Denis Robert se dit "accusé de journalisme"
Le journaliste, qui était sur le banc des prévenus au procès Clearstream, revient sur ces "5 semaines de punition"Le journaliste, qui était sur le banc des prévenus au procès Clearstream, revient sur ces "5 semaines de punition"
Dans un long entretien publié mercredi dans l'hebdomadaire Les Inrockuptibles, Denis Robert, pour lequel le parquet a requis la relaxe, explique avoir trouvé "humiliant" de se retrouver sur le banc des prévenus.
"Accusé de quoi ? De journalisme, tout simplement", se défend l'auteur de "Révélation$", enquête sur Clearstream publiée en 2001.
A la question de savoir ce qu'il pense de cette phrase lâchée au procès par les avocats de Clearstream à son adresse - "nous laissons les gens qui croient à la chimère de la lessiveuse mondiale de l'argent sale à leur obsession, à leur névrose et à leur narcissisme" - il réfute avec force que son enquête sur la chambre de compensation financière luxembourgeoise Clearstream ait été "une chimère".
"Mon enquête n'est pas une chimère: une chimère qui fait démissionner toute une multinationale, une chimère qui dévoile les coulisses de cette finance, une chimère qui démontre que la plupart des banques françaises avaient des filiales dans les paradis fiscaux, une chimère qui apporte le témoignage d'un responsable informatique expliquant comment il effaçait les traces des transactions, ce n'est pas une chimère, c'est une réalité."
Il ne nie pas cependant, avoir été lent à saisir l'ampleur de la manipulation. "J'ai compris assez tôt qu'il y avait falsification des fichiers. J'ai mis plus de temps, évidemment, à cerner l'ampleur et les tenants de la manipulation", reconnaît-il, tout en se trouvant des circonstances atténuantes en la personne du falsficateur Imad Lahoud: "Quand un escroc entre dans ta vie, avec l'intelligence et le sens artistique de Lahoud, il est très difficile de résister".
"Je veux bien qu'on dise que je me suis fait baiser, mais c'est faux: je n'ai jamais rien écrit, jamais publié aucun nom. Je n'ai jamais cru que Sarkozy avait des comptes chez Clearstream". Mais alors, pourquoi n'avoir rien écrit, lui demandent ses interviewers David Dufresne et Camille Polloni. Pour, d'une part ne pas mettre en cause sa source Florian Bourges, et d'autre part protéger son ami le juge Renaud Van Ruymbeke, dont il savait alors qu'il avait entendu Florian Bourges hors procédure.
"Tu ne sors pas une information comme ça. C'est toujours un échange, un rapport de confiance avec les gens.", explique-t-il. "D'une certaine façon, je suis la mauvaise conscience du journalisme. Je n'ai pas de journal derrière moi (...). Ca implique des moments de solitude" mais, assure-t-il, "je peux me regarder dans une glace".
"Aujourd'hui, la question des paradis fiscaux est centrale et je suis un des précurseurs", remarque-t-il en conclusion, estimant que "les gens qui lisent mes livres connaissent mieux cet univers financier que ceux qui ne les ont pas lus."
Le journal publie à la suite de l'entretien des réactions de confrères. Si certains, comme Roberto Saviano, l'auteur de Gomorra, salue le "travail difficile et courageux" de Denis Robert, d'autres ont la critique sévère. "Il ne suffit pas de croire que l'on pense politiquement juste pour informer vrai", réagit ainsi Edwy Plenel, fondateur du site Mediapart et ancien réacteur en chef du Monde.
L'interview de Denis Robert dans Les Inrockuptibles
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