Condamnée en justice pour avoir critiqué un restaurant sur son blog
C'est donc l'histoire d'un repas qui se passe mal, dans un restaurant du Cap Ferret (Gironde). Ce sont des choses qui arrivent... Sauf que la cliente est blogueuse, et qu'elle le raconte - avec style. L'article s'intitule "L'endroit à éviter au Cap Ferret : Il Giardino" , et détaille par le menu les apéritifs qui arrivent en même temps que le plat de résistance, la patronne désagréable, la faute au code du travail...
L'histoire aurait pu s'arrêter là - la note de blog date d'août 2013. Mais le 30 juin dernier, le tribunal de grande instance, saisi en référé (en urgence), a condamné la blogueuse à 1.500 euros de dommages et intérêts, et 1.000 euros de frais de procédure. Prudente, elle a retiré son article - mais celui-ci reste toujours accessible en cache - alors que la justice lui avait juste demandé de modifier le titre.
Entre liberté d'expression et dénigrement
Les restaurateurs avaient saisi la justice pour dénigrement. Parce que cette note de blog arrivait en tête des résultats sur Google. Et qu'être "l'endroit à éviter au Cap Ferret" n'est pas forcément très porteur...
C'est l'avocat-blogueur Maître Eolas qui s'est fait l'écho de cette décision de justice. Dans L'Express , il revient sur cette notion de "dénigrement". "Selon la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux, la critique en elle-même relève de la liberté d'expression. Or le titre, "L'endroit à éviter au Cap-Ferret: Il Giardino", tombe sous le coup du dénigrement (article 1382 du code Civil), dans le sens où il "jette publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise". "Si elle avait titré 'Vous, je ne sais pas, mais je ne pense pas -après mûre réflexion et sous couvert de changer d'avis- retourner un jour chez eux', ce serait peut-être passé."
Pas de jurisprudence
Voilà qui émeut en tout cas la blogosphère. Cette décision de justice signe-t-elle la fin de toute critique ? Maître Eolad répond : "Il ne faut pas donner à cette décision une portée plus large qu'elle n'a. Il existe des jurisprudences dans le sens inverse par la Cour européenne des droits de l'homme, qui défend farouchement la liberté d'expression. Le droit de critique existe."
Histoire de calmer les esprits : "Cela reste une ordonnance de référé. Elle ne peut pas faire jurisprudence, car elle n'a pas autorité sur la chose jugée" . Et l'avocat de conclure - la blogueuse a choisi de se défendre elle-même : "c'est une bêtise à 2.500 euros. N'importe quel avocat aurait trouvé l'arrêt de la Cour de cassation qui contredit l'ordonnance de référé" .
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