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"L'Elysée ne répond pas à des allégations mensongères" de Dominique de Villepin, a indiqué l'entourage du chef de l'Etat

L'ancien Premier ministre avait affirmé vendredi que la décision du parquet de faire appel de sa relaxe dans l'affaire Clearstream avait été prise jeudi "lors d'une réunion" à l'Elysée.Avec cette annonce du procureur Jean-Claude Marin, pour lequel "tout n'a pas été dit dans cette affaire", c'est un second procès Clearstream qui s'annonce.
Article rédigé par France2.fr
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Dominique de Villepin, vendredi 29 janvier, sur Canal Plus. (AFP)

L'ancien Premier ministre avait affirmé vendredi que la décision du parquet de faire appel de sa relaxe dans l'affaire Clearstream avait été prise jeudi "lors d'une réunion" à l'Elysée.

Avec cette annonce du procureur Jean-Claude Marin, pour lequel "tout n'a pas été dit dans cette affaire", c'est un second procès Clearstream qui s'annonce.

"Quand le procureur de la République Jean-Claude Marin dit "j'ai décidé, c'est faux", a lancé Dominique de Villepin lors du "Grand journal" de Canal Plus. "Le procureur n'a pas l'autorité pour décider et prendre une telle décision. Il y a eu une réunion hier (jeudi) à l'Elysée où cette décision a été prise", a-t-il affirmé vendred soir.

Réagissant à la décision du procureur, Dominique de Villepin sur RMC avait déclaré vendredi matin qu'il s'agissait d'une décision "politique", montrant qu'"un homme, le président de la République, Nicolas Sarkozy" a choisi de "persévérer dans son acharnement, dans sa haine". L'ancien Premier ministre a également accusé le chef de l'Etat d'avoir "menti" dans ce dossier. "Nicolas Sarkozy a menti dans ce dossier, les éléments sont là, il a menti sur la date à laquelle il a été informé de ces opérations", a déclaré l'ancien Premier ministre sur RMC. Nicolas Sarkozy "a poussé lors du procès, dans la bouche de son avocat, tellement loin qu'il a été amené à utiliser des documents à qui il a donné une interprétation fausse", a accusé M. de Villepin.

Le matin même, sur Europe 1, le procureur Jean-Claude Marin avait déclaré : "de manière un peu surprenante, le jugement ne condamne pas Dominique de Villepin". "Il faut que la cour d'appel ait tous les éléments (...) Fin 2010 ou début 2011, on pourrait avoir un second procès", a ajouté le magistrat, qui avait requis 18 mois de prison avec sursis et 45.000 euros d'amende à l'encontre de l'ancien Premier ministre pour "complicité de dénonciation calomnieuse".

Dans un communiqué publié jeudi par l'Elysée, Nicolas Sarkozy, partie civile dans ce dossier, avait annoncé qu'il était satisfait du jugement et ne ferait pas appel. Une partie civile n'a pas juridiquement le pouvoir de faire appel d'une décision pénale, qui n'appartient qu'au parquet. Le chef de l'Etat a néanmoins remarqué la "sévérité" de certains jugements (voir encadré).

A sa sortie du tribunal, l'ancien premier ministre avait affirmé vouloir "tourner la page" et "servir la France". "Je veux offrir une alternative à une politique qui ne donne pas de résultat", a dit un peu plus tard

Guéant: "une part de mystère demeure"
Pour le secrétaire général de l'Elysée, interviewé par le site de Paris-Match, le procès Clearstream n'a pas permis de découvrir toute la vérité sur la manipulation des fichiers truqués de cette société luxembourgeoise. La justice a établi l'existence d'unemachination mais "une part de mystère demeure", estime Claude Guéant.. "Trois personnes ont été condamnées. Mais la question est de savoir qui est l'inspirateur. Y a-t-il un inspirateur ?" déclare-t-il.

"Je note que, dans les attendus du tribunal correctionnel, il est fait mention que Dominique de Villepin n'a pas toujours dit la vérité", ajoute Claude Guéant.

Le jugement
Dominique de Villepin: contre l'avis du parquet, qui demandait 18 mois de prison avec sursis et 45.000 euros d'amende contre lui, les magistrats ont jugé que l'accusation de "complicité de dénonciation calomnieuse" n'est pas établie.

Les juges ont estimé qu'il n'existait pas de preuve qu'il ait donné une instruction frauduleuse, et qu'il n'est pas davantage complice du délit par abstention.

Jean-Louis Gergorin: l'ancien vice-président d'EADS, Jean-Louis Gergorin, considéré par le tribunal comme le "cerveau" de l'affaire de dénonciation calomnieuse Clearstream, a été condamné jeudi pour "dénonciation calomnieuse et usage de faux" à une peine de trois ans d'emprisonnement, dont 15 mois ferme.

Imad Lahoud: il a été condamné pour "faux et complicité de dénonciation calomnieuse" pour avoir falsifié les listings bancaires dans l'affaire Clearstream, à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis.

