Le mariage pour tous expliqué aux martiens
Si vous n'avez rien suivi de l'actu ces derniers mois, francetv info récapitule les éléments du débat sur le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels.
Les députés se lancent dans un rare marathon. L'examen du projet de loi sur le mariage pour tous débute mardi 29 janvier à l'Assemblée nationale. Les discussions se tiendront pendant 15 jours sans interruption, même le week-end, jusqu'au 10 février. Si vous avez passé ces derniers mois sur Mars, francetv info vous donne les clés du débat.
Ce que contient le texte : mariage et adoption
Le texte adopté en Conseil des ministres est fidèle à l'engagement 31 du programme de François Hollande, rappelle notre journaliste Vincent Daniel sur son blog Livret de famille. Le premier changement majeur est introduit dans l'article 143 du code civil : "Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe". Une avancée significative pour les couples gays et lesbiens, qui devaient jusqu'ici se contenter du Pacs.
Autre mesure très attendue : le droit à l'adoption (simple ou plénière) pour les couples homos mariés. Un droit qui permettra surtout aux deux membres d'un couple homo ayant déjà des enfants d'être reconnus légalement comme parents.
Ce qu'il ne contient pas : PMA et filiation
C'est ce qui en fait un texte surtout symbolique aux yeux des associations LGBT. La procréation médicalement assistée (PMA) était une revendication forte des couples homos, et pourrait figurer dans un projet de loi sur la famille présenté en 2013. Mais même là, il n'est pas certain qu'elle passe mieux, car le camp socialiste est partagé, y compris au sein du gouvernement. Manuel Valls, par exemple, a déclaré qu'il ne "voterait pas" la PMA s'il était député. Valérie Fourneyron y est elle opposée pour des questions de bioéthique.
Pas non plus de référence aux questions de filiation. Aujourd'hui, quand un enfant naît, le mari ou concubin est considéré d'office comme étant le père : c'est la "présomption de paternité". Les associations homoparentales demandaient elles une "présomption de parenté", ce qui n'a pas été retenu dans le texte. Le projet du gouvernement n'inclut pas non plus de statut du tiers (ou du beau-parent), réclamé par les assos LGBT et les familles recomposées.
Le coup de force : la "Manif pour tous"
Le gouvernement et les partisans du mariage pour tous ne l'ont pas vue venir. Au départ multiple et divisée, l'opposition s'est montrée féroce et très organisée. Tout a commencé le 23 octobre, sur l'esplanade de la Défense à Paris, avec le slogan "un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants" et une mise en scène un peu ridicule mais bien voyante, comme le racontait notre journaliste.
En organisant sa "Manif pour tous" du 13 janvier, le camp du "non" a enfoncé le clou en rassemblant au moins 340 000 manifestants à Paris. Avec sa communication millimétrée, sa logistique digne d'un concert de Johnny Hallyday et ses porte-paroles très médiatiques comme Frigide Barjot, l'opposition a réussi à se faire entendre et même à être reçue à l'Elysée.
Le ras-le-bol : les dérapages homophobes
Est-il possible d'être opposé au mariage pour tous sans être homophobe ? Sur le blog Livret de famille, quatre personnes impliquées dans le débat livrent leur point de vue, sans jamais trancher la question. Une chose est sûre, les dérapages homophobes ont été nombreux : à l'UMP, de la part de responsables de l'Eglise catholique ou dans les manifs. Le blog "Hop-Hop-Hop-Homophobie" a décidé de les archiver, "pour que ça colle à la peau des homophobes".
C'est l'une des raisons qui ont poussé les partisans du projet à s'engager eux aussi dans la bataille de la communication. Les dérapages et le succès de la "Manif pour tous" ont mené à la naissance des nouveaux collectifs Oui Oui Oui et les OUTragés de la République, qui ont préparé la riposte et la manifestation du 27 janvier, qui a rassemblé au moins 125 000 personnes.
L'hésitation apparente du gouvernement
Le gouvernement apparaît parfois divisé, sur la PMA par exemple. François Hollande a d'abord fait l'anguille, avant de ne plus du tout aborder la question. Il est allé jusqu'à prôner la "liberté de conscience" des maires qui refuseraient de célébrer l'union de couples homosexuels, avant de reculer. Les différents ministres chargés du projet se sont tantôt court-circuités, tantôt contredits. L'analyse de Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France 2.
L'obstruction de l'opposition
Les opposants usent de tous les moyens pour freiner le projet de loi. Des responsables politiques UMP comme Henri Guaino, Laurent Wauquiez, Alain Juppé ont appelé au référendum. Tous ont clamé qu'il n'y avait "pas de débat" et qu'ils voulaient "donner enfin la parole à tous les Français". C'est une idée populaire, mais le référendum est quasiment impossible, sur le plan juridique comme politique.
L'opposition compte à présent mener une guerilla parlementaire. En tout, 5 362 amendements ont été déposés, dont 96% par l'UMP. L'objectif est de retarder au maximum l'adoption du texte, quitte à déposer des demandes absurdes comme la suppression du mariage pure et simple, l'autorisation du mariage incestueux…
Les Français pour le mariage, mitigés sur l'adoption
L'institut CSA s'est penché sur l'évolution des mentalités vis-à-vis de l'homosexualité. Il en ressort que la population française porte un regard plutôt bienveillant sur les homosexuels, sans pour autant les accepter unanimement, analyse Olivier Biffaud sur le blog Scènes politiques.
A 60% (un chiffre plutôt stable ces derniers mois), les Français sont favorables au mariage pour tous. En revanche, le duo mariage-adoption divise presque à égalité : 41% sont pour, 39% contre. D'une manière générale, les femmes, les 25-34 ans, les agnostiques et les sympathisants de gauche sont plus enclins à défendre le projet de loi.
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