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Affaire Boulin : de nouveaux témoignages accréditent la thèse de l'assassinat

De nouveaux témoignages, recueillis par la justice, et que nous révélons en exclusivité, mettent à mal la thèse officielle du suicide par noyade de Robert Boulin, en 1979. Alors ministre du Travail, il avait été retrouvé mort dans 50 cm d'eau, dans un étang de la forêt de Rambouillet.
Article rédigé par Benoît Collombat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (L'étang de Rambouillet où à été retrouvé le corps de Robert Boulin (à droite), non loin de sa voiture. © SIPA)

Les témoignages ont été recueillis par la juge d'instruction Aude Montrieux, depuis la réouverture de l’affaire Boulin, le 11 septembre 2015. Ces témoignages, que nous révélons en exclusivité avec 20 minutes, mettent à mal la thèse officielle du suicide par noyade du ministre du Travail de Raymond Barre (sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing) retrouvé mort dans 50 centimètres d’eau, dans un étang de la forêt de Rambouillet, dans les Yvelines, le 30 octobre 1979.

Un médecin réanimateur, qui s’est immédiatement rendu sur place, à l’époque, décrit des blessures sur le corps du ministre, avec un visage "hors de l’eau". "Ce n’était pas possible que ce soit un suicide", conclut cet homme, jamais entendu dans l’enquête initiale. Un autre témoin affirme sur procès-verbal que Robert Boulin était accompagné de deux individus, dans son véhicule, peu de temps avant sa mort.

Pour la fille du ministre, Fabienne Boulin, il s’agit d’"une avancée très importante dans l’enquête". Son avocate, Marie Dosé, réclame la déclassification de tous les documents liés à l’affaire Boulin.

Premier témoignage : celui du premier médecin qui a examiné le corps

Il s’agit d’un témoignage qui pèse lourd : celui du premier médecin qui a examiné le corps de Robert Boulin, juste après sa découverte par un escadron de gendarmerie, dans l’étang Rompu, le 30 octobre 1979, à 8h40.

 

Entendu le 19 janvier 2016 par la juge Aude Montrieux, ce médecin livre un témoignage circonstancié qui accrédite la piste de l’homicide de Robert Boulin. A l’époque, l’homme (dont nous préserverons l'anonymat) est alors médecin réanimateur au SMUR (Service mobile d’urgence et de réanimation), auprès des pompiers de Rambouillet. Alerté par radio, il se rend en forêt de Rambouillet, ce 30 octobre 1979. Lorsqu’il arrive sur place, seuls deux gendarmes se trouvent déjà sur les lieux. La dépouille du ministre flotte encore "dans un coin de l’étang" du Rompu.

"On avait l’impression qu’il avait été placé mort dans l’eau, parce qu’il n’avait pas la position d’un noyé dans l’eau. Vu sa position dans l’eau, ce n’était pas possible que ce soit un suicide."
— Témoignage du médecin réanimateur entendu par la juge Montrieux

Son constat, comme celui des pompiers qui l’accompagnent, est clair : "Tout de suite, ce qui nous a sauté à l’idée, c’est qu’il était dans l’eau, mais pas dans la position d’un noyé, explique-t-il. Il était à quatre pattes, un bras en l’air et un autre vers le bas. (…) On avait l’impression qu’il avait été placé mort dans l’eau, parce qu’il n’avait pas la position d’un noyé dans l’eau. A priori, il devait être mort avant. Un pompier a même fait la remarque : Tiens, on a l’impression qu’on l’a apporté dans une malle. (…) Il était presque à genoux. On aurait dit qu’on le sortait d’une malle. (…) Il était comme assis, c’est à dire qu’il était comme dans une position assise mais penchant vers le bas. Ça, c’était très bizarre. Un noyé aurait été à plat sur l’eau. (…) Vu sa position dans l’eau, ce n’était pas possible que ce soit un suicide."

A LIRE AUSSI ►►► Le témoignage complet, sur France Inter

Deuxième témoignage : quelques heures avant sa mort, Robert Boulin n'était pas seul

Autre témoin capital : celui d’un homme qui dit avoir croisé Robert Boulin, juste avant sa mort… accompagné de deux individus, à bord de son véhicule.

 

France Inter avait révélé l’existence de ce témoin, en 2013. C’est en s’appuyant notamment sur ce témoignage que la fille du ministre, Fabienne Boulin, a obtenu la réouverture d’une information judiciaire pour "arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat."

Entendu le 17 décembre 2015 par la juge Aude Montrieux, cet homme (dont nous préservons également l’identité) confirme sur procès-verbal ce qu’il nous avait révélé. Croisant le véhicule de Robert Boulin, le 29 octobre 1979, vers 17 heures, à Montfort-l'Amaury, il se souvient. "J’ai nettement reconnu le passager qui était M. Boulin. (…) Il y avait le chauffeur. M. Boulin, à la droite du chauffeur et une autre personne à l’arrière.  (…) Ce n’étaient pas des personnes détendues et gaies. Ils avaient des visages assez fermés. (…) [Les deux personnes dans le véhicule du ministre] étaient plus jeunes que M. Boulin. Ils avaient des cheveux plutôt foncés, pas blancs."

 

Ce témoin se dit "formel" sur le fait qu’il s’agissait bien de Robert Boulin. "Je suis sûr de l’heure, de l’endroit et de la personne."

"Ces témoignages sont la preuve qu'il s'agit d'un assassinat, mais aussi qu'il y a eu une mise en scène"
— Fabienne Boulin, fille de Robert Boulin

De nombreux autres témoins doivent encore être entendus par la justice.

 

Fabienne Boulin, la fille du ministre estime que ces témoins "apportent bien la preuve qu’il s’agit d’un assassinat, mais aussi qu’il y a eu une mise en scène". L’avocate de Fabienne Boulin, Marie Dosé, demande la déclassification et la levée du secret-défense de tous les documents liés à l’affaire Boulin, auprès de Matignon, du ministère de l’Intérieur et de la Défense. Fabienne Boulin réclame également une reconstitution, qui n’a jamais eu lieu. "On verra alors que la thèse officielle ne tient pas" , dit la fille du ministre.

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