés et ils seront châtiés à la hauteur du crime qu'ils ont commis."

Le détenu en fuite lié au grand banditisme

D'après les premiers éléments de l'enquête, le détenu qui s'est évadé est très défavorablement connu des services de police et de justice. "Le fourgon pénitentiaire transportait Mohamed Amra, né en mars 1994, qui s'est ainsi évadé", a confirmé le parquet de Paris, qui précise que l'homme avait été condamné, vendredi, par le tribunal d'Evreux pour un vol avec effraction. Il était détenu à la maison d'arrêt d'Evreux en exécution d'au moins trois peines, notamment pour extorsion et plusieurs vols, par effraction et en bande organisée.

Par ailleurs, il est mis en examen dans le cadre de deux dossiers. D'abord pour une tentative d'extorsion avec arme et tentative d'assassinat, depuis le 26 janvier 2022. Et, depuis le 26 septembre 2023, dans un dossier d'instruction du tribunal judiciaire de Marseille, principalement pour meurtre en bande organisée, enlèvement et séquestration d'otage. D'après France 3 Normandie, cet homme de 30 ans est associé au grand banditisme.

De sources concordantes, le détenu avait tenté, peu avant les faits, de scier les barreaux de sa cellule, pour tenter de s'évader. L'attaque a eu lieu sur le trajet qui le ramenait à la maison d’arrêt d’Evreux, après un interrogatoire par le juge d’instruction de Rouen. Contrairement à ce qui a été indiqué dans un premier temps, il n'était pas enregistré comme détenu particulièrement signalé (DPS), mais nécessitait une escorte de niveau 3, soit un convoi composé de cinq agents pénitentiaires dont un officier, précise l'administration pénitentiaire.

Le plan Epervier déclenché, puis levé

Le plan Epervier, utilisé par la gendarmerie pour mobiliser ses unités pour une durée et une zone déterminées, a été mis en place directement après l'attaque, avant d'être levé en fin d'après-midi. Une vingtaine de membres du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) se sont rendus sur place. De plus, 200 gendarmes ont sécurisé la zone, en provenance de l'Eure, mais également de quatre départements voisins (Seine-Maritime, Calvados, Val-d'Oise et Yvelines). Un hélicoptère de la gendarmerie a survolé le secteur pour retrouver les fugitifs.

Puis, en fin d'après-midi, la gendarmerie a confirmé à France Télévisions la levée du plan Epervier. Ce qui signifie que la phase d'enquête se poursuit de façon plus classique : "Seules les investigations guideront éventuellement vers des opérations policières." Si la vigilance des forces de l'ordre dans le secteur est renforcée, les renforts de gendarmerie déployés mardi matin ont cessé. Mardi soir, la procureure de la République de Paris a annoncé que deux véhicules utilisés dans l'attaque ont été retrouvés brûlés dans la zone. "Les auteurs ont également manifestement tenté de mettre le feu au véhicule abandonné à la barrière de péage", a ajouté Laure Beccuau.

"Nous serons intraitables", réagit Emmanuel Macron

Les réactions politiques ont rapidement afflué, y compris au plus haut sommet de l'Etat. "L'attaque de ce matin, qui a coûté la vie à des agents de l'administration pénitentiaire, est un choc pour nous tous", a écrit sur le réseau social X le chef de l'Etat. "Tout est mis en œuvre pour retrouver les auteurs de ce crime afin que justice soit rendue au nom du peuple français, a promis Emmanuel Macron. Nous serons intraitables."

"Nous n'économiserons aucun effort, aucun moyen. Nous les traquerons. Nous les trouverons. Et je vous le dis, ils paieront", a lancé, de son côté, le Premier ministre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, qui a observé une minute de silence avant la séance de questions au gouvernement. Le "pays (…) ne reculera jamais devant les violences et les attaques" et "se tient uni, solidaire derrière toutes celles et ceux qui se battent pour faire respecter le droit", a affirmé Gabriel Attal. Les députés de tous bords ont largement commenté cette attaque, de La France insoumise au Rassemblement national.

Eric Dupond-Moretti, premier membre du gouvernement à réagir, a d'abord adressé ses "pensées" aux victimes, sur X, avant de s'exprimer devant la presse. Le ministre a ensuite annoncé se rendre au pôle de rattachement des extractions judiciaires du centre pénitentiaire de Caen (Calvados), "pour rencontrer les collègues de ceux qui ont été tués". Le garde des Sceaux a appelé les agents du ministère de la Justice à respecter une minute de silence, mercredi à 11 heures. Il recevra ensuite l'intersyndicale de l'administration pénitentiaire, à 14 heures.

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