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Loi de bioéthique : quatre questions sur la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes

L'article 3 du projet de loi relatif à la bioéthique, examiné à partir de mardi à l'Assemblée nationale, réforme le don de sperme, d'ovocytes et d'embryons en France en proposant une levée partielle de l'anonymat. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Du sperme et des embryons congelés et conservés au centre d'études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) de Bordeaux (Gironde).  (BURGER / PHANIE / AFP)

Elle est l'une des réformes emblématiques promises par le projet de loi de bioéthique, dont l'examen a débuté à l'Assemblée nationale, mardi 24 septembre. Le texte, en parallèle de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, prévoit la levée partielle de l'anonymat des dons de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) et d'embryons en France. Une autre évolution sociétale, elle aussi particulièrement attendue – et sensible. 

Dès ses 18 ans, tout enfant français issu d'un don pourra, s'il le désire, accéder à des informations non identifiantes concernant son géniteur ou sa génitrice. Mais il pourra aussi, s'il le souhaite, connaître son identité et accéder à ses origines – chose impossible jusqu'à présent avec un donneur ou une donneuse français. 

Comment cette levée de l'anonymat va-t-elle s'opérer si le projet de loi est adopté ? Quelles seront les conséquences sur les stocks de gamètes en France ? A l'heure de l'ouverture des débats au Palais Bourbon, franceinfo fait le point sur cet élément clé du texte. 

1Quelles seront les données disponibles ?

Le projet de loi relatif à la bioéthique entérine, avec son article 3, la fin de l'anonymat total du don de gamètes. S'il est adopté, tout donneur de sperme, d'ovocytes ou d'embryon devra, avant son don, consentir à deux éléments : la communication à l'enfant issu de ce don de plusieurs informations "non identifiantes" le concernant, et son identité, si l'enfant en question souhaite connaître ses origines à sa majorité. La personne concernée ne pourra réaliser son don si elle accepte un élément mais refuse l'autre – elle devra donc accepter que son identité soit révélée.

Les informations "non identifiantes" auxquelles un adulte issu d'un don pourrait avoir accès sont variées. D'après le projet de loi, il s'agit de l'âge du donneur et son pays de naissance, mais également de "son état général tel qu'il le décrit au moment du don", de "ses caractéristiques physiques", de "sa situation familiale et professionnelle" et de ses motivations, "rédigées par ses soins". Ces données, ainsi que l'identité du donneur, seront conservées par l'Agence de la biomédecine pour une durée minimale de 80 ans.

2Comment les personnes issues d'un don pourront-elles les obtenir ?

Le projet de loi prévoit la constitution d'une "commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur", liée au ministère des Solidarités et de la Santé. Cette instance recevra l'ensemble des demandes de personnes nées de dons et demandera à l'Agence de la biomédecine de communiquer ces informations. 

Les Français ayant réalisé un don avant l'adoption du projet de loi pourront également se rapprocher de cette commission s'ils sont d'accord pour communiquer leur identité aux personnes nées de leur don. Quant aux adultes conçus grâce à un don avant l'entrée en vigueur de ce changement législatif, ils pourront aussi prendre contact avec la commission afin d'accéder à leurs origines si leur donneur a donné son accord. 

3Cela peut-il entraîner une diminution des dons ? 

Si elle entre en vigueur, cette réforme va bouleverser le stock de dons en France. Plusieurs voix s'inquiètent d'une possible pénurie de gamètes en cas de levée de l'anonymat. Certaines personnes pourraient en effet renoncer à donner si leur identité est susceptible d'être divulguée. Et il faudra renouveler entièrement le stock actuel de gamètes, ce dernier étant régi par l'ancien cadre législatif assurant un anonymat total.

A l'heure actuelle, la situation est "équilibrée" pour les dons de sperme, selon une étude d'impact réalisée pour le projet de loi. Ces dons – 363 en 2016 d'après l'Agence de la biomédecine"couvrent la demande", mais l'attente pour y accéder est en moyenne "de 12 mois", voire de "18 mois", a précisé lors de son audition en commission spéciale Nathalie Rives, présidente de la Fédération des centres d'études et de conservation du sperme (Cecos). Une pénurie est en revanche observée pour les dons d'ovocytes, au nombre de 746 en 2016.

D'après l'Agence de la biomédecine, pour répondre aux demandes de quelque 3 000 couples par an, pas moins de 1 400 dons d'ovocytes et 300 dons de spermatozoïdes sont en effet nécessaires. Ces seuils devront en parallèle être relevés pour prendre en compte les besoins de femmes seules et de couples de femmes accédant à la PMA. Cela représenterait 2 000 demandes supplémentaires, d'après le gouvernement. 

D'après l'étude d'impact, cette situation s'est temporairement présentée au Royaume-Uni, en Finlande, en Suède ou en Australie, quand l'anonymat du don a été levé. "La tendance semble ensuite s’inverser pour repartir à la hausse et dépasser les chiffres initiaux" de dons, tempère toutefois l'étude. 

4Comment le gouvernement compte-t-il éviter ces écueils ?

Pour répondre à ces risques de pénurie, plusieurs solutions ont été évoquées, notamment la rémunération pour inciter aux dons. "Si la gratuité légale du don en France participe certainement à la situation de tension actuelle voire de pénurie de gamètes, le gouvernement exclut toute rémunération du don de gamètes", précise néanmoins l'étude d'impact. 

Les autorités misent plutôt sur une période de transition assez longue, pour limiter les risques de pénurie et constituer un nouveau stock de gamètes. "Le stock de gamètes va continuer à être utilisé en attendant que nous constituions un autre stock de gamètes qui répondra aux nouvelles exigences", celles de la levée de l'anonymat, a annoncé la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, fin août sur France Inter. "Il y aura par décret une date pivot à laquelle nous déciderons de changer de système", a-t-elle précisé. 

Cette période de transition devrait durer au maximum un an une fois la loi promulguée, d'après le projet de loi. A l'issue de cette période, seuls les dons dont l'origine pourra être communiquée seront utilisés. Les autorités espèrent que les dons précédents seront en majorité utilisés au cours de cette transition. Car si ce n'est pas le cas, ils devront en principe être détruits. 

Autre piste pour mener à bien cette réforme : multiplier les campagnes d'information et de sensibilisation au don de gamètes. D'après une étude réalisée en 2018 pour l'Agence de la biomédecine, près de la moitié des personnes en âge de donner sont prêtes à "envisager un don". Mais entre 15% et 30% des Français interrogés ignorent que ces dons sont légaux, voire encouragés. 

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