Le directeur du CHU de Caen démissionne en catastrophe
“Le livre noir des hôpitaux”, de Philippe Houdart, François Malye et Jérôme Vincent, tous trois journalistes à l'hebdomadaire Le Point, n'est pas encore paru qu'il pourrait déjà avoir fait une victime. “Pourrait” car rien n'est confirmé. Le mot d'ordre “bouche cousue” semble avoir dévalé toute la pyramide hiérarchique du système de santé français, du ministère jusqu'au CHU de Caen, qui s'est réveillé ce matin sans directeur.
L'établissement est sous le choc après avoir appris que Joël Martinez avait remis sa démission. A 60 ans, ce cadre avait pris les rênes de l'hôpital en 2007, et à priori pour durer : “Il n'était pas question qu'il déménage. Il a toujours jusqu'alors laissé entendre qu'il était là pour plusieurs années, pour mener les réformes qu'il avait engagées”, susurre un syndicaliste qui tient à garder l'anonymat, dans le lourd climat qui s'est abattu comme une giboulée sur la Normandie.
Pourquoi cette quasi-fuite ? L'hypothèse la plus couramment évoquée est la mise en cause de Joël Martinez par les auteurs du “Le livre noir des hôpitaux”. Selon eux, le directeur du CHU de Caen aurait fait rénover son pavillon de fonction aux frais de l'hôpital. Et l'addition est plutôt salée, puisqu'elle se monterait à 836.997 euros. Le directeur aurait entièrement refait ce pavillon de 238 mètres carrés et y aurait ajouté une véranda, avec prestation d'un architecte d'intérieur.
C'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas tout. Le restaurant et la salle de réunion directoriale auraient aussi bénéficié d'un coup de jeune (45.000 et 60.000 euros), et les 16 directeurs adjoints ont également fourni du travail aux artisans caennais, avec des rénovations de logements atteignant 700.000 euros. Au total, le CHU aurait engagé deux millions d'euros de dépenses discutables sous la houlette de son directeur.
“Sa démission est un énorme gâchis, une mauvaise nouvelle pour l'hôpital, qui va entraîner des retards, alors que M. Martinez faisait bouger les choses à l'hôpital”, regrette le syndicaliste discret. Le CHU de Caen avait en effet de gros dossiers à faire évoluer, à commencer par son coûteux désamiantage. Autre gros dossier, le déficit de l'établissement. Il traîne en effet un passif cumulé de 24 millions d'euros. Un contexte qui aurait peut-être dû inciter sa direction à lever le pied sur la décoration intérieure.
Grégoire Lecalot, avec agences
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