Affaire Karachi : un témoin accable le contre-espionnage français
Gérard Willing était visiblement très informé. A l'époque
des faits qu'il dénonce, il dirigeait une société de renseignement privé. Son
témoignage a été écouté avec la plus grande attention par le juge
antiterroriste Marc Trévidic, qui l'a interrogé lundi dernier.
Le QG de campagne de Balladur "surveillé"
Selon Gérard Willing, les agents de la DST épiaient avec
attention, dans une camionnette, les allers et venues au siège de campagne d'Edouard
Balladur. A l'époque, en 1994-1995, le Premier ministre s'était engagé dans la
campagne présidentielle, face à Jacques Chirac.
Sous les yeux des espions notamment, le bal des valises d'argent
liquide. Ils savaient donc, selon Gérard Willing, que la campagne du candidat
était financée grâce à des rétro-commissions liées aux contrats d'armement avec
l'Arabie Saoudite et le Pakistan. Une affirmation qu'a toujours réfutée Edouard
Balladur. Toujours selon lui, "tous les documents ont été détruits en
2011" .
La piste financière de l'attentat de Karachi
Autre révélation de Gérard Willing : la confirmation de
la piste financière de l'attentat de Karachi, en 2002. Cinq jours après la mort
de quinze personnes dans l'attaque, le 13 mai, il affirme avoir fait un
compte-rendu oral à l'intention de la DST. Il a également rédigé une note
destinée au chef du renseignement français, le général Philippe Rondot.
Dans cette note, il évoque "l'hypothèse" que l'attentat
ait été commis en représaille après l'arrêt brutal, en 1996, des commissions
sur les contrats d'armement. Les fonds auraient été détournés au profit des "amis
orientaux du camp chiraquien" , après la mise à l'écart des premiers
intermédiaires, dont Ziad Takieddine, mis en examen dans le volet financier du
dossier. Malgré tout, selon Gérard Willing, "la DST n'a pas tenu compte
de sa note" .
Un témoin-clé
Le témoignage de Gérard Willing est pris très au sérieux par
les enquêteurs, et notamment par le juge Trévidic, qui privilégie depuis qu'il
a repris l'enquête en 2007 la thèse du détournement des commissions.
Du côté des victimes, ce pavé dans la mare ne fait que
confirmer l'impression de se trouver "au cœur d'une affaire d'Etat" .
Celui qui prononce ces mots, Gilles Sanson, a survécu à l'attentat de 2002. Il
ajoute : "les services français savaient et ont tout caché, ils
devront s'expliquer devant la justice" .
Autre réaction, celle de Me Olivier Morice, l'un des avocats
des familles, qui condamne "l'entrave au plus haut niveau de l'Etat" dans cette affaire.
A la lumière de ce nouveau témoignage, les enquêteurs s'apprêteraient
à demander de nouvelles auditions.
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