Sexe neutre adopté au Canada : "La France est très conservatrice, donc ça ne se fera pas tout de suite, mais ça se fera"
Vincent Guillot, co-fondateur de l'Organisation internationale des intersexes, a réagi vendredi à l'autorisation de l'inscription "sexe neutre" sur les documents officiels au Canada.
Après l'Australie en 2014, le Canada autorise à son tour la mention "sexe neutre" sur les documents officiels, à compter du 31 août 2017. La lettre X remplacera les lettres F ou M sur les cartes d'identité des Canadiens qui ne s'identifient pas au sexe féminin ni au sexe masculin. En France, la Cour de cassation, saisie par un plaignant intersexe, s'est opposée en mai 2017 à une reconnaissance du sexe neutre. Le plaignant s'est donc tourné vers la Cour européenne des droits de l'homme.
Vincent Guillot, co-fondateur de l'Organisation internationale des intersexes (OII), a affirmé vendredi 25 août sur franceinfo que mettre en place la mention neutre à l'état civil français ne serait pas si compliqué, car la case "existe dans l'aviation civile depuis 1945, et une personne qui veut demander un visa pour venir en France a la possibilité d'avoir la case neutre [contrairement aux Français]".
franceinfo : La reconnaissance du sexe neutre est-il un mouvement qui prend de l'ampleur dans les pays occidentaux ?
Vincent Guillot : Oui, vraiment. Le 24 août, l'Allemagne a reconnu par jurisprudence le sexe neutre pour l'ensemble des citoyens qui le souhaitaient. Le Portugal est également en train de légiférer sur la question. Donc oui, c'est une lame de fond. Sur ces questions sociétales, la France en général est très conservatrice, donc ça ne se fera pas tout de suite, mais ça se fera. [Le rejet de la Cour de cassation n'était pas] très ferme : sur le fond, ils n'avaient rien à dire, puisque rien n'empêche le sexe neutre en France, donc le plaignant a saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et on attend que ce soit jugé là-bas.
La Cour de cassation a jugé que la reconnaissance d'un sexe neutre aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français fondé sur la binarité des sexes. Ce que fait aujourd'hui le Canada serait-il techniquement possible en France ?
Ça existe dans [les normes] de l'Organisation de l'aviation civile internationale depuis 1945. Ça n'avait rien à voir avec les intersexes, c'était simplement parce que les rapatriements des personnes en camp de concentration se faisaient sur dossier, qu'il y avait des prénoms neutres et donc cette case existe depuis 1945. D'ailleurs une personne qui veut demander un visa pour venir en France a la possibilité d'utiliser la case neutre [contrairement aux Français].
On ne peut accéder à rien quand on a un corps qui ne correspond pas à ses papiers.
Vincent Guillot, co-fondateur de l'Organisation internationale des intersexesà franceinfo
Pourquoi cette mention à l'état civil est-elle si importante?
Ce n'est pas une mesure symbolique, elle est fondamentale car c'est ce qui nous ferme la porte à tous les droits élémentaires, aux soins, à l'éducation, au logement, à l'emploi. Par exemple, la grosse difficulté qu'on a pour les hébergements d'urgence, c'est que si tu as un corps plutôt masculin et des papiers féminins, si tu appelles le 115, tu restes à la rue, parce qu'il faut que ton corps soit conforme à tes papiers. On ne peut pas retirer une lettre recommandée, on ne peut pas accéder à l'emprunt.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.