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La Bulgarie, l'itinéraire bis des djihadistes

France Info vous emmène ce matin en Bulgarie, la voix terrestre la plus utilisée par les filières de Daesh, depuis que la Turquie a renforcé la surveillance dans ses aéroports. Depuis 2013, des centaines d’apprentis djihadistes, dont des Français, ont rejoint la Syrie via ce pays.
Article rédigé par franceinfo
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  (Tous les jours, une dizaine de bus partent de la gare routière de Sofia, direction Istanbul © Gaële Joly / RF)

Ces derniers-mois, le poste frontière de Kapitan-Andreevo, sur la frontière entre la Bulgarie et la Turquie, est devenu une véritable ligne de front dans la guerre contre les filières djihadistes. Jour et nuit, des bus, des voitures, des camions traversent, avec à leur bord, de plus en plus de candidats au djihad, direction Istanbul, en Turquie, dernière étape avant le territoire de l'Etat islamique en Syrie. Même Gueorji Kalaidjiev le patron de la police des frontières, le reconnait, il a laissé filer des djihadistes : "J'ai vu des gens qui appartiennent à ces groupes extrémistes et qui veulent se rendre en Syrie. Cela a été le cas notamment du Français Fritz-Joly Joachin, le proche des frères Kouachi, qui a été arrêté ici à la frontière".  

 

Si Fritz-Joly Joachin a pu être intercepté, dans la nuit du 31 décembre 2014, quelques jours avant l'attaque de Charlie Hebdo , la plupart passe à travers les mailles du filet. En deux ans, selon le ministre de l'intérieur bulgare, des centaines de djihadistes, dont des dizaines de Français, ont pris ce chemin, réputé plus discret, et le phénomène s'accélère, depuis que les Turcs ont renforcé leurs contrôles aux aéroports. Alors pour éviter d'être pointé du doigt par Bruxelles, désigné comme un pays incapable de surveiller ses frontières, la Bulgarie a renforcé les contrôles, en mettant la pression sur les compagnies de bus.

 

Pression sur les compagnies de bus

 

A la gare routière de Sofia, Stephan, chauffeur de bus, nous montre la liste des passagers, avec leurs coordonnées et leur numéro de passeport, l'homme revient tout juste d'Istanbul : "Avant, on contrôlait les bus seulement à la douane. Maintenant, on arrête les bus avant pour les contrôler. La police monte dans le bus, elle récupère les passeports, elle fouille dans les coffres à bagages ". Un autre chauffeur de bus nous confie même que c'est lui qui prévient la police, quand ils voient monter à bord un profil un peu louche. "On les reconnait, nous dit-il, parce qu'ils se tordent les doigts, ils ont l'air stressé, ils regardent par terre ".

Mais le véritable outil des autorités c'est le système d'information Schengen, une base de données commune aux Etats membres, qui signale les personnes recherchées par la police. Un fichier inutile quand le candidat au djihad est simplement sous surveillance, ou qu'il n'a rien à se reprocher. Voilà pourquoi c'est très compliqué de les arrêter estime Nicolas Limitrov, le chef adjoint du check-point de Lesovo, un peu plus haut sur la frontière, car selon lui : "On travaille avec des preuves et des données. On ne peut pas arrêter des citoyens de l'Union européenne qui passent par-là simplement sur des soupçons. Ce serait mal interprété et ça aurait des conséquences sur l'image de la Bulgarie ".

  (Les contrôles sont devenus systématiques au poste frontière de Kapitan Andreevo, entre la Bulgarie et la Turquie © Gaële Joly / RF)

 

"On ne peut pas arrêter les gens parce qu'ils portent une barbe "

 

Sur cette question, le coordinateur européen de la lutte anti-terroriste, Gilles de Kerchove, se défend. Selon lui, le système est en train de s'améliorer : "Ce que les Etats ont fait, comme la France par exemple et je trouve ça très utile, c'est de permettre au ministre de l'Intérieur de retirer des documents de voyage dont on pense qu'ils sont sur le point de partir, sur la base de soupçons. Ce ne sont pas des preuves judiciaires ". Mais Gilles de Kerchove met en garde : "On ne peut pas établir un Etat policier. On ne peut pas arrêter les gens parce qu'ils portent une barbe, c'est la difficulté. On ne veut pas d’un système orwellien mais on doit essayer d’optimiser les outils dont on dispose aujourd'hui ".

De son côté, la police des frontières bulgare réclame un plus grand partage des informations, sans quoi, nous dit-elle, elle continuera de les regarder passer, sans pouvoir les arrêter.

Reportage de Gaële Joly, à la frontière entre la Bulgarie et la Turquie
 

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