Suite de la fausse affaire d'espionnage : Renault accusé de "cynisme intégral"
L'échange de mails au sein du service communication de Renault, que France Info a dévoilé ce vendredi matin, n'a rien de légalement répréhensible. Que le constructeur ait envisagé et anticipé le possible suicide des trois cadres qu'il avait accusés à tort d'espionnage et venait de licencier en janvier 2011 ne peut tomber sous le coup d'aucune règle juridique. Autrement dit, il n'est pas interdit de prévoir le pire, l'"l'imparable " comme l'écrit la directrice de communication de l'époque. Non, cette affaire dans l'affaire est strictement morale. Et c'est bien à ce titre qu'elle choque syndicats, salariés et politiques.
"Le mépris des hommes " (syndicats) "On est dans le cynisme intégral , dénonce le premier Patrick Monange, secrétaire général de FO chez Renault. Ce qui soucie la direction de l'entreprise, c'est d'abord de se couvrir vis-à-vis des médias. Ca traduit un mépris des hommes. Ca veut dire que finalement pour l'entreprise, les salariés restent une variable d'ajustement [...] On les licencie et on verra après... " Et le syndicaliste prévient qu'il va saisir le ministère de Travail sur cette question, pour tenter d'aller "vers un management plus humain ".
A la CGT, même amertume : "On aurait pu penser que les dirigeants ignorent les conséquences de leurs décisions , constate Fabien Gâche, de la CGT. Or cette affaire montre que non seulement ils ne les ignorent pas, mais qu'ils se préparent à aborder ces questions-là pour répondre médiatiquement aux effets destructeurs qu'ils génèrent ".
"Le cynisme ajouté à l'inhumanité " (Harlem Désir) Harlem Désir sur France Info s'est dit aussi choqué par cette révélation, parlant d'"indécence ", de "cynisme " et d'"inhumanité ". Pour le Premier secrétaire par intérim du PS, l'entreprise Renault aurait dû prévenir, entourer ses cadres, leur dire qu'il n'allait pas les abandonner, plutôt qu'être "dans cette logique marketing ".
"C'est un couteau que l'on tourne dans la plaie " (avocat) "C'est affreux de penser que quelqu'un chez Renault a pu donner une telle instruction ". Pour Me Xavier Thouvenin, l'avocat de Michel Balthazard, l'un des trois cadres mis en cause puis blanchis dans la fausse affaire d'espionnage chez Renault, ça signifie que "des gens chez Renault ont estimé -et assumé- que leur décision pouvait entraîner la mort de quelqu'un ". Pour son client, accusé à tort pendant plus d'un an, avant d'être blanchi par une enquête de la DCRI, le choc est rude : "C'est un couteau que l'on tourne dans sa plaie, c'est de la tristesse. Il a passé 33 ans dans cette entreprise. On n'est plus dans le droit là, on est dans l'émotion : on lui dit qu'on avait prévu qu'il pouvait se suicider puis qu'on avait prévu un communiqué. C'est dur ! "
Xavier Thouvenin raconte enfin que son client, qui n'a jamais reçu la moindre aide de Renault, a été frappé d'un problème cardiaque sérieux à l'issue de l'affaire et sans doute, dit-il, à cause d'elle.
"Toutes les entreprises se préparent aux décès de leurs salariés " (Conseil) Outre la morale dans cette affaire, ce genre de management, mâtiné de marketing, existe-t-il ailleurs ? "Oui, les entreprises se préparent aux décès de leurs employés , explique Mathias Léridon, chez Tilder, société de conseil auprès des dirigeants d'entreprises. C'est normal, parce qu'on va questionner l'entreprise ". Pour autant, cette affaire chez Renault paraît au conseiller complètement "délirante " et "troublante " : "On a l'impression que les dirigeants de Renault étaient face à un film de John Le Carré [...] et que la machine s'est emballée".
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