Florian Bourges: l'ancien consultant est sanctionné de quatre mois de prison avec sursis et devra verser 59.000 euros de dommages et intérêts, solidairement avec Gergorin et Lahoud. De cette somme, 50.000 euros reviendront à la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream.

Denis Robert: il a été relaxé conformément aux réquisitions du parquet.

Retour sur l"affaire Clearstream
Tout est parti de fichiers informatiques volés au Luxembourg, de banals listings bancaires provenant de la chambre de compensation Clearstream, auxquels ont été ajoutés des noms de personnalités, dont celui de Nicolas Sarkozy, pour faire croire qu'elles étaient mêlées à des affaires de corruption.

Outre Dominique de Villepin, quatre autres prévenus étaient poursuivis, le mathématicien Imad Lahoud, l'ancien vice-président d'EADS Jean-Louis Gergorin, ainsi qu'un ancien auditeur, Florian Bourges et le journaliste Denis Robert.

Le communiqué de Nicolas Sarkozy après le jugement
Nicolas Sarkozy a déclaré jeudi être satisfait du verdict du procès Clearstream, dans lequel l'ancien premier ministre Dominique de Villepin a été relaxé, et annoncé qu'il ne ferait pas appel.

Voici le texte intégral du communiqué du président de la république :

"Le Tribunal correctionnel vient de se prononcer.
"Il a reconnu une 'manipulation grave'. Il en a tiré la conclusion que les auteurs de ladite manipulation devaient être sanctionnés par une peine de prison ferme y compris pour l'un d'entre eux qui n'avait pourtant pas d'antécédent judiciaire.
"Je m'étais constitué partie civile parce que je voulais que ces agissements soient portés à la connaissance des Français, qu'ils soient sanctionnés afin que nul n'ait la tentation de se livrer à l'avenir à de telles pratiques qui déshonorent la démocratie.
"Le jugement me donne satisfaction, même si ne connaissant personnellement aucun des condamnés, ne les ayant jamais rencontrés, je ne nourris à leur endroit aucun ressentiment, et je m'interroge encore sur leurs motivations.
"Le Tribunal a considéré que le rôle de M. Dominique de Villepin dans la manipulation ne pouvait être prouvé. J'en prends acte tout en notant la sévérité de certains attendus le concernant.
"Dans ces conditions, j'annonce que je ne ferai pas appel de la décision du Tribunal correctionnel."

Réactions politiques à l'appel du Parquet

- Patrick Devedjian (UMP): "C'est un principe du parquet habituel, c'est absolument banal comme décision. Quand l'une des parties fait appel du jugement, le parquet fait appel général pour une raison très simple, c'est pour que toutes les parties soient à égalité dans l'instance d'appel. Sinon il y en a qui sont présentes, d'autres qui sont absentes, et ça fausse le procès".

- Marie-Anne Montchamp (UMP, villepiniste) : "J'éprouve d'abord un sentiment de vertige : c'est comme si on poussait les Français dans le vide alors qu'ils se posent des questions sur l'emploi, le chômage... On a là une évolution quasi suicidaire des choses qui paraît préoccupante. Quel dommage que la page n'ait pas été tournée! Tout cela porte un discrédit à l'action politique dont on a tant besoin à l'heure où les Français sont dans l'attente et l'inquiétude".

- Arnaud Montebourg (PS) : "La décision du Procureur de la République Jean-Claude Marin de faire appel n'a pas pu être prise sans l'accord de son ultime supérieur hiérarchique, le Président de la République. Dans cette affaire le Procureur de la République est devenu le procureur privé des intérêts personnels et politiciens de Nicolas Sarkozy, lequel utilise l'appareil judiciaire à des fins de vindicte politique et de vengeance privative. Ce comportement est indigne du plus haut personnage de l'Etat, dont la Constitution le charge pourtant de garantir d'indépendance de la justice".

- Jean-Christophe Cambadélis (PS) : "Dans cette affaire, il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Villepin et Sarkozy se poursuivent d'une haine réciproque par voie de presse. C'est grotesque au regard des problèmes de la France et des Français. Le parquet de Paris ne pouvait pas ne pas faire appel, tant il avait été giflé par le jugement. Mais il est certain que ni la Chancellerie ni l'Elysée ne l'en ont dissuadé".

- Corinne Lepage (MoDem) : "Je suis profondément choquée par cet appel, par cet acharnement judiciaire, en tant que citoyenne et en tant que juriste. Si on peut se réjouir de l'indépendance des juges qui ont relaxé M. de Villepin dans un jugement particulièrement motivé, chacun doit réfléchir aux conséquences de la réforme qui envisage de supprimer le juge d'instruction dans un pays où l'exécutif exerce un tel pouvoir sur le parquet. Une société dans laquelle il n'y a plus de justice indépendante n'est plus une démocratie".

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