Garde d'enfants : les pères désarmés face aux mères
Fallait-il grimper au sommet d'une grue pour se faire entendre ? Pour Serge Charnay, la question ne se pose plus. A court de vivres, ce père continue de camper à 40 mètres au-dessus des chantiers navals de Nantes. Il menace même d'entamer une grève de la faim pour revoir son fils de six ans.
Cet ancien ingénieur informaticien a été condamné à quatre mois de prison pour un mois de congé passé avec son fils, épisode considéré par la justice comme un enlèvement. Le père réclame l'annulation d'une décision qui l'empêche de voir son enfant depuis deux ans.
Un geste désespéré
Les associations de défense des pères séparés ne sont pas surprises par ce geste désespéré. Les hommes se sentent lésés par le traitement inégalitaire des divorces devant les tribunaux. Lorsqu'un couple se sépare, le père n'obtient la garde des enfants que dans 7,9% des cas, selon un rapport du ministère de la Justice publié en 2009.
"Il n'y a pas à s'étonner que certains pères tentent des coups d'éclats puisque la justice française, le gouvernement et les institutions ne veulent pas les entendre" , regrette Fabrice Meijas, le président de l'association SOS Papa. Et il précise en citant les chiffres de l'Institut national des études démographiques que "la situation en France est tout à fait catastrophique, puisque plus d'1,3 millions de papas sont privés de leur enfant".
La mère garde l'enfant dans deux tiers des cas
Même son de cloche du côté de l'autre organisation pro-père, SVP Papa. "Les lois sont équitables depuis 1990, mais les décisions des juges sont toujours d'exclure les pères du quotidien de leurs enfants", explique son président Yann Vasseur.
Lors d'un divorce, la mère se voit confier la garde de l'enfant dans 76,8% des cas. Autre option, la garde alternée n'est choisie par le juge que dans 14,8% des divorces.
De nombreux pères, lésés sur leur droit de visite
"Il y a beaucoup de papas qui sont privés de leurs enfants, et par le système judiciaire, et par les mamans ", reprend Fabrice Meijas. Selon lui, la majorité des pères privés de leur progéniture "ont un jugement entre les mains qui les autorisent à voir leur enfant".
Même lorsque la mère conserve la garde, le juge prévoit généralement un droit de "représentation de l'enfant" . En clair, le père peut héberger et rendre visite à ses enfants régulièrement.
Mais ces droits parentaux seraient souvent bafoués par les mères. Chaque année, plus de 25.000 plaintes sont déposées pour non-représentation de l'enfant.
Un chiffre sous-estimé selon Fabrice Meijas, qui souligne la difficulté pour un père de porter plainte lorsqu'on l'empêche de voir son enfant : "Les parquets ont tendance à aiguiller ce type d'affaires vers des médiations pénales qui ne sont pas répertoriées dans les statistiques ".
La nécessité d'un changement de mentalité
Interrogée sur l'action de Serge Charnay, la ministre déléguée à la Famille Dominique Bertinotti a refusé de s'exprimer sur ce cas précis. Mais elle a reconnu la nécessité d'un changement de mentalité.
"On ne peut pas vouloir à la fois l'égalité femme-homme, et en même temps, ne pas entendre les revendications des pères qui entendent assumer à part égale leurs responsabilités de parents ", a-t-elle déclaré.
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