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Droit à l'avortement au Kansas : "Il y a des électeurs conservateurs qui pensent qu'il faut préserver cette liberté", analyse la politologue Nicole Bacharan

Pour l'historienne spécialiste des Etats-Unis, le maintien de la garantie constitutionnelle de l'IVG au Kansas est un "revers important" pour les anti-avortement. 

Article rédigé par franceinfo
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Les électeurs du Kansas ont voté pour le maintien de la garantie constitutionnelle de l'IVG dans leur Etat.  (NATHAN POSNER / ANADOLU AGENCY)

Il y a au Kansas "des électeurs conservateurs qui pensent qu'il faut préserver cette liberté" du droit à l'avortement, a affirmé, mercredi 3 août sur franceinfo, Nicole Bacharan, politologue et historienne, spécialiste des Etats-Unis. Les électeurs du Kansas, dans le Midwest américain, se sont prononcés mardi pour le maintien de la garantie constitutionnelle sur l'avortement. Il s'agit du premier scrutin majeur sur l'avortement depuis que la Cour suprême des Etats-Unis a annulé le droit fédéral à l'IVG. Selon Nicole Bacharan, "c'est un revers important" pour les anti-avortement, mais ce n'est pas "la fin de la partie".

franceinfo : Qu'est-ce que signifie exactement cette décision du Kansas ?

Nicole Bacharan : C'est le premier vote populaire sur cette question de l'avortement depuis que la Cour suprême a rendu possible l'interdiction de l'avortement dans ce pays. Le vote est sans appel. 59% de citoyens du Kansas souhaitent que l'avortement reste légal dans leur Etat. Et quand on sait que c'est un Etat conservateur, cela nous montre que la question de l'avortement est aussi une question de santé.

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Depuis un peu plus d'un mois et cette décision de la Cour suprême, on voit ressortir toutes sortes d'informations et d'aspects de cette question qui montrent notamment le danger pour les femmes et les difficultés pour les médecins à traiter correctement, proprement, des femmes qui ont des grossesses compliquées, qui peuvent les amener à décider un avortement même si ce n'était pas ce qu'elles souhaitaient. On voit qu'il y a des électeurs conservateurs du Kansas qui pensent qu'il faut quand même préserver cette liberté.

Est-ce que c'est un revers important pour les anti-avortement ?

C'est un revers important mais ce n'est pas pour eux la fin de la partie. On a vu à quel point ils étaient galvanisés par décision de la Cour suprême, à quel point ils voulaient aller de la possibilité d'interdire à une interdiction radicale dans les 50 États, sans exception pour les cas de viol ou d'inceste de très jeunes filles. 

"Dans cette campagne du Kansas, chaque mouvement, pour et contre, a dépensé douze millions de dollars. On voit que les deux mouvements sont galvanisés."

Nicole Bacharan

à franceinfo

Quand les électeurs ont l'occasion de voter non pas en général pour le gouverneur Untel ou le sénateur Machin, mais vraiment sur l'avortement, la position des citoyens américains est plus nuancée que ce que voudrait la Cour suprême.

En quoi cela peut avoir un impact sur les autres Etats, et notamment les Etats voisins du Kansas ?

Ce que l'on remarque, c'est que les Etats voisins du Kansas ont à l'heure actuelle des restrictions très dures sur l'avortement

"Depuis à peu près deux mois, les avortements qui se font au Kansas traitent des femmes qui viennent d'Oklahoma, du Missouri, du Nebraska. C'est, à l'heure actuelle, un refuge."

Nicole Bacharan

à franceinfo

Ce qui s'est passé avec le vote d'hier, c'est que la protection de l'avortement inscrite dans la Constitution locale, celle du Kansas, est maintenue. Mais cela n'empêche pas le Parlement du Kansas de débattre, de voter, avec peut-être des restrictions plus importantes. Ce n'est pas terminé. Mais dans la Constitution du Kansas, le droit à l'avortement reste protégé.

Est-ce que cela va conforter Joe Biden alors qu'à cent jours du vote des élections de mi-mandat, sa popularité est au plus bas ?

Cela ne va pas lui nuire. Beaucoup d'électeurs, beaucoup de femmes, qui souhaitent que l'on maintienne le droit à l'avortement, vont voter démocrate. Mais est-ce que cela va les mobiliser suffisamment à l'égard du parti du président ? Cela n'en prend pas tellement le chemin. Parce qu'en novembre, il va y avoir la question de l'inflation, la question du prix de l'essence, du prix de l'énergie, de la guerre en Ukraine. Et quand on vote pour un candidat pour tel ou tel poste, le vote est un peu noyé dans plein d'autres priorités. Mais quand il y a une question référendaire sur l'avortement, là, on voit ce que pensent vraiment les électeurs.

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