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Qui critique la loi sur la famille ?

Bien qu'édulcorée, la proposition de loi fait face à une levée de boucliers de la part de divers groupes. Francetv info détaille les objections de chacun.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Rentrée des classes à l'école élementaire Moulins-Pergaud, à Lille (Nord), le 5 septembre 2011. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Nouvel épisode dans la difficile histoire du texte de loi sur la famille. La proposition de loi présentée par des députés PS et écologistes sur l'autorité parentale et l'intérêt de l'enfant s'est heurtée à une pluie de critiques avant même son examen, qui débute lundi 19 mai à l'Assemblée nationale. Le texte, qui reprend une partie du projet de loi sur la famille abandonné en catastrophe par le gouvernement en février, semblait pourtant expurgé de tous les sujets qui fâchent.

Comme l’a demandé le Premier ministre, Manuel Valls, il n’y est en effet ni question de gestation pour autrui, ni de procréation médicalement assistée. Une loi édulcorée, donc, qui suscite tout de même de vives critiques au sein de l’opposition, parmi les professionnels de l’enfance et les associations de défense des femmes. Décryptage pour comprendre qui reproche quoi au texte. 

Les professionnels de l'enfance contre la double résidence

En cas de divorce, la proposition de loi veut introduire le principe de résidence partagée, pour remplacer la garde alternée. Si la loi est adoptée, l'enfant sera domicilié chez chacun des parents. Plus question donc d'imposer à l'enfant, sous certaines conditions, de passer un week-end sur deux chez papa ou maman. Ce sera à eux de se mettre d’accord, ensemble, sur les modalités de fréquence et de durée.

Les professionnels de l'enfance, qui ont très mal accueilli cette disposition, sont 5 500 à avoir signé une pétition pour la dénoncer. Les psychiatres, psychologues, et d'autres spécialistes du jeune âge craignent une généralisation de la résidence alternée paritaire, où l’enfant partagerait équitablement ses semaines entre les domiciles du père et de la mère. 

Pour le psychiatre Pierre Lévy-Soussan, signataire de la pétition, la proposition de loi ignore "le besoin de repère fixe de l’enfant". "Les deux parents sont aussi importants et complémentaires, explique-t-il au micro de RTL, mais si vous éloignez l'enfant trop précocement de sa figure d'attache principale, il va développer des troubles."


Dr Pierre Lévy-Soussan : "La résidence alternée... par rtl-fr

Les associations de femmes opposées à une trop grande influence de l'ex-conjoint

Autre point contesté : le dispositif prévu en cas de déménagement et changement d’école. Le texte instaure que, pour ce type d'"actes importants", l’autre parent devra impérativement être consulté et donner son accord. Pour sanctionner le parent qui ne respecte pas ces nouvelles règles, le texte met en place une amende civile pouvant aller de 135 à 10 000 euros. 

Les associations de défense des droits des femmes tirent la sonnette d'alarme. Pour Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, la proposition de loi "comporte de nombreux articles inacceptables du point de vue des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes". Dans les cas de violence morale, l’ex-conjoint aura "un pouvoir énorme sur la mère à travers l'enfant", selon elleet pourra "polluer la vie de son ex-compagne".

Certes, la loi prévoit une exception en cas de condamnation de l'un des parents, pour agression sur son ex-conjoint par exemple. Mais la présidente du Haut Conseil alerte quant aux "cas d'un parent manipulateur, pour lequel il n'y a pas eu de violence révélée", et rappelle qu'il n'y a que "10% des femmes victimes de violences qui portent plainte"Pour protester contre ces dispositions, une vingtaine d’associations féministes, dont l'association SOS les Mamans et SOS Sexisme, devaient manifester lundi 19 mai au soir devant le palais Bourbon. 

La droite ne veut pas de la nouvelle place du beau-parent

Aller chercher l’enfant à l’école, l’emmener chez le médecin… autant d’éléments de la vie quotidienne que les beaux-parents pourront officiellement effectuer avec le seul accord de leur conjoint, si le texte est adopté. La proposition de loi prévoit de reconnaître le rôle du beau-père ou de la belle-mère, en lui permettant de s’impliquer davantage dans la vie quotidienne de l’enfant, sans accord préalable de l’autre parent biologique.

Ces droits sur l’enfant pourront même aller plus loin si les deux parents signent un "mandat d’éducation quotidienne", dans lequel ils fixent les nouvelles responsabilités du tiers. Dernier élément : la passation de garde au beau-parent. En cas de décès d'un des parents, le juge pourra décider de confier l'enfant à un tiers, comme le beau-parent. Jusqu'à présent, il était obligé de donner la garde au parent biologique restant.

La levée de boucliers de la droite vire à l'obstruction. Pas moins de 700 amendements ont été déposés, dont 600 par l’opposition, sur les 20 articles du texte. Le député UMP et animateur de la conservatrice Entente parlementaire pour la famille, Philippe Gosselin, craint une "fragilisation de l’autorité parentale". Pour lui, la proposition de loi représente "l'esquisse d'un nouveau modèle familial déjà présenté lors des débats en 2013"

Autre attaque du côté du FN, où l'on parle d'un texte "scandaleux". "Le beau-père ou la belle-mère n'ont pas le même rôle éducatif et affectif que le père ou la mère", juge Marion Maréchal-Le Pen, interrogée par BFMTV et RMC. "On passe simplement du statut de la famille biologique à la famille sociale (...), où le tiers est au même niveau que les parents, ce que je condamne", renchérit la députée du Vaucluse, qui devait participer lundi soir au débat à l’Assemblée nationale.

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