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PMA, adoption, filiation… Deux ans après le mariage pour tous, "la loi reste insuffisante"

Il y a deux ans, la loi sur le mariage pour tous était votée au Parlement. L'effervescence retombée, les associations de soutien aux couples homosexuels pointent du doigt une situation plus compliquée que prévu. 

Article rédigé par franceinfo - Etienne Combier
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Avoir un enfant pour un couple homosexuel reste compliqué en France.  (SIGRID OLSSON / ALTOPRESS / AFP)

Après la joie, les complications. Deux ans après l'ouverture du mariage aux couples homosexuels, les associations tirent un bilan mitigé de son application concrète. Entre l'adoption de la loi, le 23 avril 2013, et le 31 décembre 2014, pas moins de 17 500 mariages ont été célébrés, selon l'Insee. Si les associations se réjouissent de cette "avancée majeure", elles ressentent aussi un sentiment d'inachevé. En cause : la procréation médicalement assistée, l'adoption, et la filiation hors mariage.

La PMA reste réservée aux couples hétérosexuels

La procréation médicalement assistée (PMA) reste aujourd'hui réservée aux couples hétérosexuels qui rencontrent des problèmes pour concevoir un enfant. "C'est comme si on nous faisait comprendre qu'il y avait des 'bons couples mariés' qui peuvent y accéder, et des 'mauvais' qui en étaient privés", regrette Alexandre Urwicz, président de l'Association des familles homoparentales (ADFH), interrogé par francetv info.

Cette inégalité reste en travers de la gorge des associations, qui se souviennent notamment des promesses de François Hollande et de certains ministres, à l'époque des débats sur le mariage pour tous. "La PMA pour tous a été annoncée à plusieurs reprises par Najat Vallaud-Belkacem et par d'autres ministres pour le printemps 2013. Elle était présente dans le programme de François Hollande. Nous l'attendons encore", soupire Delphine Aslan, porte-parole de l'association FièrEs, jointe par francetv info.

"Si le gouvernement avait ouvert la PMA dès le début, on n'en serait pas arrivé là, avec des procédures juridiques qui causent beaucoup de tracas aux familles", abonde Doan Luu, porte-parole de l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), contacté par francetv info.

L'adoption rime avec parcours du combattant juridique

En septembre dernier, la Cour de cassation a bel et bien reconnu que des enfants nés à l'étranger d'une PMA pouvaient être adoptés. Cette décision permet ainsi aux couples de lesbiennes de contourner l'interdiction française, en réalisant une PMA à l'étranger. Mais ce processus reste évidemment long et coûteux.

Les associations LGBT sont d'ailleurs unanimes lorsqu'il s'agit de pointer du doigt la complexité des procédures à suivre pour faire reconnaître des enfants à l'intérieur d'un couple homosexuel. "Quand deux mères décident d'avoir un enfant, notamment par PMA à l'étranger, l'adoption n'est possible uniquement qu'en cas de mariage", témoigne Yohann Roszewitch, président de SOS Homophobie. Une obligation également valable pour les couples hétérosexuels. "Cela peut ensuite prendre un temps assez variable pour faire reconnaître l'enfant devant la justice." Et pour cause : le délai peut prendre entre six mois et deux ans, selon les tribunaux. "La vitesse de la justice est très aléatoire", déplore Alexandre Urwicz.

Ces procédures sont particulièrement délicates pour faire reconnaître un enfant né à l'étranger. Si la Cour de cassation a reconnu des enfants issus d'une PMA, le cas de la gestation pour autrui (GPA) pose encore de nombreux problèmes. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France en juin 2014 pour n'avoir pas su reconnaître des enfants nés par GPA à l'étranger. Peu après, Manuel Valls avait déclaré qu'il ne respecterait pas les injonctions de la cour, mais le Conseil d'Etat avait validé le processus. "Les familles concernées attendent toujours. Ça traîne, on a l'impression que la France ne veut pas appliquer ces décisions", affirme Doan Luu, qui souhaite lancer des Etats généraux sur la GPA pour faire évoluer les choses.

La filiation hors mariage n'est toujours pas reconnue

"Cette loi sur le mariage pour tous est une grande fierté, mais elle reste incomplète", estime, elle aussi, Sylvie Fondacci, présidente de l'association Homosfère, interrogée par francetv info. "La loi reste insuffisante, notamment concernant la filiation", précise Yohann Roszewitch, de l'association SOS Homophobie. "Faire reconnaître une adoption à l'intérieur d'un couple est aussi compliqué que d'adopter un enfant étranger. La police vient chez vous, ouvre votre frigo… C'est une procédure humiliante", décrit Alexandre Urwicz.

De fait, en ouvrant le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels, "la loi Taubira n'a en effet rien prévu pour les parents homos non mariés. En résulte une absence totale de reconnaissance des liens de filiation entre enfants et parents sociaux pour les couples non mariés", rappelle Metronews. "Et donc, une absence de protection juridique dans des situations très concrètes. Par exemple, si le parent reconnu vient à décéder, l'autre n'a pas la possibilité légale de continuer à élever l'enfant."

Les associations veulent donc remettre le débat sur la table avec le gouvernement. "Il faut faire une réforme de la filiation fondée sur un projet parental même avant la naissance de l'enfant", avance la porte-parole de l'association FièrEs, Delphine Aslan. Mais le gouvernement, lui, reste divisé sur la question. "Nous sommes en relation étroite avec lui, mais, si certains ministres sont favorables à une nouvelle loi, d'autres bloquent", explique Alexandre Urwicz. Ce qui laisse pour le moins dubitative Sylvie Fondacci, de l'association Homosfère : "Nous ne sommes pas très optimistes quant à une nouvelle réforme durant ce quinquennat", lâche-t-elle.

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