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"J'irai jusqu'au bout de mon combat pour la levée partielle de l'anonymat du donneur de sperme"

Audrey Kermalvezen, une femme née d'un donneur de sperme, a saisi le Conseil d'Etat pour obtenir des informations sur son père biologique. Elle explique à francetv info son combat judiciaire.

Article rédigé par Violaine Jaussent - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Audrey Kermalvezen se bat pour connaître quelques informations sur son père biologique.  ( FRANCE 2)

A 29 ans, Audrey Kermalvezen (un nom d'emprunt) découvre qu'elle a été conçue par insémination artificielle. Elle veut en savoir plus son géniteur. Mais elle se heurte au refus de l'Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP), car l'anonymat du don de sperme est inscrit dans la loi française.

Depuis, cette avocate de formation mène une bataille judiciaire. La trentenaire a saisi l'administration en 2009. Déboutée de ses demandes par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel, elle a saisi le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative française. L'audience s'est tenue mercredi 21 octobre. La décision est mise en délibéré. Pour francetv info, Audrey Kermalvezen revient sur son combat. 

Francetv info : Quelles sont les informations que vous souhaitez obtenir sur votre père biologique ?

Audrey Kermalvezen : J'aimerais connaître ses antécédents médicaux, savoir s'il est encore en vie ou décédé, le nombre de dons de sperme qu'il a effectués, son âge. S'il était étudiant, chômeur ou s'il travaillait lorsqu'il a donné son sperme. Je souhaiterais aussi connaître quelques caractéristiques physiques générales, pour me le représenter.

Je ne souhaite pas connaître son identité à tout prix. Je veux simplement contraindre l'administration hospitalière à lui demander s'il est d'accord, ou pas, pour révéler son identité. Je veux qu'on lui pose la question. Si sa réponse est négative, je respecterai sa décision.

Pourquoi ces informations sont-elles si importantes pour vous ?

Ce n'est pas un membre de ma famille, mais il fait partie de mon identité. J'ai besoin d'entrer dans une réalité concrète : je veux savoir à qui je dois la vie. J'ai aussi besoin de ces informations pour mon suivi médical et celui de mes enfants.

Pour tenter d'obtenir gain de cause, vous menez un combat judiciaire depuis six ans. N'est-ce pas décourageant ?

J'irai jusqu'au bout. Même si cela doit durer dix ans. Si je dois aller devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) [NDLR : l'ultime recours pour contester une décision du Conseil d'Etat], je le ferai. Je trouve ça dingue de ne pas écouter la parole des premiers concernés. C'est une douleur de vivre sans connaître ses origines. Il faut qu'un enfant ait la possibilité, à sa majorité, de savoir qui a participé à sa conception.

Pourquoi ne pas avoir la possibilité de demander au donneur de sperme s'il souhaite ou pas révéler son identité ? Cela ne change rien à l'anonymat au départ et il sera toujours protégé par la loi. Ma demande est très modérée. Je ne veux pas changer de père, je veux juste savoir. Il ne s'agit pas de renier ses parents mais d'avoir toutes les pièces du puzzle. Je pense que je fais les frais de la frilosité du législateur, mais je suis confiante. Je suis d'un naturel optimiste.

Vous avez rencontré votre mari à l'association Procréation médicalement anonyme. Est-ce que lui, comme les autres membres de cette association, se posent ce type de questions ?

Oui, mon mari se pose ces questions. Pourtant, il a su dès l'enfance comment il avait été conçu. Au sein de l'association, on se rejoint tous sur ce point : avoir le choix de savoir ou de ne pas savoir. Tout le monde n'a pas les moyens ni la force de mener un combat comme le mien. Mais je suis très soutenue. Ce qui me désole, c'est qu'on joue avec nos vies.

Cette fois, le Conseil d'Etat a la possibilité de trancher. J'espère qu'il prendra cette responsabilité, plutôt que de s'en remettre à la CEDH [NDLR : Toutefois le rapporteur a demandé aux juges de rejeter la requête de Audrey Kermalvezen]. Certains pensent que cela fera baisser le nombre de donneurs de sperme. Pour moi, il s'agirait d'une avancée sociale.

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