La Défenseure des droits s'inquiète d'une "banalisation des atteintes aux droits" dans son rapport annuel

Le nombre de réclamations auprès de cette autorité indépendante est en hausse de 10% en 2023. Elles concernent principalement les relations avec les services publics.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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La Défenseure des droits, Claire Hédon, à Paris, le 14 février 2024. (LUDOVIC MARIN / AFP)

L'année 2023 a été marquée par "une banalisation des atteintes aux droits" et une fragilisation "préoccupante" de l'Etat de droit, s'inquiète la Défenseure des droits, Claire Hédon, dans son rapport annuel, publié mardi 26 mars.

L'autorité indépendante, chargée notamment de défendre les droits des citoyens face à l'administration, déplore "un fossé qui s'est construit entre les usagers et le service public" : "On nous dit : 'Ça s'améliore', moi ce que je constate, c'est qu'on a de plus en plus de saisines, ce qui n'est pas du tout rassurant", a déclaré Claire Hédon à l'AFP. La Défenseure des droits a reçu, en 2023, 137 894 réclamations, soit 10% de plus que l'année précédente, dont la majorité (plus de 92 400) concernent les relations avec les services publics.

Les autres réclamations sont liées principalement à la lutte contre les discriminations, les droits de l'enfant, la déontologie des forces de sécurité et la protection des lanceurs d'alerte. Cette "fragilisation" des droits "n'est pas nouvelle, mais elle s'inscrit dans une tendance de fond avec une forme d'accélération", résume Claire Hédon. Concernant les droits de l'enfant, elle alerte sur "la situation extrêmement préoccupante des enfants nécessitant une protection du fait du manque de places en foyer et d’assistants familiaux, de placements non exécutés et de ruptures dans les parcours".

Des réformes ayant "restreint" certains droits

Dans son rapport, la Défenseure des droits pointe du doigt plusieurs réformes législatives ou réglementaires ayant "restreint le bénéfice de certains droits", comme la loi "pour le plein emploi", la loi Kasbarian "visant à protéger les logements contre l'occupation illicite" ou encore la loi sur l'immigration. "On met encore plus en difficulté des populations déjà très vulnérables", estime Claire Hédon.

A cela s'ajoutent "des propos et des actes par lesquels des décisions de justice ont été remises en cause ou critiquées". Des phénomènes qui "n'ont rien d'anecdotique" et qui traduisent "une fragilisation éminemment préoccupante de l'autorité du juge et, au-delà, de l'Etat de droit", selon le rapport. L'autorité indépendante cite comme exemple "l'instrumentalisation du Conseil constitutionnel à qui il a été demandé de sanctionner des dispositions législatives malgré leur inconstitutionnalité manifeste" dans le cadre de la loi sur l'immigration.

La Défenseure des droits déplore également "l'inexécution de plus en plus importante des décisions de justice, y compris adoptées par les plus hautes juridictions". La non-exécution "en matière de droit au logement opposable (Dalo) ou d'accès des étrangers aux préfectures" est quant à elle, "dans certaines régions, une constante", dénonce-t-elle.

Des "discriminations persistantes"

Les restrictions des libertés d'expression, de manifestation et d'association se sont poursuivies en 2023. L'autorité dit avoir été saisie "de près de 170 réclamations mettant en cause la déontologie des forces de sécurité dans le maintien de l'ordre" à l'occasion des manifestations contre la réforme des retraites. "Ces saisines répétées (…) peuvent dissuader des personnes d'aller manifester et restreignent ainsi la possibilité d'utiliser la manifestation comme vecteur de contestation des décisions publiques", s'alarme-t-elle.

Autres sources d'inquiétude, les mesures de restriction observées en 2023 et qui ont empêché "certaines personnes en situation de précarité d'accéder à leurs droits". L'autorité indépendante cite notamment l'arrêté préfectoral pris en octobre 2023 interdisant toute distribution alimentaire dans un secteur parisien pendant un mois.

Les personnes précaires doivent également composer avec des "discriminations persistantes", notamment dans le domaine de l'accès aux soins. "Il existe encore aujourd'hui des refus de soins discriminatoires opposés à des personnes qui bénéficient de la complémentaire santé solidaire", relève le rapport.

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